Ulrich Tadajeu

Au Cameroun, Paul Biya est Dieu

Une banderole de soutien à Paul Biya dans un stade de football. Crédit image: Ulrich Tadajeu
Une banderole de soutien à Paul Biya dans un stade de football. Crédit image: Ulrich Tadajeu

J’ai écouté récemment sur la  CRTV la lecture  d’une énième motion de soutien qualifiée de « serment d’engagement et de déférence » signée des élites du Sud et adressée au président Paul Biya. Ce journal a duré près de 40 minutes, la motion a été lue en près de 16 minutes. Une litanie de sanctifications, de glorifications à l’endroit du prince d’Etoudi qui, du haut de sa vieillesse, a été transformé en « Dieu ».

Je ne reviens pas sur les tonnes de motions qui sont signées et envoyées au chef de l’Etat au moindre acte, ni sur leur objet qui est connu. Il suffit que ce dernier tousse, qu’il prononce une phrase à l’aéroport, qu’il crée une commission d’enquête sur la situation calamiteuse du football camerounais, qu’il fasse le travail pour lequel il a été « élu » et déjà on signe un serment pour le soutenir. Lorsque quelqu’un est nommé, si le chef de l’Etat prononce un discours, s’il sort du pays, même quand il dort, ses « créatures » signent des motions de soutien à son endroit.

Image du président Paul Biya à l'amphi 700. Crédit image: Ulrich Tadajeu.
Image du président Paul Biya à l’amphi 700 de l’Université de Yaoundé 1. Crédit image: Ulrich Tadajeu.

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Le discours de ces motions n’est pas différent du discours qu’on écoute au sujet de Dieu. Il consiste à faire savoir aux Camerounais qu’ils sont des « nuls », des « pauvres pêcheurs » et que « Dieu Paul Biya » est le seul bon grain dans le sac, mais dans notre têtutesse, nous refusons de suivre ses pas. D’ailleurs lorsque quelque chose de bien se passe au Cameroun, c’est lui le premier responsable mais dès qu’il y a un problème, on crie au complot contre Paul Biya. On parle d’un président qui en situation de guerre dans son pays, va rester pendant deux semaines en Suisse. Il s’agit d’un chef de l’Etat qui, à 81 ans, continue de s’accrocher au pouvoir.  Dans les esprits des uns et des autres, dans les discours des motions de soutien et de déférence qu’il s’agisse de celles qui sont lues ou de celles qui sont affichées, Paul Biya est considéré comme « Dieu » pas comme un « dieu » parmi tant d’autres.

Pendant ce temps, les images de Paul Biya sont présentes partout. Dans les ministères, les bureaux, les routes, les salles de classe, les maisons, les chambres, les radios, les banques, sur les stades le chef est présent à travers ses effigies. Ces effigies sont accompagnées de banderoles ou de messages parfois insensés. Lors de la célébration des cinquantenaires, on a vu des banderoles qui remerciaient le « président Paul Biya, père de la vraie réunification du Cameroun« . On a même écouté des discours au cours desquels celui qui prononçait a remercié Paul Biya avant de le faire pour Dieu. Lorsqu’un individu est « élu par le peuple » il remercie d’abord Paul Biya, ce qui fait croire que son pouvoir ne vient pas du peuple, mais de Paul Biya. Lorsqu’un autre est nommé proviseur, ministre, recteur…une motion de soutien est signée sur le champ pour louer le maître. Un vrai culte!

Une grosse hypocrisie

Où est passé le mérite ? Doit-on autant louer un « vieillard » comme Popaul qui s’attache indéfiniment au pouvoir? Où sont passés le mérite et la liberté d’expression? Au lieu de faire cette litanie de sanctifications qui ne reflètent pas la vie du Camerounais lambda, l’entourage de Paul Biya devrait lui faire part des réalités du peuple et éviter de détourner les fonds publics. C’est ainsi qu’ils remercieront effectivement leur « créateur ». Paul Biya, lui-même, doit se rapprocher de son peuple et vérifier si ce « merci », ce « soutien » et cette « déférence » sont sincères. Car à la vérité, il s’agit d’une grosse hypocrisie qui pourrait avoir des conséquences inestimables.

Ce culte fait à Paul Biya qui est « Dieu » pour certains et donc leur créateur comme a affirmé un ministre caractérise la dictature dans laquelle nous vivons. Certains me diront, il y a les partis politiques, les élections. Je leur dirai que l’esprit du parti unique est encore présent. Ce culte de la personnalité a pour objectif d’hypnotiser des milliers de Camerounais pour leurs faire croire que le « seul » choix c’est Paul Biya, qu’après lui, c’est le chaos comme j’entends de plus en plus. Or Paul Biya est un homme. Même si pour eux, il est Dieu et qu’ils lui rendent un culte, pour moi #PaulBiyaNestPasDieu. Non #PaulBiyaIsNotGod


#BringBackOur50000: au sujet de la bourse des étudiants Camerounais

www.senecoplus.com
Des étudiants dans un amphithéâtre. Crédit photo: www.senecoplus.com

Au lendemain des émeutes dites de la fin en 2008 au Cameroun, le gouvernement camerounais a pris plusieurs décisions pour encadrer les jeunes et les empêcher par la suite de copier ce qu’ils ont appelé l’exemple des jeunes du Maghreb.

