Ulrich Tadajeu

Figures de l’histoire du Cameroun: connaitre l’histoire du Cameroun à travers des destins individuels.

C’est ce qui ressort de la conférence-dédicace de l’ouvrage collectif figures de l’histoire du Cameroun  co-dirigé par les docteurs Jules Kouosseu et Maginot Noumbissié Tchouake, enseignants au département d’Histoire de l’Université de Dschang. La conférence-dédicace s’est déroulée hier, mardi 26 Novembre, à la salle Manu Dibango de l’Alliance Franco-camerounaise de Dschang.

première de couverture de l'ouvrage dédicacé. Crédit image: éditions-harmattan.fr
première de couverture de l’ouvrage dédicacé. Crédit image: éditions-harmattan.fr

C’est autour de 16h que la rencontre scientifique a effectivement débuté sous la modération de Pokam Williams Kamdem, assistant au département d’Histoire. Ce dernier a présenté les directeurs du présent ouvrage ainsi que deux contributeurs présents sur le panel, les docteurs Celestine Fouellefack Kana et Théodore Ngoufo Sogang avant de remettre la parole au chef de département d’Histoire, le Docteur Zacharie Saha qui avait la charge de faire la note de lecture de l’ouvrage.

A ce propos, de manière synthétique, il a présenté le contenu de l’ouvrage qui se décline en quatre parties. Il en ressort qu’en dehors des personnalités politiques, l’ouvrage offre la possibilité aux Camerounais de se réapproprier leur histoire à travers des destins individuels. Lesquels destins jusqu’ici ignorés méritent d’être ressuscités. C’est bien cela l’objet de la biographie qui est « l’histoire de quelqu’un pour comprendre l’histoire de tous ».

Les panélistes lors de la conférence. Crédit image: Ulrich Tadajeu
Les panélistes lors de la conférence. Crédit image: Ulrich Tadajeu

C’est à ce sujet que les destins de Fotentuoh à Bafou, résistant à l’administration allemande et Pierre Pounde, collaborateur de l’administration coloniale Française sont relevés dans l’ouvrage par les contributeurs. Loin des jugements rapides faits sur ces personnages, les historiens examinent leur parcours à travers des sources obtenues sur le terrain.

Globalement, Figures de l’histoire du Cameroun qui rassemble les historiens de divers grades et d’institutions universitaires différentes va au-delà des Hommes politiques pour présenter des personnages presqu’anonymes qui ont marqué l’histoire du Cameroun chacun dans son domaine de prédilection.

Des contributions sur les figures de l’espace socio-culturel et économique ressortent. C’est le cas de l’historien Mamoudou qui dresse la vie et l’œuvre d’une musicienne engagée en la personne de Golé Nyambaka. Ou encore François Wassouni qui s’appesantit sur des figures de l’histoire de l’artisanat du cuir au nord-Cameroun, Lawan Yougouda et Halilou.

Il n’y a de ce fait pas uniquement la politique pour permettre à un individu de contribuer à l’histoire du Cameroun car, quelque soit ce qu’on fait, en étant déjà Homme, on contribue à l’histoire parce que l’histoire se fait partout où il y a l’Homme.

Figures de l’histoire du Cameroun est donc un ouvrage à lire et à faire lire pour connaitre l’histoire du Cameroun à travers des destins individuels.

Après la conférence, la dédicace a effectivement eu lieu. Juste à la fin de la cérémonie de dédicace, les co-directeurs ainsi que le modérateur de la conférence ont répondu à nos questions.

Dr Kouosseu. Crédit image: Ulrich Tadajeu
Dr Kouosseu. Crédit image: Ulrich Tadajeu

Dr Jules Kouosseu  , Co-directeur de l’ouvrage, « il y a des personnes qui n’ont pas eu l’ampleur nationale mais qui ont marqué l’histoire de leurs régions et parfois même l’histoire du pays de leur empreinte et les personnes sont oubliées »

« Généralement, on écrit l’histoire des Hommes or il y a des personnes qui n’ont pas eu l’ampleur nationale mais qui ont marqué l’histoire de leurs régions et parfois même l’histoire du pays de leur empreinte et les personnes sont oubliées. Il était question de les faire connaitre. Voilà ce qui sous-tend ce projet. C’est un document riche. Il est souhaitable que chacun s’en procure un exemplaire afin de découvrir son contenu. »

M. Pokam Williams. Crédit image: Ulrich Tadajeu
M. Pokam Williams. Crédit image: Ulrich Tadajeu

M. Pokam Williams Kamdem, modérateur de la conférence de dédicace, « C’est un ouvrage bien écrit avec des contributions venant de diverses personnes de grades différents »

« Il faut se réjouir de l’initiative qu’ont pris les auteurs de publier cet ouvrage… Le genre biographique est un genre ignoré, il est parfois mal compris et la pratique biographique n’est pas répandue dans notre pays. C’est un ouvrage bien écrit avec des contributions venant de diverses personnes de grades différents. Il faut se réjouir qu’il y ait des suites prévues. »

Dr Noumbissié. Crédit image: Ulrich Tadajeu.
Dr Noumbissié. Crédit image: Ulrich Tadajeu.

Dr Noumbissié Tchouake Maginot, Co-directeur de l’ouvrage, « Le style biographique c’est le style du raccourci de l’information en histoire »

« On est satisfait du comportement du public et des étudiants. On a compris que l’histoire les intéresse. Cet ouvrage est un challenge pour amener les Camerounais à s’intéresser à l’histoire du Cameroun, aux acteurs et aux figures de l’ombre de l’histoire du Cameroun… Le style biographique c’est le style du raccourci de l’information en histoire. Le style de l’information de quelqu’un pour comprendre l’histoire de tous. La biographie c’est le propre de l’histoire politique. On fait l’histoire du petit-nombre pour comprendre celle du groupe. »


J’ai marre des coupures d’électricité !

 

Une fois n’est pas coutume. J’écris pour manifester ma détresse. La détresse dans laquelle ceux qui gèrent l’électricité dans mon pays ont plongé le public de Dschang depuis quelques jours maintenant. La coupure d’électricité.

