Cameroun : célébration de la Réunification ou louange au président Biya?

26 février 2014

Cameroun : célébration de la Réunification ou louange au président Biya?

J’ai rédigé jusqu’à présent plusieurs billets pour m’insurger contre ce que les Camerounais ont célébré sous le nom de cinquantenaire de la Réunification à Buéa le 20 Février dernier. J’ai notamment fustigé le révisionnisme, le folklore, le silence autour des noms des différents acteurs de cette réunification. Dans cet autre billet, je présente quelques analyses qui me permettent de conclure que ce cinquantenaire visait tout, sauf la célébration de la réunification du Cameroun.

Le monument de la Réunification à Yaoundé, Cameroun. Crédit image: french.china.org.cn
Le monument de la Réunification à Yaoundé, Cameroun. Crédit image: french.china.org.cn

Quand le RDPC célèbre Paul Biya

Le premier constat est que cette fête était une célébration de Paul Biya par son parti le Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC). Les images que nous avons observées sur les chaines de télévision mais également sur le site internet de la présidence de la République du Cameroun sont là pour le prouver. Le RDPC a pris d’assaut bongo square, le lieu du défilé à Buéa, à travers ses effigies. A côté de ces effigies, les images du président de la République, Paul Biya,  occupaient également tous les espaces à Buéa. On peut donc affirmer que ce parti avait pour intention de célébrer son champion, son leader naturel, le président Paul Biya. Cet état des choses est allé jusqu’à la mise à l’écart des héros, des véritables acteurs de la réunification.

Les militants du RDPC lors du défilé à Bongo Square à Buéa. On peut y noter les effigies du président Paul Biya. Crédit image: prc.cm
Les militants du RDPC lors du défilé à Bongo Square à Buéa. On peut y noter les effigies du président Paul Biya. Crédit image: prc.cm

Quand le régime efface les héros et propulse Biya au rang de « père de la réunification »

Le régime a effacé les héros, les vrais pères de la réunification pour propulser Paul Biya au piédestal de « père de la vraie réunification. » La banderole ci-dessous est là pour en témoigner.

Une banderole à Buéa lors de la célébration du cinquantenaire de la Réunification.  crédit image: Armand ougock
Une banderole à Buéa lors de la célébration du cinquantenaire de la Réunification. crédit image: Armand ougock

On peut se demander ; quel rôle Paul Biya a joué dans le processus de Réunification du Cameroun ? Comment certains Camerounais peuvent aller tellement bas, au point de commettre de tels actes de révisionnisme ? Comment peut-on parler de Paul Biya comme père de la Réunification alors qu’en 1961, année de cette réunification, il venait d’être diplômé de l’institut d’études politiques de Paris?

 Cet effacement s’est fait sentir également par l’absence d’effigies en la mémoire des acteurs de cette réunification, que ce soient les nationalistes upécistes à l’instar de Ruben Um Nyobe, Felix Roland Moumié ou alors ceux-là même qui ont parachevé le processus. Il s’agit du président Ahidjo et de son vice-président John Ngu Foncha. Où étaient ces héros si tant est qu’on célébrait la réunification ? Peut-on célébrer un événement aussi marquant d’un point de vue symbolique en ostracisant ceux-là même qui ont combattu pour que ce rêve devienne réalité ?

Au lieu de donner à César ce qui lui appartient et à Dieu, ce qui est à Dieu, le régime a donné à César ce qui est à Dieu. Dans les différentes réactions de certains Camerounais, il est apparu que le « véritable artisan et père de l’unité du Cameroun c’est Paul Biya. » C’est ainsi que certaines personnes disaient par exemple sur les médias Camerounais que « Cinquante années que notre pays est uni et c’est grâce à notre président Paul Biya », « Paul Biya nous a réconcilié avec notre histoire »… Toute chose qui donne à ce personnage de notre histoire récente une place qui n’est pas la sienne. Qu’on soit clair, le président Biya a certainement eu, selon « ses créatures », des apports dans l’histoire du Cameroun. Mais, il n’a pas joué un rôle dans le processus ayant abouti à la Réunification du Cameroun. Et même si certains pensent qu’il faille « soutenir » Paul Biya dans cette « oeuvre salutaire » qui est prompte à raviver le « patriotisme » des Camerounais, nous leurs répondons que « Biyaisme n’est pas synonyme de patriotisme ».

C’est ce révisionnisme, cette inversion des rôles, cette dénaturation d’une fête aussi grandiose ajoutés au déni de date qui me font penser que ce ne fut pas une célébration de l’unité, du vivre ensemble des Camerounais, mais un folklore organisé et piloté par le régime en place pour louer une fois de plus le président de la République. La finalité étant de lui attirer la gloire, l’honneur et une place dans l’histoire qui n’est pas sienne.

S’il est important de faire naître et d’entretenir un véritable esprit civique camerounais doublé d’une réelle intégration nationale, il est urgent que ces valeurs s’appuient sur un fond existant depuis des années et porté par des hommes et femmes qui nous ont précédés. Il revient au pouvoir public de les faire connaitre aux Camerounais, de les élever au rang de héros nationaux, de respecter les dates et les symboles qu’ils ont laissés au soir de leur lutte. C’est ainsi que, comme partout ailleurs, la nation camerounaise se construira autour des symboles, des images des vrais pères fondateurs et surtout des valeurs qu’ils ont défendues.

Partagez

Commentaires