Parmi les mesures qui ont été prises, il y’a entre autres la bourse dite de l’excellence de 3 milliards de Fcfa octroyée aux étudiants les « plus méritants » des universités d’Etat. Chaque étudiant reçoit 50 000 fcfa. Faites la division pour savoir le nombre d’excellents dans ce pays. Je me demande : eh pourquoi on stagne toujours ? Depuis cette époque, les listes sont très attendues dès le début du mois d’Août car elles sont censées sortir au milieu dudit mois. Mais depuis le milieu du mois d’Août de cette année, les étudiants de mon université s’impatientent. Ils pensent arriver au campus et voir la fameuse liste. Pourtant rien ne sort. Face aux interrogations de ceux-ci qui se demandent où sont passés les 50000, aucune communication administrative. Bien au contraire, certains responsables que nous rencontrons disent ne rien connaitre, n’avoir aucune information à ce sujet.

Alors, seule la rumeur devient l’info. Et cette rumeur circule aussi bien au niveau des étudiants que dans d’autres milieux. Selon elle, à cause de la lutte contre Boko Haram dans laquelle l’Etat Camerounais aurait investi assez d’argent, elle n’aurait plus assez de moyens pour payer les 50 000 aux étudiants. La première fois qu’un étudiant nous en a fait part, nous avons minimisé. Mais au fur et à mesure que le temps passe, nous avons l’impression que cette rumeur finira par devenir vérité. Par ailleurs, au niveau de certaines autorités impliquées, elles disent que les listes sont en plein traitement et qu’il faille être patient. Pourtant les étudiants veulent savoir s’ils peuvent attendre cet argent ou pas. S’ils doivent attendre, c’est jusqu’à quand ? Sinon, pourquoi sacrifier ces jeunes alors qu’on sait que ceux qui nous gouvernent ont, à leur époque, reçu les bourses du gouvernement une fois qu’ils étaient à l’Université.

Pendant ce temps, les étudiants ont besoin de cet argent au moins pour préparer leur prochaine rentrée. D’autres en ont besoin pour progresser dans leurs recherches. Même s’il s’agit d’une somme réduite pour un chercheur junior qui a besoin au minimum d’un million de Francs Cfa pour mener à bien sa recherche, c’est mieux que rien.

Alors, chers dirigeants  #BringBackOur50000


Je Blogue pour apprendre, partager et reseauter

La famille Mondoblog à laquelle j'appartiens.
La famille Mondoblog à laquelle j’appartiens.

Aujourd’hui, le monde entier célèbre la journée mondiale du blog. Je me suis donc demandé : pourquoi je blog (ue) ? Dans ce billet, je fais une sorte de transition entre ce que j’entends par le blogging, ce que j’en fais au quotidien et surtout la nouvelle dynamique je veux donner à ma présence en ligne.

J’ai entrepris de bloguer pour partager avec le monde ce que j’apprends au quotidien. J’apprends à l’école, dans mes rapports avec les autres, à l’Eglise… et depuis quelques temps sur la toile. Je suis un féru de connaissances sous toutes ces formes (histoire, Sciences Sociales et depuis quelques temps, je consacre un peu de temps aux sciences exactes), mais également la culture, les savoirs faire…J’apprends tout cela pour être un homme meilleur et contribuer au progrès social. Or pour le faire, je dois partager. Ce que je fais à travers mon blog et mes réseaux sociaux. Je suis conscient, en le faisant, que ça aidera le plus grand nombre. A défaut d’une action, ça permettra de rompre avec l’ignorance, ça suscitera la connaissance, l’apprentissage et la prise de conscience collective pour des actions concertées et plus denses à l’avenir. Les réseaux sociaux sont de mon point de vue un outil dont les jeunes peuvent se servir pour apprendre, partager et réseauter. Apprendre des autres, des médias, des livres ; partager avec les autres ce qu’on appris sur/hors des réseaux sociaux  et enfin réseauter pour passer de la sensibilisation à l’action. C’est d’ailleurs dans ce sens qu’iront mes actions futures.

Je compte mettre en place deux projets dans les semaines à venir : premièrement un blog scientifique autour du concept #Tic4Science sortira des fonds baptismaux dans quelques jours. Il aura pour objectif de vulgariser les résultats de la recherche dans les domaines des sciences dites dures (sciences exactes : physiques, Biologie, Mathématiques…) et celles dites molles (sciences humaines et sociales : Histoire, Philosophie, Sociologie, Psychologie…). Il sera également question dans ce blog de proposer des astuces aux étudiants et chercheurs d’abord en sciences sociales pour mieux effectuer leurs recherches en ligne. Deuxièmement, il s’agit d’un projet Technologie de l’Information et des Communications (T.I.C) qui consistera en l’identification des problèmes des jeunes étudiants, l’organisation d’un évènement fédérateur au cours duquel on discutera davantage de cela et enfin la mise sur pieds d’un projet T.I.C pour la recherche des solutions à ces problèmes. Bref, la problématique centrale sera l’utilisation des T.I.C pour l’amélioration de la vie des jeunes et la résolution des Problèmes. Ceci à travers le réseautage et la collaboration. Lors de l’évènement, en fonction des problèmes identifiés et des propositions de résolutions, on verra quelle stratégie T.I.C utiliser pour mettre en application ces résolutions. Je reviendrai dans un prochain billet en détail sur ce projet. Il faut désormais passer à l’action via le réseautage.