Des jeunes qui révisent leurs leçons avec la bougie. Crédit image: cameroonvoice.com
Des jeunes qui révisent leurs leçons avec la bougie. Crédit image: cameroonvoice.com

En effet, entre jeudi avant 06h et Samedi autour de 15h, une grande partie de la ville de Dschang a été plongée dans une obscurité sans nulle autre pareille. Pas de lumière au centre-ville ainsi qu’à l’Université et même à Keleng, un quartier situé derrière l’Université.

Les étudiants de ces lieux bagarrent chaque soir avec la bougie s’ils veulent retenir quelque chose des cours qui ont été dispensés. L’entrée du campus universitaire est devenue une sorte d’usine où les bruits des groupes électrogènes mettent en mal l’environnement mais surtout les tympans des uns et des autres.

Selon certaines personnes, cette coupure est liée à une panne sur certains transformateurs qui servent de relai dans la distribution de l’électricité à Dschang. Peu importe les raisons évoquées çà et là, il faut bien se rendre compte que l’électricité devient de plus en plus un luxe pour le Camerounais moyen à Dschang. Ceci d’autant plus que le lendemain du rétablissement de la lumière c’est-à-dire hier dimanche, toute l’après-midi ainsi que la soirée et une partie de la nuit ont été obscures.

Longtemps resté bouche bée, je pense qu’il est temps de signifier notre ras-le-bol face à une situation qui dure depuis bien longtemps maintenant. C’est la raison pour laquelle j’en ai marre.

J’ai marre de cette ville où avoir l’électricité, dormir et se réveiller dans la lumière est réservée à quelques privilégiés. J’ai marre d’une ville où couper la lumière est devenu l’exercice favori de la « sonel ». J’ai marre du silence de la jeunesse. J’ai marre de cette jeunesse qui, malgré les coupures d’électricité, continuent de dire merci et de se consoler dans le « on va faire comment ? ».

Ce billet est un cri de ras-le-bol afin que le Cameroun et le monde entier sache que, malgré ce qui est dit dans les médias, ce qui est annoncé à grande pompe, les jeunes et les populations de Dschang vivent dans un noir obscur de plus en plus embêtant. Rien n’est plus prévisible. Vous m’avez souvent lu parler de la république de l’incertitude et de l’imprévision.

Eh oui ! Elle se vérifie également à ce niveau lorsqu’un jeune étudiant prévoit de préparer un bon repas. Malgré ses bonnes intentions, après avoir fait le marché et acheté les ingrédients qu’il est censé écraser à la machine, il est très vite rejoint par la triste réalité : tu ne peux pas écraser parce qu’il n’y a pas de lumière.

Cette réalité de notre pays m’écœure parce qu’elle a réussi à produire une race de résignés qui acceptent tout. Ces derniers finissent même par légitimer des situations telles que celle que j’évoque actuellement. A ce sujet, un ainé m’a un jour rétorqué en disant : « qu’est-ce que tu fais pour mériter la lumière ? L’Etat n’est pas obligé de vous donner la lumière ». C’est l’ampleur du mal. Le système camerounais a certainement réussi à le faire : inscrire dans l’esprit de certains que le vrai peut être faux et que le faux peut être vrai.

C’est clair que dans cette situation de pénurie de besoins primaires et surtout de précarité d’idées, no pays soit où il se trouve actuellement.

En tout cas, moi j’en ai marre de ce pays où les gens vivent dans le noir alors que nos dirigeants et ministres chantent un pays en lumière chaque jour. Mais de quel pays s’agit-il ?

Au Cameroun lorsque tu exprimes ce qui est vrai et vérifiable, on te classe dans la caste des révoltés et révolutionnaires ; des fauteurs de troubles, apprentis sorciers et vendeurs d’illusion. Mais justement c’est par manque d’idées alternatives qu’on utilise cette critique de provenance et non de contenu. Parce que les faits sont vérifiables. Seuls les aveugles ne peuvent pas les voir. Et comme on le dit, au pays des aveugles, les myopes sont rois. Il est temps pour nos dirigeants de cesser de bavarder sur des faits vérifiables. Mais il leur revient de poser des actions considérables en ce qui concerne les conditions de vie des populations qui vivent encore dans l’obscurité.

Je manifestais à travers ce billet mon ras-le-bol face à une situation qui prend de plus en plus de l’ampleur à Dschang que je connais mieux : les coupures d’électricité.

NB: j’ai été obligé de publier ce billet en soirée parce qu’en matinée, il n’y avait pas de lumière. Au moment où je m’apprête à le publier, il y a à nouveau interruption de la lumière. Heureusement pour moi, cette dernière interruption n’a duré que quelques minutes.


« La tolérance, une harmonie dans la différence »

 La journée internationale de la tolérance se célèbre demain alors même que le monde vire de plus en plus vers une intolérance extraordinaire. Du racisme au tribalisme en passant par les conflits générationnels, l’intolérance a fait son lit dans notre monde plombant ainsi notre marche vers un humanité noble et respectueuse. Dans ce billet, je profite de l’actualité pour chanter les louanges de la tolérance pour nos pays africains mais surtout pour notre monde assez diversifié.

Carte journée de la tolérance. Crédit image: cybermag.cybercartes.com
Carte journée de la tolérance. Crédit image: cybermag.cybercartes.com

La journée internationale de la tolérance est célébrée depuis 1995 à l’initiative de la conférence générale de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO). Cette année avait été proclamée année internationale de la tolérance par l’UNESCO. Le 16 Novembre, les Etats membres de l’UNESCO ont adopté une Déclaration des principes sur la tolérance et un Plan d’action destiné à donner suite à l’Année.

Le 16 novembre 1995, les Etats membres de l’UNESCO adoptent alors la déclaration sur les principes de la tolérance dans l’optique de préserver le monde de toutes sortes de destruction et surtout de préparer un monde meilleur pour les générations futures. Dans ce document, la tolérance est définie comme « le respect, l’acceptation et l’appréciation de la richesse et de la diversité des cultures de notre monde, de nos modes d’expression et de nos manières d’exprimer notre qualité d’êtres humains ». A ce sujet, poursuit le document, elle est encouragée par « la connaissance, l’ouverture d’esprit, la communication et la liberté de pensée, de conscience et de croyance ». Bref elle est une harmonie dans la différence. Différence, un mot qui traduit bien le monde dans lequel nous vivons actuellement. Différences raciales, différences ethniques, différences religieuses sont notre réalité quotidienne.

