Contestations 2.0 : les nouvelles formes de contestations populaires

11 mars 2014

Contestations 2.0 : les nouvelles formes de contestations populaires

Les réseaux sociaux sont depuis 2010 un puissant lieu de mobilisation collective aboutissant aux contestations populaires. On l’a observé en Egypte et en Tunisie au début de cette décennie. On l’observe de plus en plus ces jours ci. En Ukraine comme au Venezuela, les manifestants ou les leaders qui mènent le mouvement se servent des réseaux sociaux, soit pour communiquer, soit pour inciter les gens aux manifestations ou encore pour se mobiliser. Notre intention dans ce billet est de montrer que les réseaux sociaux (Facebook, Twitter…) sont devenus de réels catalyseurs et accélérateurs de contestations populaires. Et qu’ainsi, nous sommes rentrés dans de nouvelles formes de  contestations qu’on pourrait appeler contestations 2.0. Mais avant d’y arriver, il est important de revenir sur quelques explications d’ordre théorique.

Les manifestants Venezueliens

Les manifestants venezueliens lors d'un meeting avec Leopoldo Lopez. Crédit image: Léopoldo Lopez via Facebook.
Les manifestants vénézueliens lors d’un meeting avec Leopoldo Lopez. Crédit image: Léopoldo Lopez via Facebook.

L’utilisation des réseaux sociaux par les jeunes et les adolescents répond à une exigence, celle de se mettre ensemble et de faire entendre leurs voix. En effet, les jeunes se disent qu’ils ne sont pas assez écoutés comme ils devraient l’être ou alors ils sont embastillés. Pour la blogueuse, chercheuse et enseignante à l’université de New York Danah Boyd qui vient de publier l’ouvrage It’s complicated : the social lives of networked teensil s’agit de lieux de retrouvailles, mais également de lieux où ils parlent avec des amis en privé c’est-à-dire en dehors du contrôle parental.

En Ukraine, par exemple, certains ont fait remarquer que « grâce à internet, ils ont arrêté d’avoir peur ». Cette situation est aussi due au fait que les réseaux sociaux sont de plus en plus courus par les citoyens des différents pays, mais surtout les habitants du monde. Lorsque les contestations sont déclenchées dans un pays, utiliser Facebook ou Twitter permet non seulement de mobiliser une bonne partie de la population nationale, mais aussi d’informer le monde entier de la situation. La finalité pourrait être le soutien diplomatique et financier des forces extérieures. Comprenant tout ceci ainsi que d’autres avantages, les populations dans ces pays ont modifié leur « répertoire d’action collective ». Si avant, les individus se limitaient aux actions précises dans la rue, aux revendications, désormais ils se servent des réseaux sociaux pour mobiliser et surtout pour revendiquer.

Au Venezuela, depuis le début des manifestations, Léopoldo Lopez, économiste et ancien maire de Chaco, âgé de 42 ans a pris d’assaut le site de microblogging Twitter pour organiser les manifestations. Avec ses partisans, il appelle à des nouvelles manifestations, s’en prend à son adversaire. Partisan du parti « Volontad Popular », il a également créé le mouvement #lasalida (la sortie). Il tweete régulièrement. C’est le cas du tweet du 24 février alors qu’il était emprisonné :

 A mon pays, nous ne devons pas quitter les rues, continuons à protester de manière pacifique et non violente, c’est le peuple qui décide qui commande.

En plus des simples tweets, il se sert aussi des  lettres tweetées c’est-à-dire des lettres écrites qui sont filmées, tweetées et ensuite retweetées par ses fans.

Cette situation émerge dans un pays qui a une renommée dans le domaine des réseaux sociaux. En plus d’être le 5e pays le plus présent sur le site de microblogging, avec un taux de pénétration de 21 %, on constate aussi que les leaders politiques vénézuéliens depuis Chavez accordent une grande importance à ce réseau social. C’est d’ailleurs sur Twitter que Nicolas Maduro répond aux manifestants en dénonçant par exemple ce qu’il appelle le « coup d’Etat » ou en postant des photos sur lesquelles il pose avec des personnalités qui le soutiennent à l’instar de Maradonna. Un hashtag a par exemple été créé avec pour nom #MaduroProtectorDeVenezuela .

En Ukraine, le mouvement est un peu différent. Il y a une dimension strictement populaire conduite par des leaders sur les réseaux sociaux et de l’autre côté, il y a ce déballage des journalistes et activistes ukrainiens à travers ce qu’ils ont appelé yanukovychleaks. Depuis la place Maidan ou place de l’indépendance, lieu de rencontre des manifestants, les populations contestent principalement la décision de Victor Ianoukovicth. Le journaliste Mustapha Nayyem utilise Facebook pour lancer les appels. C’est le cas de ce message posté sur son mur Facebook le 22 novembre 2013 :

Après avoir discuté tous ensemble nous avons décidé qu’à partir de demain nous allions nous réunir à 18 heures !!! Pendant la journée ceux qui pourront vont faire la garde. Faites suivre aux autres. Merci

 Il a été posté alors que Victor Ianoukovitch, président du pays, venait de signer un accord pour rejoindre l’Union douanière avec la Russie au détriment d’un accord d’association négocié avec l’Union européenne depuis 2009. Il se sert  de la télé sociale Hromadske TV  pour diffuser les informations liées aux manifestations. Les manifestants ukrainiens se servent enfin de Youtube pour mettre les vidéos en ligne et de Instagram pour poster les photos.

D’un autre côté, certains journalistes et activistes ukrainiens ont lancé un site internet appelé Yanukovychleaks. C’est un site de « grand déballage » dans lequel, ces journalistes présentent les documents trouvés dans la résidence de Victor Ianoukovitch à Kiev. Ils veulent ainsi « mettre à la disposition de tous » la gabegie du président ukrainien. C’est la raison pour laquelle, il s’agit surtout des factures astronomiques pour l’aménagement et la décoration de sa résidence. On peut y voir un reçu de 12 millions d’euros cash. Il est clair que ces journalistes veulent présenter les actes crapuleux de leur président pour inciter davantage la population à se mobiliser à travers les mots d’ordre des leaders de manifestations.

La révolution virtuelle qui est en cours n’a pas qu’un impact sur la vie des individus. Elle influence également la vie des sociétés. A la différence des mobilisations stricto sensu comme on avait l’habitude de le voir, Internet et les réseaux sociaux ont modifié les répertoires d’action collective. Désormais, avec le taux de pénétration de ces réseaux qui ne cessent de croître et le débit Internet qui est élevé, ils deviennent sans nul doute un lieu important de communication, de mobilisation des masses. Nous sommes entrés dans l’ère des contestations 2.0, c’est-à-dire des contestations qui se font par le biais de l’interaction des acteurs sur les réseaux sociaux.

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