En ce qui concerne mon blog, je vous rassure que le volume de publication va être réduit mais la qualité du contenu sera renforcée. La ligne reste la même : partager avec vous mes points de vue sur tout afin que dans le réalisme, l’espoir reste permis pour l’Afrique. C’est ça au final qui anime mon action de blogueur : participer au progrès de nos communautés à travers l’opportunité que m’offrent les T.I.C.

Apprendre – Partager -Réseauter


Abdoul Aziz Ciss, « L’Afrique doit avoir ses propres réseaux sociaux »

Abdoul-Aziz-Ciss. Crédit image: Ulrich Tadajeu
Abdoul-Aziz-Ciss. Crédit image: Ulrich Tadajeu

Abdoul Aziz Ciss, Docteur en Cryptographie et expert en informatique, enseignant-assistant à l’Ecole Polytechnique de Thiès au Sénégal, il y dispense les cours de cryptographie, de Sécurité informatique et de génie logiciel. Il a participé au CRAG4. Il a notamment dispensé un cours qui portait sur la cryptographie. Dans cet entretien qu’il nous a accordé, il propose des solutions aux internautes africains pour sortir des mailles de l’insécurité informatique.

Qu’est-ce que la Cryptographie ?

C’est la branche des mathématiques qui permet de sécuriser tout ce qui est communication. Ça peut être une communication entre deux personnes ou entre deux équipements informatiques (ordinateurs, ordinateur portables).

En quoi consiste cette sécurisation de la communication ?           

Elle consiste en la garantie de la confidentialité des données qui sont échangées. Seules celles qui ont droit à ces données peuvent y accéder. Ensuite, ça permet d’authentifier les parties qui communiquent. Avant chaque communication, il faudra s’assurer que l’une ou l’autre partie est effectivement celle qu’elle prétend être. Elle permet de garantir l’intégrité des données. Il s’agit de s’assurer que les données qui transitent ou qui sont stockées ne sont pas modifiées de façon intentionnelle  ou non par une tierce personne. Enfin, la Cryptographie permet de garantir la non répudiation. Lorsque je participe à une communication, je ne pourrai pas renier cette participation ultérieurement.

Un mot sur la sécurité informatique à l’échelle mondiale.

La NSA (Agence Nationale de sécurité américaine) contrôle tout ce qui est données actuellement sur la planète. Rien ne les échappe. Les Américains nous proposent tout le temps des solutions de sécurité informatique. Normalement ce sont des solutions qui sont réputées être efficaces et sûres. Mais dedans, ils introduisent des « outils » qui leurs permettront de retrouver les informations qui les intéressent. Ce qui leurs permet d’écouter toutes les communications, même le dernier S.M.S qu’on m’a envoyé est stocké quelque part aux Etats-Unis. Ce n’est pas normal.

Qu’est-ce que vous proposez aux internautes Africains?

L’Afrique est un grand continent avec plus d’un milliard d’habitants. C’est l’heure d’avoir nos propres réseaux sociaux comme en Chine, d’avoir nos propres systèmes cryptographiques, nos propres autorités de certification, nos propres « PKI ». Nous n’avons plus « besoin » des outils de certification américains. Avec les résultats de la recherche qu’on obtiendra, on pourra implémenter nos propres systèmes de sécurité informatique. On sera protégé et ça ne pourra pas nous empêcher de communiquer avec le reste du monde. Si quelqu’un veut communiquer avec l’Afrique, il n’a qu’à proposer un protocole qui respecte nos standards.

Merci pour votre disponibilité

 


Lettre aux bacheliers « Libérez-vous des préjugés! »

Crédit image: Cameroon-online. com
Crédit image: Cameroon-online. com

Au Cameroun, les résultats du Baccalauréat (examen de fin du cycle secondaire qui donne accès à l’enseignement supérieur) viennent d’être publiés par l’office du Baccalauréat. Dans cette lettre, je m’adresse à ces futurs étudiants pour leurs dire que l’Université n’est pas ce qu’ils croient. Libérez-vous des préjugés!

Bonjour chers bacheliers,

C’est avec un grand plaisir que je vous écris ces quelques mots. Je suis heureux parce que je connais la satisfaction qu’on ressent lorsqu’on réussit le BACC. On est fier d’avoir conclu l’enseignement secondaire et d’entrer dans le monde universitaire. On ne se vêtira plus de « tenues homogènes » pour se rendre à l’école. Vous pourrez désormais vous habiller librement, aller à l’école quand vous voulez. Vous accéder à cette liberté qui interpelle aussi votre responsabilité. Je vous écris en tant qu’ainé non pas en âge mais académique. Je vous écris parce que lorsque j’entrais à l’Université il y’a quelques années, j’ai entendu beaucoup de choses concernant ce monde qui ne sont pas toujours vraies. Je veux donc vous interpeller afin qu’à côté de ce que vous diront les parents, la famille, la société au sujet de l’Université, vous écoutiez également un conseil venant de l’intérieur, une source intime à l’Université.