Nous appartenons tous à la même humanité mais nous sommes différents de part nos cultures, nos croyances et nos styles de vie. En même temps, cette diversité est préoccupante dans la mesure où nous vivons l’ère par excellence de la circulation, des flux incroyables entre les différents territoires du monde. Certains penseurs ont parlé à cet effet de l’irruption de l’ailleurs dans l’ici et vice-versa. Dans un tel contexte, la diversité  peut être un inconvénient et conduire à des conflits monstrueux comme on l’observe de plus en plus. Cette diversité peut s’avérer être une réelle menace pour la paix dès lors que les uns n’acceptent pas les autres tels qu’ils sont malgré leurs différences. Depuis quelques mois, l’inflation du racisme et du tribalisme dans certains pays ainsi que des conflits religieux montrent que la tolérance n’est pas encore la chose la mieux partagée. Or, elle devrait l’être pour mettre en harmonie les différences que, naturellement, nous avons.

La tolérance ça fait gagner la paix. Crédit image:casafree.com
La tolérance ça fait gagner la paix. Crédit image:casafree.com

De ce fait, la tolérance devrait être vécue par chacun d’entre nous dans son univers le plus proche et institutionnalisée par les États. Au niveau des pays, la tolérance sera équivalente à l’acceptation et au respect des autres cultures ainsi que leurs modes d’expression. Ensuite, le dialogue et la connaissance de ces cultures permettraient aux uns et aux autres de mieux la connaitre, de l’accepter et ensuite de l’apprécier. Un tel processus ouvrira la porte à la liberté de pensée, à la créativité de toutes les sensibilités et les différences de nos pays et plus largement de notre monde. Laquelle liberté est la condition sine qua non pour la paix et surtout la modernisation de nos sociétés et de notre monde.

Condition même du dialogue entre les cultures, la tolérance n’est rien d’autre que le préalable à ce que des intellectuels comme Édouard Glissant ont appelé « poétique de la relation » ou encore Achille Mbembe qui parle de la « politique du semblable ». elle permet ainsi aux Hommes de comprendre qu’ils ne peuvent jamais parler tous de la même façon. Chacun parle à sa manière et la tolérance permet de mettre de l’harmonie et d’écouter ces voix divergentes avec un grand intérêt et surtout un respect inestimable. Ainsi, les Noirs ne regardent plus les Blancs avec des lunettes noirs ou par rapport à ceux qu’ils aimeraient que les Blancs soient. Mais ils regardent, comprennent et acceptent les Blancs tels qu’ils sont. Et vice versa. Au Cameroun ou en Afrique, telle ethnie ne regarde plus l’autre comme elle voudrait que celle-ci soit mais elle la regarde et l’apprécie telle qu’elle est. Egalement dans la science, les disciplines ne doivent plus se faire la guerre parce que telle discipline ne fait pas ce que l’autre fait mais elles doivent s’accepter mutuellement et se compléter. Et comme le disait si bien Gandhi,

‘La règle d’or de la conduite est la tolérance mutuelle, car nous ne penserons jamais tous de la même façon, nous ne verrons qu’une partie de la vérité et sous des angles différents’.

C’est alors qu’on pourra avoir un monde débarrassé des conflits, des tensions et des incompréhensions de tout genre. Un monde peuplé d’Hommes certes différents mais ayant à cœur de parfaire l’humanité et surtout de laisser aux générations futures un monde meilleurs. Un monde où la paix est la règle d’or, une paix des cœurs et des âmes sans que forcément ce ne soit la paix de façade arboré comme slogan politique.

In fine, la tolérance est cette harmonie dans la différence qui transformera la diversité actuelle de notre monde en dialogue entre les différentes ondes humaines.

NB: le titre de ce billet est inspiré de la déclaration de l’UNESCO sur les principes de la tolérance du 16 Novembre 1995.


« La controverse est une réalité permanente en histoire »

 

Dans la continuité du séminaire doctoral sur la controverse en histoire débuté le 31 octobre dernier, Daniel Abwa, professeur titulaire des universités, historien et directeur des affaires académiques et de la coopération à l’université de Yaoundé 1 a entretenu les étudiants chercheurs du département d’histoire de l’université de Dschang le 12 novembre dernier. Il en ressort que la controverse est une réalité permanente en histoire.

Pr Daniel Abwa et Dr Kouosseu Jules pendant le séminaire. Crédit image: Ulrich Tadajeu.
Le professeur Daniel Abwa et le docteur Jules Kouosseu pendant le séminaire. Crédit image : Ulrich Tadajeu.

A ce sujet, le professeur Daniel Abwa a présenté la controverse en histoire comme une évidence parce que l’interprétation du fait historique est fonction des sources utilisées et du contexte dans lequel se situe celui qui écrit l’histoire. Les historiens doivent donc se battre pour avoir plusieurs sources vérifiables et crédibles afin d’obtenir les faits.  Mais l’interprétation de ces faits varie le plus souvent en fonction des intérêts et des approches des uns et des autres. Il a, à ce propos, évoqué la controverse qui l’a opposé à Abel Eyinga au sujet du déclenchement de la guerre d’indépendance du Cameroun. Allant dans ce sens, il a également évoqué la controverse qui a opposé les professeurs Verjika Fanso et Victor Julius Ngoh au sujet de l’action de John Ngu Foncha dans le processus de réunification des deux Cameroun.

De toute évidence, l’histoire est une science humaine dont l’objet d’étude est l’homme. Or l’homme est « ondoyant et divers » comme l’entendait Montaigne. En ce sens, « aucune vérité sur l’homme n’est souveraine ». L’historien ne doit pas, selon Daniel Abwa, avoir peur de la controverse.  Bien au contraire, il doit se servir de cette controverse pour bâtir un argumentaire  pertinent. L’historien camerounais a proposé aux jeunes chercheurs du département d’histoire de l’université de Dschang une démarche à suivre pour prendre avantage de la controverse.

