Cameroun: voici Pourquoi nous devons rester unis
Le 20 Mai 2015, c’était la fête de l’Unité nationale dans mon pays, le Cameroun. Une tradition qui dure depuis 43 ans. Dans ce billet, je présente trois raisons pour lesquelles, nous devons rester unis.
Le 06 Mai 1972, prenant à cours l’espace politique camerounais, le chef de l’Etat Ahmadou Ahidjo convoque le referendum pour le 20 Mai 1972. L’objet de ce référendum porte sur la mise en place de l’Etat unitaire. Ahmadou Ahidjo décide, 11 ans après la naissance de l’Etat fédéral (1er Octobre 1961), de la mise sur pied de l’Etat unitaire. Le 20 Mai 1972 (si certaines sources parlent du 18 Mai 1972 comme date du référendum, d’autres sources évoquent plutôt celle du 20 Mai. Les documents de V.J. Ngoh et Philippe Gaillard parlent du 20 Mai. N’ayant pas eu accès à des sources qui parlent du 18 Mai, j’utilise dans ce texte les sources auxquelles j’ai eu accès), les Camerounais sont convoqués pour le référendum.
Selon les chiffres officiels, plus de 99 % sont pour l’Etat unitaire. Le Cameroun devient, le 20 mai 1972, un Etat unitaire. C’est cet anniversaire que notre pays célèbre ce jour. Même si ce projet unitaire a été détourné par ceux qui n’ont réellement pas combattu pour cela, il reste que l’unité doit vivre dans nos cœurs. Alors, pourquoi les camerounais doivent rester unis ?
1) Parce que la division est une contingence historique et non une réalité qui nous a toujours caractérisés. Le Cameroun a toujours été uni. Cette constance historique a connu une rupture lors de la première guerre mondiale. Suite à cette guerre, la France et l’Angleterre, qui ont vaincu l’Allemagne en territoire camerounais se partagent le territoire camerounais en 1916. Ce partage est officialisé par les organisations internationales, notamment le traité de Versailles de 1919, l’accord Milner-Simon de 1919 et la Société Des Nations. Le Camerounais devient un territoire sous mandat de la SDN, avec comme puissance mandataire la France et la Grande Bretagne. Cette division est donc une invention franco-britannique qui ne reflète aucunement les aspirations des populations camerounaises. Bien au contraire, celles-ci vont manifester leur opposition à la division du Cameroun.
2) Lorsque cette unité à été rompue, les populations camerounaises ont lutté pour la restaurer.
En effet, après le placement du Cameroun sous mandat de la SDN en 1922, avec comme puissances mandataires la Grande Bretagne et la France, les populations et les leaders politiques ont lutté pour restaurer l’ordre rompu. Cela s’est manifesté par les pétitions des chefs Douala adressées à la Société des Nations. Mais l’organisation qui s’est le plus manifesté dans la lutte pour la restauration de cette unité c’est l’Union des Populations du Cameroun (UPC).
Créée en 1948 à Douala, l’UPC a fait de l’unité nationale le pilier de ses revendications vis-à-vis de la puissance coloniale. Ce qui l’a amenée à la traduire en acte à travers des principes, des pétitions et des actions. Au moment de sa création, le parti nationaliste fait de la réunification « la seule voie par laquelle le Cameroun doit passer pour accéder à l’indépendance. » Ne pas l’accepter revient, selon les membres de l’UPC , à vouloir l’indépendance d’une partie du Cameroun. Pour ce faire, le programme de ce parti tel que présenté dans les statuts se résume en trois points : « grouper et unir les habitants de ce territoire en vue de permettre l’évolution plus rapide des populations et l’élévation de leur standard de vie ».
Suite à l’analyse de la situation du Cameroun, le parti de Ruben Um Nyobe conclut que la division qui a été faite après la guerre de 1914-1918 est une division arbitraire et injuste. Cette division était préjudiciable au Cameroun. Raison pour laquelle, la « seule condition du succès » selon les upécistes était l’union. Il faut s’unir, disaient-ils.
Cette volonté d’union les a amenés à échanger avec les leaders politiques du Cameroun sous administration britannique pour envisager la meilleure forme d’union. A cet effet, plusieurs rencontres ont eu lieu entre les leaders upécistes notamment Ruben Um Nyobé, Ernest Ouandié, Abel Kingué, Felix Roland Moumié et les leaders politiques du Cameroun Britannique à savoir J.K. Dibongue, M.N. Mbile du Kamerun United National Congress (KUNC) et Ndeh Ntumazah. Ces rencontres ont eu lieu en 1951 et 1952. En 1951, la rencontre a eu lieu à Kumba entre Ernest Ouandié, Abel Kingué et R.J.K Dibongue et N.M. Mbile. Un an plus tard, c’est Ruben Um Nyobe et Abel Kingué qui rencontrent une délégation du K.U.N.C., rencontre au cours de laquelle, selon Ndeh Ntumazah, Abel Kingué dit en Anglais pidgin que :
Independence and reunification dey like soup with achu fufu. For get independence and get reunification tomorrow idey like for tchop achu today, drink soup tomorrow. The two must go the same time.