Lorsque j’arrivais à l’Université, mon entourage comme c’est votre cas aujourd’hui me disait que c’est le siège des sectes, que les gens là-bas sont tous compliqués et qu’il ne faut intégrer aucune association. Ils peignent l’Université comme étant Sodome et Gomorrhe où on trouve toutes les mauvaises choses qui puissent exister dans une ville. Ce qui fait que plusieurs comme j’ai eu le cas de constater sont réticents aux gens, ils sont enfermés chez eux, ils n’adhèrent à aucune association culturelle pouvant leur permettre de se divertir entre amis, ils sombrent dans la solitude et l’autarcie. J’ai vu des gens dire qu’on appelle tel club « cercle » c’est sûr que c’est une secte. Du coup, ça met dans leur esprit une réticence envers toutes les activités menées par ce cercle. C’est ce qu’en tout cas les familles, la société disent de l’Université. Pourtant, ils ne sont pas à l’intérieur. Ils oublient souvent que l’Université est dans la société, elle n’est pas hors de la société. Les mauvaises choses qui se trouvent dans notre société peuvent aussi se retrouver à l’Université vu que les membres de ce monde sont avant tout membres du corps social.

Chers Bacheliers,

Ecoutez ce que vos parents vous disent, écoutez ce que votre entourage vous dit. Mais n’oubliez pas que ce n’est pas parce qu’ils l’ont dit que c’est la vérité. Ça doit vous amener à être prudents et non à être réticents. Car, l’Université est un lieu où en étant ouverts, vous aurez l’occasion de libérer effectivement votre potentiel, de poser des actions et surtout de saisir beaucoup d’opportunités. Cela n’est possible que si vous avez conscience du fait que c’est également un lieu où tout le monde n’est pas dans la secte, un lieu où on peut se faire de bons amis, un lieu où on peut faire partie d’un club, d’une association sans que ce ne soit une secte ; enfin un lieu où on peut valider toutes ses matières sans faire la magie.

Oui, chers bacheliers,

 Il est possible de faire tout son cursus à l’Université sans aller à l’été, cette fameuse session de rattrapage. Quand vous arrivez à l’Université, le plus souvent, certains qui ont connu un sale séjour de ce côté essayent de salir vos bonnes idées en vous faisant croire qu’il est impossible de valider toutes vos matières aux sessions normales. D’autres vont mêmes jusqu’à vous dire que pour le faire, il faut être dans une secte ou alors avoir des « Notes Sexuellement Transmissibles ». Eh bien, c’est faux. Ceux qui vous disent de telles choses sont venus à l’Université, ont blagué pendant que les autres buchaient. Ils n’ont rien validé et comme les paresseux le font, ils commencent à trouver une justification à leur échec. Vous pouvez valider toutes vos matières aux sessions normales et ce pendant tout votre cursus de licence voire même celui de Master. Je vous parle de quelques choses que j’ai eu à expérimenter. Sans être l’étudiant le plus brillant de ma promotion, je me suis rendu compte qu’on peut faire un cursus sans faute à l’Université, sans aller au rattrapage. Je ne citerai pas ces générations d’étudiants qui, étant appliquées, ont fait 5 ans à l’Université sans reprendre un niveau, ni aller au rattrapage. Ils ne sont pas des sorciers, ils ne sont pas dans la secte comme on vous dit souvent. Ils sont juste appliqués et conscients de leur mission dans la société.

N’allez pas croire que l’Université c’est le paradis, c’est le lieu où se trouvent les anges. Non, c’est un lieu social où se trouvent des hommes et femmes qui ont leurs défauts que ceux qui se trouvent hors de la société. C’est un espace qui a ses inconvénients, qui a ses exigences.

Au moment où vous êtes admis au Baccalauréat, ayez conscience de cela. Sachez que l’Université sera un moment déterminant dans vos vies, vous ferez l’expérience, pour certains, du manque. Manque de denrées, absence de la famille. Mais ce sera bénéfique car c’est comme cela que vous vous construirez. Soyez audacieux, osez, cherchez toujours à travers votre travail à être le meilleur. Etudiez pour vous réaliser et accomplir de grandes choses pour la communauté. Ne faites pas l’école comme les autres, n’attendez pas le signal de l’enseignant pour satisfaire votre curiosité. Ayez le gout de la connaissance. Une connaissance pour le progrès, une connaissance pour l’évolution des sociétés dans lesquelles vous vivez. Participez à la vie du campus, participez aux clubs et associations culturelles. Car, dans ces mouvements, on apprend des valeurs, on acquiert des connaissances que jamais on aurait acquis dans le cadre des cours magistraux dans les amphis. Ne cherchez pas seulement à valider mais comprenez d’abord le cours que vous recevez. Posez les questions quand cela est nécessaire, soyez libres car c’est ça l’Université. Soyez libres, exprimez cette liberté à travers vos idées. Mais n’oubliez pas l’essentiel : vos cours. En fin de compte, c’est la raison d’être de votre présence à l’Université.

Je suis conscient que certains ont peur, d’autres sont confiants. D’autres diront mêmes que c’est sûr que celui-ci est déjà « dedans ». Je ne vous empêcherai pas d’avoir votre opinion.  Frantz Fanon disait que « chaque génération découvre sa mission, la trahit ou l’accomplit ». Découvrez la vôtre et je souhaite que vous l’accomplissiez. Or pour accomplir votre mission, il faut vous libérer de ce sac de préjugés afin d’exploiter au maximum votre potentiel. En tout cas, nous ferons ce qui est de notre pouvoir pour que cela soit possible pour vous. Le premier pas que vous devez faire c’est vous libérer des préjugés.

