Le passé est un motif d’inspiration

14 avril 2014

Le passé est un motif d’inspiration

Crédit image: https://blogue.chantalbinet.com/
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Un débat a récemment été lancé sur la question de savoir « qu’est-ce qu’être historien ? » Il avait pour objet principal des phrases deDaniel Abwa sur Achille Mbembe lors du congrès des Historiens camerounais qui s’est tenu à Maroua en Février dernier. Le premier indiquait que le second n’est plus intéressé par  le fait historique parce qu’il ne va plus dans les archives pour récolter les données. Au fond, la question était davantage épistémologique : qu’est-ce que l’histoire ? Quelle est la finalité de l’histoire ? L’histoire doit-elle nous limiter au passé ? Le passé en tant que matière essentielle de l’historien est-il une fin en soi ?  La matière essentielle de ce texte est extraite d’une phrase et d’une image utilisées par Achille Mbembe dans son dernier essai Critique de la Raison Nègre. Parce que ce texte, publié en octobre dernier ainsi que les deux autres ouvrages qui rentrent dans ce que Mbembe appelle la pensée de la traversée et publiés en 2000 et 2010, rendent effectivement compte de cette question.

A la page 140, traitant de « tradition, mémoire et création », l’intellectuel camerounais cite dans un premier temps Alex Crummel. Ce dernier « reproche aux Nègres de modeler excessivement leur conduite sur les enfants d’Israël ». Plus spécifiquement, dans l’épisode biblique, « longtemps après leur exode et leur libération de la servitude, ils auraient dû fixer leurs yeux sur la terre promise et aspirer à la liberté. Ils n’arrêtèrent pas d’avoir les yeux en arrière, tournés vers l’Egypte ».  Faut-il modeler l’histoire dans ce sens ? Créer un passé triomphaliste et mythique que l’on va présenter pour se donner bonne conscience et dire que « nous aussi, on a été glorieux » ? Ou alors, chercher dans le passé des voix inspirantes qui peuvent nous permettre de réfléchir sur notre présent et de mettre en perspective l’avenir ? Finalement, les livres d’Histoire doivent-ils répondre aux défis de nos sociétés ou alors doivent-ils être tout simplement des livres d’Histoire ? Dans le même livre, un peu plus haut que le texte précédent, Achille Mbembe se référant toujours à Crummel estime que pour une réelle espérance dans le futur, « l’on ne peut pas vivre éternellement dans le passé. Il peut servir de motif d’inspiration. L’on peut apprendre du passé. Le présent est le temps du devoir. Le temps du futur est celui de l’espérance ».

Dans cette perspective, enseigner l’histoire, enseigner le passé doit permettre aux apprenants d’apprendre du passé, de s’inspirer de ce passé. Avec comme finalité, le devoir présent et l’espérance future. En dehors de cette ligne, l’histoire sera comme l’agriculture telle qu’elle est pratiquée dans certains pays africains. La pratique de l’agriculture est faite, non pas pour la transformation et la commercialisation. Mais juste pour l’agriculture. Ce qui est une grande perte.

Le mérite de ce penseur In-Discipliné dans ses trois livres du projet afropolitain ou de ce qu’il appelle la pensée de la traversée c’est de mobiliser effectivement le passé pour appeler les hommes d’aujourd’hui au devoir afin de s’inscrire positivement dans le temps qui vient, bref d’espérer. En ce sens, il fait l’histoire utile. Il part chercher dans l’histoire les éléments qui peuvent aider à comprendre le monde actuel. A partir de là, il scrute un avenir pour tous, il donne des moyens d’espérance pour tous. Car, en fin de compte, l’historien tout comme le penseur est un homme, un homme suivi dans une société et qui attend de lui des propositions pour l’avenir.

NB: le titre de ce billet est inspiré en partie d’un extrait de l’ouvrage Critique de la Raison Nègre de Achille Mbembe.

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Commentaires

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Le style et le fond sont tous de qualité ! bravo