L’identité africaine post-coloniale est une construction faite de retour sur soi et de rencontre avec l’étranger.

17 janvier 2014

L’identité africaine post-coloniale est une construction faite de retour sur soi et de rencontre avec l’étranger.

Je présente dans ce billet le compte rendu de la conférence qui s’est tenue jeudi 16 Janvier 2014 à l’Alliance Franco-Camerounaise (AFC) de Dschang sur le thèmes: « l’identité africaine post-coloniale ».

La conférence sur le thème “l’identité africaine post-coloniale” s’est tenue hier à la sale Manu Dibango de l’Alliance Franco-Camerounaise (AFC) de Dschang. Le panel était constitué ainsi qu’il suit : d’un côté, l’historien de formation et doctorant en science politique à l’Université de Paris 1 Panthéon Sorbonne, Yves Mintoogue ; de l’autre côté Moïse Nkohgue Balog, Kamitologue, étudiant en Master en Anthropologie et Histoire à l’Université de Douala au Cameroun. Les échanges étaient coordonnés par Ulrich Tadajeu Kenfack, étudiant en Histoire et Blogueur. Après le propos introductif de ce denier qui a consisté à présenter les motivations du choix d’un tel sujet (l’histoire africaine faite de rencontre avec l’occident, crises identitaires en Afrique, le phénomène de la mondialisation…), il a présenté le parcours et les activités des deux intervenants ainsi que les critères qui ont prévalu à les choisir comme intervenants. Et a fini en définissant les concepts clé.

De gauche à droite Yves Mintogue, Ulrich Tadajeu et Nkohgue Balog. Crédit image: Marius Fonkou.
De gauche à droite Yves Mintogue, Ulrich Tadajeu et Nkohgue Balog. Crédit image: Marius Fonkou.

Le premier intervenant Yves Mintoogue a organisé son propos liminaire autour de deux axes majeurs. Dans un premier temps, il a tenu à évoquer le contexte dans lequel se déploie cette question pour qu’on puisse saisir ses enjeux ainsi que les raisons pour lesquelles cette question crée autant la polémique. Selon Yves Mintoogue, c’est l’expérience de la rencontre qui s’est suivie de la négation  de l’Africain par les autres qui rend cette question intéressante et parfois même polémique. Mais il faudrait apporter des réponses puissent être efficaces pour la marche des Africains vers le développement. Il y a donc une exigence éthique à cette question qui est celle de savoir comment reprendre notre destin en main, comment reprendre le contrôle de notre histoire et de notre destin.

Il a, dans un second temps, parlé du caractère dynamique de l’identité africaine post-coloniale. Un dynamisme qui ne date pas d’aujourd’hui mais des siècles avant nous. A travers une approche pluridisciplinaire, il a parlé de l’identité africaine comme un phénomène dynamique et ambivalent qui s’est construit au cours du temps. Car l’histoire africaine et surtout l’histoire pré-coloniale africaine est faite de mobilités, d’itinérances, de migrations, de rencontres, de chocs et même de mariage. En ce sens, le doctorant en science politique estime qu’il est impossible d’enfermer, de figer l’identité africaine dans un carcan sous le prétexte d’une certaine authenticité africaine.

L'assistance très attentive aux propos des conférenciers. Crédit image: Marius Fonkou.
L’assistance très attentive aux propos des conférenciers. Crédit image: Marius Fonkou.

Le deuxième intervenant, Kohngue Balog a lui aussi organisé son propos autour de deux axes. Le thème de sa communication a été « mécanismes de construction de l’identité africaine et plaidoyer pour un retour aux sources ». A travers une approche linguistique et anthropo-sociologique, il a démontré que la construction de l’identité africaine jusqu’ici est un leurre, une aliénation. Il a dans un premier temps analysé les noms qui désignent ou qualifient l’Afrique. C’est le cas de « Africain » qui est pour sa part un terme utilisé pour la première fois par Cicéron  dans De republica liber primus . Ce terme est celui utilisé pour qualifier un général romain. Dire qu’on est africain, selon Moise Balog, signifie accepter qu’on est descendant de ce général romain. C’était également un nom utilisé pour humilier les cathaginois vaincus lors des guerres puniques. Ensuite, les termes désignant l’Africain à savoir « Noir », « Nègre » sont des termes péjoratifs qui sont utilisés pour désigner quelque chose de « mauvais », de « malheureux », de « sombre »…Bref, ce sont des constructions étrangères qui marquent bien, selon le Kamitologue, que l’identité africaine est le fruit des fantasmes de l’autre à l’égard du sujet africain. Cette réalité s’observe également au niveau des noms des pays africains. « Cameroun » qui vient de « Camaroes » c’est-à-dire crevette pour le Cameroun. Un nom qui est le fruit de l’émerveillement des portugais. Il a dans ce sens cité d’autres pays Africains comme la Côte d’Ivoire en référence à l’ivoire d’éléphant. Mais il a fait remarquer que certains pays africains sous la houlette de leurs leaders ont donné un autre nom à leur pays. C’est le cas de la haute-Volta qui a été rebaptisée en Burkina-Faso c’est-à-dire Pays des Hommes intègres par Thomas Sankara.

Dans un second temps, il a montré comment certaines institutions de socialisation avaient et continuent de participer à l’aliénation de cette identité. Il s’agit de l’école et de la religion. A travers l’école, les occidentaux ont, selon Balog, formé, conformé et déformé les Africains en faisant d’eux de simples collaborateurs. Ces Africains sont devenus une élite dont la pensée est désormais contrôlée et l’identité embrigadée. Ce contrôle de la pensée se fait également à travers la religion chrétienne qui, depuis la malédiction de Cham dans la bible, fait référence au noir comme un être maudit.

Il est urgent de repenser l’identité africaine loin des schémas qu’il a déroulés et qui sont construits depuis bien longtemps. Les Africains doivent revenir à leur source et non pas se replier sur eux. Car, l’identité africaine n’est pas une identité figée encore moins fermée. C’est une identité qui s’est construite au cours d’une histoire marqué par des rencontres, des itinérances et des chocs. Elle est comme Achille Mbembe le dit le fruit d’un double processus de dispersion et d’immersion. Il poursuit dans son article sur l’Afropolitanisme en disant:

Au demeurant, notre manière d’être au monde, notre façon « d’être-monde », d’habiter le monde – tout cela s’est toujours effectué sous le signe sinon du métissage culturel, du moins de l’imbrication des mondes, dans une lente et parfois incohérente danse avec des signes que nous n’avons guère eu le loisir de choisir librement, mais que nous sommes parvenus, tant bien que mal, à domestiquer et à mettre à notre service.
Les questions qu’il convient désormais de se poser sont celles de savoir: comment s’approprier ce double héritage constitué de l’ici et de l’ailleurs afin d’en faire quelque chose de particulièrement neuf? Comment s’approprier ce métissage culturel?
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