A bientôt, dans les amphis !


Deux ouvrages en hommage à un maître, Gabriel Kuitché Fonkou

Les professeurs Alain Cyr Pangop et Gabriel Kuitche Fonkou pendant la cérémonie de dédicace. Ulrich Tadajeu
Les professeurs Alain Cyr Pangop et Gabriel Kuitche Fonkou pendant la cérémonie de dédicace. Ulrich Tadajeu

Les professeurs Clément Dili Palaï et Alain Cyr Pangop sont les codirecteurs de ces essais dédicacés le 28 mai 2014, à l’Alliance franco-camerounaise de Dschang.

Deux essais collectifs scientifiques. L’un rend hommage à l’enseignant acharné de littérature orale qu’a été pendant longtemps, Gabriel Kuitché Fonkou. Publié chez l’Harmattan en  2013, il est intitulé : « Littérature orale africaine. Décryptage, reconstruction, canonisation (Mélanges offerts à Gabriel Kuitché Fonkou). Le deuxième est consacré entièrement à la vie de l’écrivain . Edité par CLE en 2013, il a pour titre : « La Création littéraire de Gabriel Kuitché Fonkou. Horizons critiques et décodages culturels ». Il s’agit de deux recueils d’articles scientifiques coordonnés par les professeurs Clément Dili Palaï  et Alain Cyr Pangop. Le premier est spécialiste de littérature orale et officie comme doyen de la faculté des lettres et sciences humaines de l’université de Maroua ; le second est journaliste et enseignant de littérature africaine et de communication à la FLSH de l’université de Dschang. Ce 28 mai 2014, les deux publications ont été dédicacées à l’AFC de Dschang, en présence de Gabriel Kuitché Fonkou.

Les ouvrages sur Gabriel Kuitche Fonkou. Ulrich Tadajeu
Les ouvrages sur Gabriel Kuitche Fonkou. Ulrich Tadajeu

Le premier volume fait le point sur la littérature orale africaine, telle qu’elle est enseignée dans les universités et telle qu’elle est perçue dans les œuvres littéraires et cinématographiques de certains auteurs. Le deuxième titre décrypte, à travers des théories linguistiques, littéraires, anthropologiques et historiques, les productions de Gabriel Kuitché Fonkou. En plus des sept des huit universités d’Etat du Cameroun, les contributeurs de ces deux ouvrages viennent de la Côte-d’Ivoire, du Bénin, d’Afrique du Sud et de France. Certains ont été des étudiants du Pr Gabriel Kuitché Fonkou.

D’après le Pr Pangop, l’idée de ces mélanges est venue du fait qu’ayant bénéficié en tant que collaborateur de l’encadrement de « ce maître » au département d’études africaines de l’université de Dschang, il fallait lui rendre un hommage. Il fallait célébrer « de son vivant, celui-là qui a marqué de son empreinte, la vie scientifique camerounaise. L’abondance des contributions montre qu’il ne se préoccupait pas seulement de littérature orale, mais de littérature tout court ».

Réactions

« Vous m’avez pleuré de mon vivant », déclare le Pr Gabriel Kuitché Fonkou avec des larmes aux yeux. Il considère cela comme « le salaire moral différé de l’enseignant ». Et « si tout ce qui a été écrit et dit recèle quelques vérités, alors, je rends grâce au seigneur d’avoir fait tant de choses par ma modeste personne. Vous avez montré que vous m’observiez pendant que je dansais la danse de la vie ». Il regrette qu’aucun texte de ces deux ouvrages ne soit écrit en langue camerounaise, un de ses chevaux de bataille. Il offre ces mélanges « à la fille de Doumelong, mon épouse, qui pendant 42 ans a supporté mes frasques et mes fresques ».

Après une dizaine d’années dans l’enseignement secondaire, Gabriel Kuitché Fonkou est recruté à l’université de Yaoundé en 1982. En 1994, il est détaché à l’université de Dschang où il met en place le département d’études africaines. Il y initie plusieurs générations d’étudiants à la littérature orale, en leur enseignant cet art « pour qu’ils en vivent et non pour qu’ils passent le diplôme ». Doyen de la faculté des lettres et des sciences humaines entre 1999 et 2003, il est nommé inspecteur général au ministère des Enseignements secondaires en 2007, un poste qu’il occupera jusqu’à son départ à la retraite, en 2010. Il dispense de temps en temps des cours en tant que professeur émérite.

En tant que créateur littéraire, le fils de Bamougoum né en 1947 a publié dans plusieurs genres, relevant aussi bien de la littérature orale qu’écrite : nouvelle, roman, poésie, chant. Son répertoire affiche les œuvres : Moi Taximan (l’Harmattan, 2001), Chants du cœur (SIL, 2003), Les Vins aigres (CLE, 2008), Voix de femmes (L’Harmattan, 2010) et Au pays de(s) intégré(s) (CLE, 2010) et L’enfant de l’eau (2013). Ses œuvres ont la particularité de faire un mélange de l’oralité et de littérature écrite et le situent entre la tradition et la modernité. Les Vins aigres sont  inscrits au programme de la classe de 4e. Quant à l’œuvre  Chants du cœur, elle est écrite en langue Ngembà et traduite en Français.

