Notes sur la décolonisation de l’histoire du Cameroun

5 novembre 2013

Notes sur la décolonisation de l’histoire du Cameroun

53 ans après l’assassinat de Felix Roland Moumié le 03 novembre 1960 à Genève en Suisse, je vous propose dans ce billet une approche vers la décolonisation de l’histoire du Cameroun afin que ses héros, sources intarissables d’inspiration, soient connus par la jeunesse. Ceci dans l’optique de bâtir une nation qui réussit.

Felix Roland Moumié. Crédit photo:prisma.canalblog.com
Felix Roland Moumié. Crédit photo:prisma.canalblog.com

Etude du passée dans sa dynamique et ses mouvements, l’histoire doit refléter la réalité vécue par ceux qui nous ont précédés afin de susciter à nos contemporains des sources d’inspiration. Mais, lorsque le révisionnisme qui consiste à cacher, dénier, déformer les faits pour des fins parfois inavouées s’installe, cette histoire reste peu et mal connue. S’y installe une histoire officielle voulue par ceux dont les intérêts dépendent.  C’est le cas du Cameroun où l’histoire officielle prime sur l’histoire réelle. Entrainant de fil en aiguille une ignorance exceptionnelle par les jeunes des réels héros et sources d’inspiration de notre nation en construction. Et pourtant, toutes les grandes nations se construisent en actualisant les valeurs et les combats des héros qui sont venus avant les contemporains.

A l’heure où on célèbre un autre martyr africain, nos leaders politiques mais surtout nos grands maitres en histoire accompagnés par toute la communauté des historiens doivent jeter un regard sur la décolonisation de l’histoire du Cameroun afin de la mettre au service d’un peuple qui se cherche sans cesse.

Cette décolonisation de l’histoire consistera à rompre avec des méfiances autour des sujets de recherche dès lors que le recul sera assez considérable pour recueillir les informations. Même si l’histoire immédiate fait de plus en plus parler d’elle, il ne sera pas question de verser dans une analyse de l’actualité quand on sait que le recul nécessaire n’est pas effectif. Mais plutôt de poser des réelles questions sur le mouvement nationaliste camerounais, de présenter à travers des réflexions diffusées et vulgarisées le réel combat de ces leaders, les valeurs qu’ils défendaient et les obstacles sur leur chemin. Dans cette perspective, l’homme politique, au-delà du rôle qu’il doit jouer, devra aider à la vulgarisation des valeurs de ces héros, à l’actualisation de leur combat en les mentionnant régulièrement dans les discours politiques et publiques comme on l’observe assez souvent dans d’autres pays. Mais pour ce faire, il faut obtenir les informations des acteurs ou des descendants de ces acteurs de l’histoire. L’un des obstacles à ce niveau, c’est la peur et le silence.

Généralement, lorsque vous interrogez un acteur ou un descendant d’un acteur du mouvement nationaliste camerounais, il est silencieux et a peur de vous donner des informations. Quand vous l’abordez, vous sentez une suspicion au fond de lui qui l’amène à vous donner l’information si vous êtes astucieux. Mais cette information n’atteint parfois pas le quart de ce qu’il pouvait vous donner. Cette peur qui se traduit par le silence est mémorielle car il est parfois difficile de retracer un passé douloureux et atroce. Elle est aussi politique et sociale car, avec la diabolisation du mouvement nationaliste camerounais à une certaine période, plusieurs personnes parfois considèrent l’appartenance d’un parent à ce mouvement comme étant une mauvaise chose et refuse donc de parler. Bref, cette peur mémorielle n’est que le fruit d’un processus historique que seule la décolonisation de l’histoire pourrait déconstruire.

Enfin, les administrateurs accompagnés par les corporations d’historiens devront mettre à la disposition des chercheurs et des curieux les sources de l’histoire. Ils devront aussi conserver les sources en voie de disparition et de détérioration. Il s’agira de restaurer et d’entretenir les maisons d’archives, de mettre à leur direction de véritables spécialistes des archives. Ensuite, créer et faire fonctionner des maisons d’archives sonores qui permettraient aux jeunes chercheurs et aux curieux de consulter des documents oraux telles que les traditions orales (les légendes, les proverbes, les épopées, les mythes, les contes, les chants des griots) ou encore les témoignages des acteurs de l’histoire. Car, en Afrique, comme le disait Hampaté Ba, « un vieillard qui meurt est une bibliothèque qui brule ». Il faut donc, avant que cette bibliothèque ne brule puisque le vieillard se rapproche déjà de la mort, obtenir les informations qu’elle contenait, les conserver et les mettre à la disposition du public.

Cette décolonisation de l’histoire des pratiques révisionnistes (dénie de certains faits, culture de la peur, Archives en mauvais état et indisponibles) conduira certainement à la réappropriation de notre histoire pour notre bénéfice et plus encore celui des générations futures. Ce sera un pas de plus vers la construction de notre nation bâtie jusqu’ici sur l’ostracisme du crâne des parents morts pour nous. Autrement dit, sur la mise à l’écart de ceux qui, comme Moumié, ont combattu pour poser les jalons de la Nation camerounaise.

Je finirai en évoquant une initiative louable qui doit être multipliée dans notre pays. Il s’agit de l’ouvrage collectif de Thomas Deltombe, Jacob Tatsitsa et Manuel Domergue intitulé Kamerun ! Une guerre cachée aux origines de la Françafrique : 1948-1971 . Paru aux éditions La Découverte en 2011, cet ouvrage s’attaque à un pan de l’histoire du Cameroun : la guerre cachée par les forces coalisées néocoloniales. Cette initiative de deux journalistes français accompagnés d’un historien camerounais doit être multipliée et améliorée afin de rendre le contenu accessible à toutes les couches de la société.

Remember Moumié !

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