Pour lui, la réunification et l’indépendance doivent aller ensemble.
C’est ce principe que Ruben Um Nyobe a défendu devant la tribune des nations unies le 17 décembre 1952. Pour lui, l’indépendance ne peut pas se réaliser sans unification. Même s’il s’agit à cette époque de l’unification entre les deux parties du Cameroun séparées par le fleuve Moungo, il demeure que cette volonté d’unité est déjà présente et défendue ardemment par les Camerounais.
Après l’expulsion de la branche exilée de l’UPC du Cameroun britannique le 30 mai 1957, expulsion censée prendre effet le 09 Juillet 1957, les leaders upécistes décident de créer une copie du parti au cameroun britannique qui est appelée « One Kamerun », en abrégé « OK ». Ce parti est dirigé par Wilson Ndeh Ntumazah. Il poursuit la conduite des idéaux défendus par l’UPC. Ces aînés-là ont combattu pour que l’unité soit une réalité. Ils ont été assassinés, pour la plupart, avant que ne naisse l’Etat unitaire en 1972. Ruben Um Nyobè en 1958. Les autres entre 1960 et 1971. Mais, on ne peut pas nier ce rôle très important qu’ils aient joué.
Pour ces raisons, il est important de rester unis. Rester unis pour poursuivre cet idéal défendu par nos aînés, pour revenir à la réalité Camerounaise, celle d’un Cameroun un et indivisible. Rester unis pour montrer à ces aînés que leur mort n’a pas été vaine.
3) parce qu’en étant unis, on est plus fort
Le 21ème siècle est marqué la mondialisation. Cette époque est celle du rendez-vous du donné et du recevoir. Période au cours de laquelle, il faut éviter d’être un consommateur. Il est important de produire, de proposer au monde des outils économiques, des modèles politiques et des valeurs culturelles susceptibles de le faire croître. De peur d’être envahis par les produits extérieurs. Pour que cela soit effectif, les Camerounais doivent rester unis. Cette union ne signifie pas négation ou effacement des tribalités et des singularités. Elle équivaut à la rencontre des différences au niveau national pour se mettre ensemble afin d’atteindre les objectifs de développement que nous nous sommes fixés. Elle renvoie à la mise ensemble des différences pour produire une culture hybride, une culture issue de ces multiples appartenances. Laquelle culture pourra mieux être vendu sur la scène internationale.
Au niveau local, l’unité nationale renforce le patriotisme et le respect de l’intérêt général. Ce qui freine l’éclosion et le renforcement des pratiques telles que le tribalisme, le népotisme, le patrimonialisme… Ces valeurs feront des camerounais, partout où ils interviennent, des personnes de qualité. Celles-ci se caractérisent par le fait qu’au-delà des compétences, elles convoquent à tout instant l’intérêt général dans leurs actions, elles mettent en pratique l’honnêteté dans leurs manières de faire. L’unité nous épargne de nombreux maux, nous met ensemble afin d’être de réels producteurs en ces temps de compétitivité qu’impose la mondialisation.
Pour ces raisons, les Camerounais doivent rester unis. Pas parce qu’un parti ou un individu leur aurait imposé. Parce que la réalité historique montre que le Cameroun a été uni. La rupture qui intervient au XXème siècle est le fruit des volontés extérieures. Parce que, malgré la division du Cameroun, des Camerounais ont lutté jusqu’à mourir pour que l’unité soit restaurée. Enfin, parce qu’aujourd’hui, dans un monde de compétitivité, c’est en étant uni qu’on peut être des producteurs influents.
Alors, chers camerounais, restons unis !
NB: ce billet est publié dans le contexte de la fête de l’unité qui a eu lieu le 20 mai au Cameroun. Plusieurs livres m’ont permis d’avoir certaines informations historiques que je mobilise dans ce billet. Je vais citer quelques uns:
Abwa Daniel, Cameroun: histoire d’un nationalisme 1884-1961, Yaoundé, Editions clé, 2010.
Ngoh Victor Julius, Cameroun 1884-1985, Cent ans d’histoire, CEPER, Yaoundé, 1990.
Um Nyobe Ruben, Ecrits sous maquis (présentation de Achille Mbembe), paris, L’harmattan, 1989.
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