Hindrich ASSONGO – Ulrich TADAJEU

(West Regional News Agency)


Keleng, un village dans la cité des savoirs

[Carte] La route qui mène dans mon quartier, Keleng. Une vue de Google map. Ce qui est appelé « Aéroport de Dschang » sur cette carte s’appelle aujourd’hui aviation puisque l’aéroport ne fonctionne plus. C’est la route qui se situe entre « Dschang airport » et « le lac municipal » qui est la voie principale pour rallier le quartier Keleng.

Je vis à Dschang depuis cinq ans. J’y suis arrivé après avoir obtenu mon baccalauréat. Cette ville abrite depuis 1993 une université publique. Et progressivement, le peuplement de Dschang s’est accentué avec la mise en place de cette université. Lorsque je suis arrivé à Dschang, j’ai vécu dans un quartier pendant trois bonnes années. Après, j’ai voulu découvrir autre chose, j’ai déménagé pour le quartier Keleng. Situé derrière l’université de Dschang, ce quartier est atypique. Enclavé et coupé de la ville, il accueille un bon nombre d’étudiants.

La barrière de pluie à Keleng pendant la saison sèche.
La barrière de pluie à Keleng pendant la saison sèche.
Une vue de la route de Keleng pendant la saison sèche. Crédit photo: Ulrich tadajeu
Une vue de la route de Keleng pendant la saison sèche. Crédit photo: Ulrich Tadajeu

Keleng est un quartier de Dschang situé à 10 minutes du campus universitaire, entre ledit Campus et le village Bafou venant de « Batsengla ». Pour rallier ce quartier, il y a deux possibilités. Soit venant du centre-ville, on passe par l’entrée de l’université et on traverse l’aviation. Soit, on prend le chemin de l’université et tous les raccourcis qui s’imposent, ou enfin l’entrée venant du palais de justice. Tous les chemins mèneront à Rome. Surtout que dans l’un ou l’autre cas, celui qui veut rallier le quartier devra braver soit la poussière extrême si c’est en saison sèche ou alors une boue crépitante si c’est en saison pluvieuse comme c’est le cas actuellement.

L’autre aspect de ce quartier est son paradoxe. Pour s’y rendre, c’est toujours une équation compliquée à résoudre. En saison sèche, la poussière est débordante. Pendant la saison pluvieuse, la pluie ne se laisse pas faire. On a souvent vu des « benskinneurs » refuser de s’y rendre à cause de la boue. Quand bien même ils décident de vous y transporter, c’est à un prix extraordinaire. En plus, c’est un quartier noir, mort et silencieux. Tout est sombre lorsque tombe la nuit. Mort et silencieux parce qu’après 20 heures, il y règne un silence de cimetière. Pas de lampadaire, pas de lumière. Pas de musique, pas de coins chauds et animés. Le quartier dort. On entend plus que le bruit du silence. Difficile de rallier le centre-ville à ce moment si ce n’est à pied. Car les « motos-taxis », principaux moyens de transport sont absentes.

La route qui mène à Keleng venant de l'aviation pendant la saison pluvieuse. Ulrich Tadajeu
La route qui mène à Keleng venant de l’aviation pendant la saison pluvieuse. Ulrich Tadajeu

C’est pourtant un quartier de jeunes étudiants. On y trouve tout de même les denrées de première nécessité. On y trouve également quelques bars qui ferment avant 21 heures. Un terrain de football qui est le principal cadre de socialisation dans ce quartier avec les différentes compétitions qui y sont organisées. Même si on peut trouver des familles en Keleng, la majorité de la population est estudiantine.

Une rencontre de football au stade "wembley" de Keleng. Ulrich Tadajeu
Une rencontre de football au stade « wembley » de Keleng. Ulrich Tadajeu

Les résidences universitaires sont beaucoup plus nombreuses que les habitations familiales. Et c’est peut-être à ce niveau que se trouve le charme de ce quartier. Les résidences universitaires sont moins onéreuses qu’en ville. Avec 150 000 F Cfa il est possible d’avoir une chambre très confortable et spacieuse. Ce qui n’est pas le cas en ville. Avec une pareille  somme il est impossible d’avoir le même confort. C’est un atout de Keleng.

Zone de transit des populations rurales vers le centre urbain, Keleng est un quartier stratégique, mais très enclavé. La population jeune est importante, ce quartier apparaît comme le « village » de Dschang. Du moins, c’est ce que pensent plusieurs étudiants parce qu’il est fermé, enclavé, sombre et obscur. Mais au fond de ces ténèbres, il y a des notes d’espoir à savoir le coût relativement accessible des résidences universitaires, mais surtout les belles cités et les jolies créatures qui s’y trouvent. Ça n’empêche que mon quartier reste le village de la cité des savoirs.

NB : ce texte fait partie des exercices que nous avons faits lors de notre formation mondoblog tenue au mois de mai dernier à Abidjan.


Sauvegardons les traditions et la culture africaines!

Quand le village se réveille.
Quand le village se réveille.

Je viens de découvrir en profondeur le projet de Boukary Konate qui a pour nom « Quand le village se réveille ».   C’est le nom du projet futuriste de cet aîné malien qui a pour objectif de

Collecter et  diffuser les traditions et  la culture malienne des villages, à travers des textes, des images, des vidéos et des témoignages des sages, diffusées et préservées grâce aux Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication.