Le chercheur doit mentionner l’existence de la controverse en présentant les différents arguments exposés. Ensuite, partir de ces arguments et en fonction des sources obtenues sur le terrain pour présenter son point de vue. Ce dernier doit être justifiable, car « l’historien n’affirme rien sans l’avoir passé au crible de la critique ».

Photo de famille du Pr Daniel Abwa avec les enseignants et les étudiants du département d'Histoire. Crédit image: Ulrich Tadajeu
Photo de famille du professeur Daniel Abwa avec les enseignants et les étudiants du département d’histoire. Crédit image : Ulrich Tadajeu

La controverse donne de ce fait sens à l’Histoire en ceci qu’elle défait la pensée unique pour introduire le débat contradictoire. Mais, comme il a été dit lors de ce séminaire, la controverse est une contradiction scientifique qui s’appuie sur des sources vérifiables et non des imaginations éphémères fruits des méditations illuminées.

Après cette leçon introductive, quelques étudiants chercheurs du département d’histoire ont présenté leurs projets de recherche ainsi que l’état d’avancement de leurs travaux avec la modération du docteur Kouosseu Jules, chargé de cours au sein du département et représentant du chef de département.


31 années après, le ridicule en pleine expansion au Cameroun.

 

A l’heure où l’Etat entier vibre au rythme du 31ème anniversaire (06 Novembre 1982) de l’accession de Paul Biya à la magistrature suprême au Cameroun, je présente certaines attitudes qui montrent que nous sommes non pas dans une république exemplaire mais dans une république où le ridicule a pris le dessus en habitant les imaginaires et en orientant les actions.

Le président Paul Biya lors d'un message à la nation camerounaise. Crédit photo: angazamag.com
Le président Paul Biya lors d’un message à la nation camerounaise. Crédit photo: angazamag.com

Généralement, lorsque les thuriféraires du parti au pouvoir parlent du bilan de M. Biya, ils évoquent comme acquis la paix et la démocratie. Selon eux, le président Biya a tenu sa promesse en apportant, en octroyant, en offrant et en gratifiant le Cameroun de la liberté ainsi que la prospérité. Il a réussi à maintenir le pays dans la stabilité disent-ils. Mais lorsqu’on évoque la situation économique peu encourageante du Cameroun, ces mêmes laudateurs invoquent la crise économique des années 1990 comme source de notre malaise. On dirait que cette crise aussi atroce qu’elle fut avait esquivé d’autres pays pour s’abattre sur le Cameroun. Ce qui est ridicule. Croire que Paul Biya est le « seigneur tout puissant » venu sauver les Camerounais des affres de ce monde. Croire que tout ce qui est bien fait doit être mis à l’actif de la personne Biya Paul alors que tout ce qui est mauvais est du à des raisons extérieures et donc indépendantes de M. le président. Comme prophète, notre chef de l’Etat aurait certainement une mission de purification des Camerounais à accomplir. Et tant qu’il ne le fera pas, il ne s’écartera pas du pouvoir.

Ensuite, en 31 ans, le régime camerounais piloté des mains de maitre par son chef a réussi à produire un système social basé sur l’idée maléfique. La particularité d’un tel système est qu’il n’admet pas l’expression de voix plurielles. Tout ce qui est différent devient discordant, ennuyeux et est susceptible d’être combattu voire effacé systématiquement. L’adversaire devenant ainsi un ennemi. Celui qui émet des idées différentes un « vendeur d’illusion » lorsqu’il n’est pas traité d’apprenti sorcier. Il s’agit d’un système narcissique qui n’arrive pas à mettre sur pieds une éthique d’acceptation réciproque gage de toute cohésion sociale. On observe à tous les niveaux de la société des actions et des idées mises en place pour taire les pensées alternatives, pour brouiller les voix nouvelles de la modernité. Le pluralisme chanté, récité et même présenté comme acquis du renouveau n’est qu’un pluralisme de façade dans l’optique d’amadouer la communauté internationale ainsi que les bailleurs de fonds.

31 années auront permis à notre président sans tâche ainsi qu’à son équipe de mettre sur pieds une République ridicule par excellence. Une République marquée par l’incertitude,  la surprise, l’incompréhension, la divination de l’anormal et l’ostracisme du normal. Pour être salué, loué, applaudi par toute la société, il faut se démarquer par le bas : voler, détourner, corrompre et parfois même tuer. Si vous ne rentrez pas dans ce cercle là, tant pis pour vous. Vous devenez un rebus de la cité, une sorte de bouillie prête à être avalée par les plus puissants. Alors, se questionner sur sa situation et son avenir devient un mauvais questionnement. Désapprouver des choix peu pertinents et le faire savoir fait de toi un ennemi de la République.  Ainsi, fusent de partout des avertissements, des injonctions te disant « fais attention », « tais-toi », « tu ne sais pas ce que tu dis », « tu es trop jeune », « tu es un enfant gâté, tu ne produis pas, on t’envoie tout et tu parles »…

A tous les niveaux, ce ridicule s’exprime. Mais plus encore il habite les imaginaires. C’est cette lecture que m’inspirent l’inflation des mouvements associatifs jeunes, la cooptation de plus en plus récurrente des jeunes dans des associations aux buts superflus. Officiellement apolitiques, ces associations travaillent à la mise en place d’un système uniciste. Soyez attentifs à leur comportement lors des fêtes (défilés, commémorations…) Toute chose qui montre qu’officieusement, ces mouvements associatifs jeunes qui pullulent de tous les côtés contribuent à la corruption des esprits, à l’habitation des sens et à la colonisation des imaginaires moyennant quelques billets de banque.

C’est dans cette république socialement et idéologiquement ridicule que nous vivons. Qu’on soit clair. Elle n’a pas toujours été autant ridicule. Ou plutôt, les Camerounais ne sont pas ridicules. Peut-être le deviendront-ils à force de vivre dans un système aussi destructeur. Mais l’ostracisme dont sont l’objet ceux qui ont combattu noblement pour la prospérité et la liberté de ce pays montre juste que ceux qui ont pris en main le destin de ce pays à un moment donné ont hérité d’un Etat bien bâti idéologiquement.