Ce projet permettra, conformément aux textes de l’Organisation des Nations Unies pour l’Education, la Science et la Culture (UNESCO), de sauvegarder le Patrimoine Culturel Immatériel (PCI) à travers les  Technologies de l’Information et de la Communication (TIC). Dans l’article 1. Alinéa 1 de la convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, le  PCI est  présenté comme l’ensemble des

pratiques, représentations, expressions, connaissances et savoir-faire – ainsi que les instruments, objets, artefacts et espaces culturels qui leur sont associés – que les communautés, les groupes et, le cas échéant, les individus reconnaissent comme faisant partie de leur patrimoine culturel.les les traditions africaines à travers l’outil numérique. Une bel usage des  pour conserver immatériel africain.

Il se manifeste, selon l’alinéa 2 du même article, dans plusieurs domaines notamment les traditions et expressions orales, y compris la langue ; les arts du spectacle ; les pratiques sociales, rituels et événements festifs ;  les connaissances et pratiques concernant la nature et l’univers et enfin les savoir-faire liés à l’artisanat traditionnel.

C’est cette culture malienne en voie de disparition  du monde moderne que Boukary Konaté veut conserver et diffuser via un blog et une application smartphone accessible à toutes les générations.

C’est un projet très important dans la mesure où, au lieu d’écouter la musique, de regarder les vidéos à l’aide de leurs smartphones, les jeunes pourront entrer en contact avec les sages africains à travers l’application et le blog qui seront mis en place. Ainsi, chaque point focal dans les différents villages choisis devra enregistrer les témoignages, récolter les images et les sons pour animer les plateformes (réseaux sociaux, applications et blog) du projet.

Cette action a une très grande signification pour l’Afrique. En effet, le continent noir est un continent de l’oralité. Ce qui veut dire que le savoir se transmet dans la plupart des cas de générations en générations et de bouches à oreilles. Le vieillard qui reste au village occupe ainsi une place très importante dans la mesure où il détient ce savoir et le transmet aux générations futures. Pourtant, les vieillards meurent chaque jour. Or, comme nous l’a appris un des aînés africains du XXème siècle, Amadou Hampâté Bâ, un vieillard qui meurt c’est une bibliothèque qui brûle.

Pour éviter que ces bibliothèques brûlent avec tout leur savoir, Boukary Konaté a lancé ce projet. Au delà de la préservation, il y’a un usage qui sera fait dans le futur par les historiens. En effet, ces fouilleurs du passé sont souvent confrontés à l’indisponibilité des sources orales suite au décès des détenteurs des traditions orales lorsqu’il s’agit du passé africain.

Alors, en les préservant de cette façon, notre compatriote Malien pose un acte de haute facture qui mérite d’être encouragée et étendue aux autres parties du continents africains. Car pour écrire l’Histoire de l’Afrique à partir du continent, il faut écouter la version africaine de l’histoire. Cette version est contenue dans ces traditions.

A travers ce texte, je vous invite à soutenir ce projet qui permettra de sauvegarder les traditions et la culture africaines.

NB: Ne lisez pas seulement l’article. Vous pouvez également contribuer financièrement à la réussite du projet en cliquant sur ce lien.


Giuliana Quartullo « J’ai essayé de faire l’histoire de l’art africain »

Giuliana Quartullo. Crédit photo: Ulrich Tadajeu
Giuliana Quartullo. Crédit photo: Ulrich Tadajeu

Giuliana Quartullo vient de défendre la première thèse de doctorat/phd en Histoire de l’Université de Dschang. Dans cet entretien qu’elle nous a accordé, elle revient sur ses motivations, le contenu de son travail et les solutions qu’elle propose pour que l’art de l’Afrique en général et de Dschang en particulier soit reconstitué.

Tamaa Afrika: Qu’est-ce qui vous a motivé à venir faire la thèse à l’Université de Dschang ?

Giuliana Quartullo: C’est le fait que j’étais déjà au Cameroun avant de commencer ma thèse. J’ai connu la réalité de cette université. J’ai constaté qu’elle a des professeurs compétents en la matière et j’ai voulu me plonger dans la réalité du Cameroun pour faire cette thèse.

TA: Avez-vous apprécié l’encadrement de vos encadreurs ?

GQ: Oui. Du point de l’esthétique, ils m’ont conduit sur un chemin très important, très clair dans l’étude du concept du sacré, de la profanation. Du point de vue historique, on m’a suivie. Mais j’étais plus intéressée par l’aspect de l’art et l’esthétique.

TA: Quel est le contenu de votre travail ?

GQ: J’ai essayé de faire l’histoire de l’art africain. Il n’y a pas encore des livres qui s’attaquent à l’histoire de l’art africain. J’ai commencé à Dschang pour circonscrire l’espace de recherche.

TA: Qu’est qui reste de cet art de Dschang ?

GQ: Ici, Il y’a très peu d’objets anciens ici. J’en ai retrouvé trois sur place. Les autres ont été tous pillés et amenés ailleurs (Europe et dans le monde). Dans le musée public de Dschang, il y’a encore quelques objets anciens qu’il faut valoriser et récupérer.

TA: Quelles sont les solutions que vous proposez pour que cet art soit reconstitué ?

GQ: Les  jeunes qui doivent entreprendre des recherches pour être conscients de ce que vous avez perdu et de ce que vous devez récupérer des points de vue culturel et pratique. Il y’a par exemple un débat en Europe aujourd’hui sur le problème de la restitution des objets aux propriétaires légitimes. C’est une question n’a pas encore été résolue.

Entretien réalisé avec la grande collaboration de Hindrich Assongo 

 


Université de Dschang : le département d’Histoire tient sa première Thèse de doctorat/PHD

Le-jury-présidé-par-le-Pr-Daniel-Abwa. (Crédit photo: Ulrich Tadajeu)
Le-jury-présidé-par-le-Pr-Daniel-Abwa. (Crédit photo: Ulrich Tadajeu)

La toute première soutenance de Thèse de Doctorat en Histoire/PHD estampillée Université de Dschang a eu lieu le 19 Juin 2014 dans la salle des spectacles et conférences de cette institution. Giuliana Quartullo, formée en Histoire de l’art en Italie et en service jusqu’en 2009 au ministère italien des affaires étrangères, a ouvert ce bal avec une thèse portant sur l’histoire de l’art et intitulée «Art et artisanat à Dschang: du sacré à la profanation : 1907 – 2012 ». Devant un jury interdisciplinaire constitué des maitres en histoire (Pr. Daniel Abwa, Pr. Albert Pascal Temgoua, Pr. Albert François Dikoumè, Dr. Zacharie Saha) pour examiner la dimension historique de ce travail et des professeurs d’art et de philosophie (Pr. Raymond Fofie, Pr. Charles Robert Dimi) pour évaluer la dimension esthétique de la thèse, elle a présenté les résultats de son travail.

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Giuliana Quartullo explique le contenu de sa thèse aux membres du jury. (Crédit photo: Ulrich Tadajeu)
Les-membres-du-jury. (Crédit photo: Ulrich Tadajeu)
Les-membres-du-jury. (Crédit photo: Ulrich Tadajeu)

C’est pour rompre avec les préjugés occidentaux sur l’art africain que Giuliana Quartullo a entrepris de mener cette recherche. Elle mène son étude sur deux grandes périodes de l’histoire africaine  à savoir la période coloniale puis la période postcoloniale. Les résultats ont été obtenus après avoir déployé une méthodologie bien élaborée. Elle a réalisé des entretiens, visité des villages et des musées au Cameroun. Elle a également visité des musées en Europe où se trouvent des œuvres d’art africaines. Enfin, elle a administré des questionnaires.

A la fin de cette enquête de terrain, les résultats obtenus indiquent que l’art dans la Menoua a évolué du sacré à la profanation. Il n’est plus le domaine réservé de l’artiste initié.  Selon Giuliana Quartullo, l’Eglise, l’Ecole et le capitalisme colonial ont joué un rôle très important dans la profanation de cet art. En contexte colonial, il fallait s’attaquer aux populations autochtones. Or avant de s’attaquer au corps, on détruit d’abord l’âme. L’un des éléments essentiels de cette âme c’est la culture à travers une de ses composantes qu’est l’art. Cela s’observe à travers l’histoire par le fait que, autrefois réservé aux chefferies, l’art est progressivement envahi par des normes et pratiques exogènes. A partir de 1945, des expositions publiques sont organisées, les structures publiques sont créées pour conserver les œuvres d’art. Elle cite notamment le cas du musée public de Dschang crée en 1964 et le musée des civilisations qui a vu le jour en 2011. Cette profanation se manifeste aussi par le pillage des œuvres d’art durant les périodes de luttes nationalistes pendant les décennies 1950 -1960. Enfin, il y’a avec le contexte socio-économique la marchandisation de cet art qui perd, selon elle, sa dimension sacrée. Il s’agit d’un contexte marqué par la concurrence relative à la mondialisation.

Giuliana Quartullo reçoit les félicitations des membres du Jury. (Crédit image: Ulrich Tadajeu)
Giuliana Quartullo reçoit les félicitations des membres du Jury. (Crédit image: Ulrich Tadajeu)

Malgré cet état des choses, elle relève qu’il est possible de reconstituer une histoire de l’art de Dschang comme elle essaye de le faire dans sa thèse. Parce que l’art de Dschang est très diversifié de par les apports multiples des savoir-faire des artistes et artisans étrangers. Ce qui a favorisé le rayonnement de l’art de Dschang au Cameroun et hors du pays et, paradoxalement, le vol des objets d’art et la fuite des talents artistiques. Elle a cité à ce sujet les cas des objets d’art de Dschang exposés dans les musées européens et américains. C’est le cas de « l’Akou-Mafo » du groupement Foto. Il est exposé à Zurich depuis 1970. Les poignées de fouet de danse et le masque-buffle de Foreké ont été mis en vente à Paris en 1995.

Après la présentation, le jury a examiné le travail en relevant les qualités humaines, scientifiques et sociales de la candidate. Les examinateurs ont surtout mis l’accent sur les insuffisances méthodologiques de cette thèse. Malgré ces limites, ce travail « novateur et original » est une interpellation à la recherche d’une solution adéquate à la rénovation de l’art camerounais dans un contexte marqué par le capitalisme animiste (tout est transformé en marchandises). Toutes ces qualités lui ont valu la mention très honorable.