Faut-il se taire devant de telles absurdités ? Est-il possible comme le veulent certains de fermer les yeux après 31 ans et de se dire « on va faire comment ? » Ou alors comme Sony Labou Tansi, faut-il crier sans cesse afin de faire venir le monde au monde ?

J’ai déjà fait le mien. A vous de faire le vôtre !


Notes sur la décolonisation de l’histoire du Cameroun

53 ans après l’assassinat de Felix Roland Moumié le 03 novembre 1960 à Genève en Suisse, je vous propose dans ce billet une approche vers la décolonisation de l’histoire du Cameroun afin que ses héros, sources intarissables d’inspiration, soient connus par la jeunesse. Ceci dans l’optique de bâtir une nation qui réussit.

Felix Roland Moumié. Crédit photo:prisma.canalblog.com
Felix Roland Moumié. Crédit photo:prisma.canalblog.com

Etude du passée dans sa dynamique et ses mouvements, l’histoire doit refléter la réalité vécue par ceux qui nous ont précédés afin de susciter à nos contemporains des sources d’inspiration. Mais, lorsque le révisionnisme qui consiste à cacher, dénier, déformer les faits pour des fins parfois inavouées s’installe, cette histoire reste peu et mal connue. S’y installe une histoire officielle voulue par ceux dont les intérêts dépendent.  C’est le cas du Cameroun où l’histoire officielle prime sur l’histoire réelle. Entrainant de fil en aiguille une ignorance exceptionnelle par les jeunes des réels héros et sources d’inspiration de notre nation en construction. Et pourtant, toutes les grandes nations se construisent en actualisant les valeurs et les combats des héros qui sont venus avant les contemporains.

A l’heure où on célèbre un autre martyr africain, nos leaders politiques mais surtout nos grands maitres en histoire accompagnés par toute la communauté des historiens doivent jeter un regard sur la décolonisation de l’histoire du Cameroun afin de la mettre au service d’un peuple qui se cherche sans cesse.

Cette décolonisation de l’histoire consistera à rompre avec des méfiances autour des sujets de recherche dès lors que le recul sera assez considérable pour recueillir les informations. Même si l’histoire immédiate fait de plus en plus parler d’elle, il ne sera pas question de verser dans une analyse de l’actualité quand on sait que le recul nécessaire n’est pas effectif. Mais plutôt de poser des réelles questions sur le mouvement nationaliste camerounais, de présenter à travers des réflexions diffusées et vulgarisées le réel combat de ces leaders, les valeurs qu’ils défendaient et les obstacles sur leur chemin. Dans cette perspective, l’homme politique, au-delà du rôle qu’il doit jouer, devra aider à la vulgarisation des valeurs de ces héros, à l’actualisation de leur combat en les mentionnant régulièrement dans les discours politiques et publiques comme on l’observe assez souvent dans d’autres pays. Mais pour ce faire, il faut obtenir les informations des acteurs ou des descendants de ces acteurs de l’histoire. L’un des obstacles à ce niveau, c’est la peur et le silence.

Généralement, lorsque vous interrogez un acteur ou un descendant d’un acteur du mouvement nationaliste camerounais, il est silencieux et a peur de vous donner des informations. Quand vous l’abordez, vous sentez une suspicion au fond de lui qui l’amène à vous donner l’information si vous êtes astucieux. Mais cette information n’atteint parfois pas le quart de ce qu’il pouvait vous donner. Cette peur qui se traduit par le silence est mémorielle car il est parfois difficile de retracer un passé douloureux et atroce. Elle est aussi politique et sociale car, avec la diabolisation du mouvement nationaliste camerounais à une certaine période, plusieurs personnes parfois considèrent l’appartenance d’un parent à ce mouvement comme étant une mauvaise chose et refuse donc de parler. Bref, cette peur mémorielle n’est que le fruit d’un processus historique que seule la décolonisation de l’histoire pourrait déconstruire.

Enfin, les administrateurs accompagnés par les corporations d’historiens devront mettre à la disposition des chercheurs et des curieux les sources de l’histoire. Ils devront aussi conserver les sources en voie de disparition et de détérioration. Il s’agira de restaurer et d’entretenir les maisons d’archives, de mettre à leur direction de véritables spécialistes des archives. Ensuite, créer et faire fonctionner des maisons d’archives sonores qui permettraient aux jeunes chercheurs et aux curieux de consulter des documents oraux telles que les traditions orales (les légendes, les proverbes, les épopées, les mythes, les contes, les chants des griots) ou encore les témoignages des acteurs de l’histoire. Car, en Afrique, comme le disait Hampaté Ba, « un vieillard qui meurt est une bibliothèque qui brule ». Il faut donc, avant que cette bibliothèque ne brule puisque le vieillard se rapproche déjà de la mort, obtenir les informations qu’elle contenait, les conserver et les mettre à la disposition du public.

Cette décolonisation de l’histoire des pratiques révisionnistes (dénie de certains faits, culture de la peur, Archives en mauvais état et indisponibles) conduira certainement à la réappropriation de notre histoire pour notre bénéfice et plus encore celui des générations futures. Ce sera un pas de plus vers la construction de notre nation bâtie jusqu’ici sur l’ostracisme du crâne des parents morts pour nous. Autrement dit, sur la mise à l’écart de ceux qui, comme Moumié, ont combattu pour poser les jalons de la Nation camerounaise.

Je finirai en évoquant une initiative louable qui doit être multipliée dans notre pays. Il s’agit de l’ouvrage collectif de Thomas Deltombe, Jacob Tatsitsa et Manuel Domergue intitulé Kamerun ! Une guerre cachée aux origines de la Françafrique : 1948-1971 . Paru aux éditions La Découverte en 2011, cet ouvrage s’attaque à un pan de l’histoire du Cameroun : la guerre cachée par les forces coalisées néocoloniales. Cette initiative de deux journalistes français accompagnés d’un historien camerounais doit être multipliée et améliorée afin de rendre le contenu accessible à toutes les couches de la société.

Remember Moumié !


Communion d’idées entre Charles Ateba Eyene et le public de la ville de Dschang.

 Charles Ateba Eyene a échangé hier avec le public de la ville de Dschang à la salle Manu Dibango de l’Alliance Franco-Camerounaise (AFC) de Dschang. Des échanges qui portaient sur 4 de ses ouvrages qui allaient être dédicacés et qui parlent de l’émergence du Cameroun en 2035.

Charles Ateba Eyene et le modéraeur Alain Cyr Pangop Kameni. Crédit photo: ulrich Tadajeu.
Charles Ateba Eyene et le modéraeur Alain Cyr Pangop Kameni. Crédit photo: ulrich Tadajeu.

Invité par l’Alliance Franco-Camerounaise de Dschang pour une conférence-dédicace sur 4 de ses 27 livres, Charles Ateba Eyene, communicateur, universitaire et politicien connu de la scène publique camerounaise, a une fois de plus répondu favorablement. Il a, pendant plus de 4 heures de temps, entretenu le public avec la modération de son ancien camarade, le journaliste Alain Cyr Pangop Kameni. Aujourd’hui enseignant à l’Université de Dschang, le Dr Pangop n’a pas hésité au début de son propos de qualifier Charles Ateba Eyene  d’ «industriel des idées ».

C’est donc autour de quatre de ses livres que les échanges ont tourné. L’auteur analyse dans ces ouvrages  les freins de l’émergence du Cameroun. Il propose ensuite des solutions.

Son ouvrage intitulé Le mouvement sportif camerounais pris en otage par des braconniers camerounais. L’urgence de la mise en œuvre des réformes : une analyse historico-économique et politico-diplomatique du sport indique que le football camerounais est actuellement « pris en otage par des braconniers ». Ces braconniers ont ceci de particuliers qu’ils ne connaissent rien en ce qui concerne cette discipline. En même temps, ils écartent les réels acteurs et les icones du football camerounais comme Albert Roger Milla de la gestion du sport roi.

Les deux autres livres qui portent sur les crimes rituels et les loges font un état des pratiques mystiques sur la scène publique au Cameroun. Après de longues années d’investigation, le chercheur est parvenu à la conclusion selon laquelle le Cameroun est sous la dictature des loges, des sectes, du magico-anal et des réseaux mafieux comme l’indique le titre. Parmi les acteurs de ces pratiques odieuses, il y a selon lui les Francs-Maçons. Alors qu’ailleurs les Francs-maçons et autres adeptes des sociétés sécrètes sont des bâtisseurs du fait de l’initiation à l’intégrité, à l’éthique qu’ils reçoivent. Au Cameroun, ces francs-maçons sont des affamés, des imposteurs qui se servent de leurs loges pour obtenir une promotion sociale.

Ces dérives des loges aboutissent à une économie de la mort et à un gout exaspéré pour le sang. Il fustige cette  économie de la mort qui se traduit par les crimes rituels mais également une forte propension pour la jeunesse à se tourner vers la consommation de l’alcool, de la drogue dans l’ouvrage intitulé Crimes rituels, loges, sectes, pouvoirs, drogues et alcools au Cameroun. Les réponses citoyennes et les armes du combat.  Au sujet de l’alcool et de la drogue, il fait remarquer qu’en 2012, les Camerounais ont consommé près de 600 000 000 de litres d’alcool. Tout récemment encore, poursuit l’auteur, le préfet du Mfoundi (département dans lequel se trouve la capitale du Cameroun Yaoundé) a recensé près de 6000 bars dans la ville de  Yaoundé. Toutes ces pratiques ne peuvent que freiner le Cameroun dans sa marche vers l’émergence. Ce que ne souhaite pas Charles Ateba Eyene. Il propose à travers d’autres livres des pistes de sortie de crise.

D’abord la formation de la jeunesse. Selon le politicien, la jeunesse doit se former. Ceci en abandonnant les bars et le vin pour se tourner vers la lecture, la connaissance afin d’aider le Cameroun à s’émanciper. Car, selon Bourdieu qu’il cite, « le savoir est un pouvoir ». Ensuite, l’avion du développement ayant atterri en Asie, l’auteur pense, dans Emergence du Cameroun à l’horizon 2035 : l’apport de la Chine. La coopération de développement : ses succès et ses craintes, que le Cameroun gagnerait à intensifier sa coopération avec la Chine pour atteindre son émergence. Mais les dirigeants Camerounais ne doivent pas, selon lui, ignorer que la Chine lutte pour ses intérêts comme tout Etat sérieux sur la scène internationale. C’est donc à un questionnement sur l’émergence du Cameroun à l’horizon 2035 qu’interpellent les ouvrages de Charles Ateba Eyene dédicacés hier à l’AFC de Dschang.

Le public de la ville comme par le passé a répondu massivement présent. Dès 14 heures, on observait déjà des personnes qui attendaient l’ouverture de la salle. Comme indiquent photos ci-dessous, la salle Manu Dibango de l’Alliance Franco-Camerounaise étant pleine, c’est à l’extérieur que certains ont trouvé refuge. Le dispositif technique mis en place a permis à ce public d’écouter les interventions très saluées de l’orateur principal, le Dr Charles Ateba Eyene.

Un public venu nombreux assister à la conférence. Crédit photo: Ulrich Tadajeu
Un public venu nombreux assister à la conférence. Crédit photo: Ulrich Tadajeu
Une foule nombreuse à l'extérieur pour écouter Charles Ateba Eyene. Créit photo: Ulrich Tadajeu.
Une foule nombreuse à l’extérieur pour écouter Charles Ateba Eyene. Crédit photo: Ulrich Tadajeu.

Cette communion assez riche, constructive et instructive dans la perspective de l’émergence a pris fin avec la dédicace des ouvrages à ceux qui ont bien voulu s’en procurer. Il était un peu plus de 21h, heure du Cameroun.

Ouvrages dédicacés :

Le mouvement sportif camerounais pris en otage par des braconniers camerounais. L’urgence de la mise en œuvre des réformes : une analyse historico-économique et politico-diplomatique du sport, Yaoundé, Editions Saint Paul, 2011. 292 Pages.

Emergence du Cameroun à l’horizon 2035 : l’apport de la Chine. La coopération de développement : ses succès et ses craintes, Yaoundé, Saint Paul, 2012. 188 Pages.

Le Cameroun sous la dictature des loges, des sectes, du magico-anal et des réseaux mafieux. De véritables freins contre l’émergence en 2035 (la logique au cœur de la performance), Yaoundé, Septembre 2012. 381 Pages

Crimes rituels, loges, sectes, pouvoirs, drogues et alcools au Cameroun. Les réponses citoyennes et les armes du combat, Yaoundé, Saint Paul, 2013. 228 Pages.


Césaire Aimé, la Voix des opprimés.

Dans le cadre de la célébration du centenaire de la naissance d’Aimé Césaire, l’Alliance Franco-Camerounaise (AFC) de Dschang a organisé une conférence sur la vie et l’œuvre d’Aimé Césaire. Je me propose dans ce billet, non pas de faire le compte rendu de la conférence, mais de présenter Aimé Césaire comme la voix des opprimés  sur les plans intellectuel et politique.

Aimé Césaire. Crédit photo: touscreoles.fr
Aimé Césaire. Crédit photo: touscreoles.fr

Aimé césaire est né en 1913, au mois de juin. Il arrive en France en 1931. Bénéficiant d’une bourse du gouvernement français, il fait ses classes au lycée Louis Le Grand où il rencontre Léopold Sédar Senghor. Cette rencontre ainsi qu’avec d’autres étudiants africains en France lui permit d’entrer en contact avec la partie refoulée de son identité martiniquaise à savoir l’identité africaine.  Il est alors imprégné de la réalité africaine marquée par la négation de l’identité liée au racisme, produit de l’idéologie colonialiste. En réaction à cette idéologie, il forge avec Senghor le concept de négritude en 1935. Concept à la fois politique et culturel autour duquel se bâtit tout son combat anticolonialiste. Il a si bien traduit cela dans un de ses textes les plus aboutis intitulés Discours sur le Colonialisme paru en 1950. Il y présente le colonialisme comme la « honte du XXème siècle ». Car, il impose un rapport de domination entre les Hommes supposés être libres et égaux en droit et en devoir. Ensuite, il rend certaines civilisations moribondes dès lors qu’il les pousse à ne plus respecter leurs principes. Cette action débutée dans Cahier d’un Retour au pays Natal se poursuivit également dans des revues qu’il créa ou qu’il contribua à créer. En 1941, il crée la revue culturelle Tropiques avant de participer à la création de la revue présence Africaine aux cotés d’Alioune Diop en 1947. Mais, cette revue se transforma par la suite en maison d’édition.

Comme pour joindre les paroles aux actes, Césaire s’engagea en politique après la deuxième guerre mondiale au sein du parti communiste. Il est ainsi élu Maire de Fort de France en 1945 et jusqu’en 2002. Et député de la Martinique de 1945 jusqu’en 1993. Même si son escale politique n’a pas connu le même succès que dans le domaine intellectuel du fait notamment de la départementalisation de la Martinique en 1946, il reste dans la mémoire collective comme la voix des opprimés, la voix des sans voix.

Quand bien même l’oppression via le colonialisme s’est achevée officiellement, Césaire est resté la voix des opprimés de la néocolonie mais aussi de la postcolonie. Il s’est opposé au néocolonialisme. C’est la raison pour laquelle, en 2005, il refuse de recevoir Nicolas Sarkozy. Ce dernier avait fait adopter en tant que ministre de l’intérieur  la même année la loi de février 2005 sur l’enseignement des effets positifs de la colonisation dans les écoles françaises.

Ce géant s’est éteint en Avril 2008. Il est entré au panthéon à paris la même année. L’aéroport de Fort de France Lamentin a été rebaptisé en Aéroport Martinique-Aimé Césaire.

Voix des opprimés, véritable modèle à travers son double parcours intellectuel et politique, Aimé Césaire doit, par la franchise et la pertinence de sa pensée, être un repère pour la jeunesse Africaine.

 NB: Nous utilisons Césaire Aimé qui veut dire selon nous que Césaire est Aimé pour saluer l’œuvre de ce géant ainsi que l’héritage qu’il laisse à la postérité. Il nous a été inspiré par le conférencier de l’Alliance Franco-Camerounaise de Dschang lors de la conférence de Vendredi dernier sur Aimé Césaire.


Thomas Sankara, symbole de l’Afrique libre et unie

Thomas Sankara.Crédit photo: point-de-vue-incorrect.org
Thomas Sankara.
Crédit photo : point-de-vue-incorrect.org

Depuis lundi dernier, une exposition sur le révolutionnaire burkinabè Thomas Sankara, assassiné le 15 octobre 1987 à la suite d’un coup d’Etat, se déroule sur le campus A de l’université de Dschang. Cette initiative de l’Association pour l’unité et le développement de l’Afrique (Auda) entre dans le cadre des activités commémoratives du 26e anniversaire de l’assassinat de Thomas Sankara.

Quelques questions aideraient à comprendre l’exposition : qui était Thomas Sankara ? Qu’a-t-il fait ?

Pour répondre à ces questions, l’exposition présente la biographie, les œuvres, les discours, les photos et les phrases célèbres de l’homme intègre. Une remarque s’impose :  la cohérence qu’il y a entre les discours et les actions. Bref, discours et actions se confondent. Thomas Sankara estimait d’ailleurs que « celui qui donne à manger dicte ses volontés ». Pour remédier à cela, il s’est fixé comme objectif de bien nourrir les Burkinabè et, en 4 années, il « a permis à son pays d’atteindre l’autosuffisance alimentaire ». Il s’est par ailleurs attelé à améliorer la qualité de la vie en rendant l’éducation accessible ainsi que les soins médicaux et le logement. Il affirmait à ce sujet : « L’eau potable, trois repas par jour, un dispensaire, une école et une simple charrue font partie d’un idéal de vie auquel des millions de Burkinabè n’ont pas encore accès. »

Un membre de l'AUDA lors de l'exposition. Crédit photo: Ulrich Tadajeu
Un membre de l’Auda lors de l’exposition. Crédit photo : Ulrich Tadajeu

Cette politique était en conformité avec son idéologie antinéocoloniale face aux dérives observées 25 ans après les indépendances. Ses discours phares à l’ONU en 1984 et à l’OUA en 1987 sont exposés et précisent davantage cette idéologie panafricaniste et anti-impérialiste. Précisément, l’action de Sankara visait à rendre l’Afrique libre et unie : libre de l’impérialisme néocolonial et unie pour se développer. Ainsi, il reste et demeure pour la postérité un symbole d’espoir et une source d’inspiration, car « en 4 années, du 4 août 1983 au 15 octobre 1987, il est parvenu à faire comprendre aux Africains que la pauvreté n’est pas « une fatalité », mais qu’elle peut être gérée quand les dirigeants ont la volonté nécessaire de lutter contre ce fléau.

Les œuvres majeures de Sankara présentées lors de l'exposition. Crédit photo: Ulrich Tadajeu
Les œuvres majeures de Sankara présentées lors de l’exposition. Crédit photo : Ulrich Tadajeu.

Nos dirigeants actuels s’inspirent-ils de Thomas Sankara ? Ont-ils la volonté nécessaire ? Ou sont-ils plus intéressés par leur ventre plutôt que par le devenir du peuple ? Quel héritage la jeunesse a-t-elle de cet homme qui a mené sa révolution, il faut le rappeler, alors qu’il n’avait pas encore 40 ans ?

L’Afrique n’est certes pas encore libre et unie. Mais Thomas Sankara, en tant que défenseur de cette liberté et unité, doit inspirer la jeunesse africaine en manque de repère.


Cameroun : voici pourquoi le RDPC reste maître du jeu politique

Paul Biya, président du Rdpc lors du congrès de son parti en 2011. Crédit photo: journalducameroun.com
Paul Biya, président du RDPC lors du congrès de son parti en 2011. Crédit photo : journalducameroun.com

La semaine dernière, j’ai rédigé un billet descriptif présentant les résultats des élections législatives qui se sont déroulées au Cameroun le 30 septembre dernier couplées à l’élection municipale. J’ai conclu ce billet sur ces interrogations : le RDPC est-il trop fort ou est-il favorisé par un jeu politique mal arbitré ? Dans ce billet, il est question d’analyser le jeu politique lors de ces élections pour ressortir quelques raisons de l’hégémonie du RDPC, parti au pouvoir.

Le premier constat à faire concerne le code électoral, loi qui encadre le jeu électoral dans notre pays. Il n’a jamais fait l’unanimité entre les différents acteurs du processus politique. C’est le minimum. Il est incompréhensible que dans le cadre d’un match de football, les équipes ne s’entendent pas sur les règles du jeu. De prime abord, le jeu est mal défini. Au  rang de ces iniquités, il y a tout de même la convocation du corps électoral qui dépend du président de la République, par ailleurs président d’un parti politique en compétition.  En langage plus simple, c’est comme si, Coton sport de Garoua, une équipe camerounaise allait livrer un match de football contre Asec d’Abidjan de Côte d’Ivoire et que la date de la rencontre est fixée par le président de la fédération camerounaise de football à son temps voulu. Sera-t-il partial ou impartial ? Quelle image auront les adversaires de la rencontre ? Même s’ils parviennent à jouer le match et qu’ils perdent, seront-ils satisfaits ?

Ensuite, ce qu’on  a appelé la biométrie. Certains acteurs arguent d’ailleurs cela comme une grande victoire. Or, elle n’avait de biométrie que l’inscription et rien d’autre puisque personne ne pouvait voter biométriquement, c’est-à-dire par un système de reconnaissance digitale. Lorsque les électeurs allaient dans les bureaux de vote, les responsables dans le bureau prenaient leur carte électorale, les identifiaient et les envoyaient voter. Après quoi, il fallait encore se salir les mains dans une encre annoncée indélébile,  mais pourtant délébile. Un vote biométrique aurait consisté à faire entrer l’empreinte digitale du votant dans un système informatique afin qu’il soit identifié avant de le faire voter.

La campagne électorale qui s’est déroulée du 15 au 29 septembre a été marquée par trois faits : la diabolisation de l’autre, la démocratie buccalo-bachique et des politiciens en panne d’idées.

La diabolisation de l’autre est une pratique de plus en plus récurrente dans le jargon politique camerounais. Elle consiste à se servir des médias pour proférer aux adversaires politiques des calomnies. Au lieu de défendre un projet politique ou un bilan, nos hommes politiques passent le temps à traiter leurs adversaires de tous les noms : « Incapables, vendeurs d’illusions, apprentis sorciers », et que sais-je encore ? Mais de tels actes tiennent du fait qu’au pays des lions indomptables, on n’est pas encore parvenu à comprendre qu’un adversaire politique n’est pas un ennemi. Mais juste quelqu’un qui a des points de vue différents pour atteindre un même objectif: développer le pays. Aussi, le parti au pouvoir  est parvenu à inscrire dans l’esprit des Camerounais à travers  les médias publics qui sont à son service l’idée selon laquelle  sans ce parti, le Cameroun entrerait dans le chaos.

La démocratie buccalo-bachique a fait son lit au pays de Um Nyobe. Elle se manifeste par l’achat des votes à travers les dons de nourriture et autres boissons. Très souvent, comme on l’a constaté encore cette fois-ci, les lieux de campagne se transforment en réels lieux de bataille alimentaire. Les candidats distribuent la nourriture. Comme des petits chiens, certains Camerounais se mettent à se disputer cette nourriture. Ils oublient que cette nourriture finira le temps d’une soirée et qu’après, il faudra envisager l’avenir. Cette pratique ne peut qu’être l’apanage d’un parti qui réussit à posséder assez de ressources économiques. Ce parti s’appelle le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC). Grâce à sa stratégie de caporalisation et de captation, le parti au pouvoir a réussi à attirer tous les richissimes hommes d’affaires du pays. A côté de ça, tout l’appareil étatique est à son service. Ce qui lui permet d’asseoir son hégémonie par la voie de la nourriture et, malheureusement, pas par celle des idées.

Il faut enfin  se rendre à l’évidence que nos politiciens sont en panne d’idées. J’ai écouté attentivement certains d’entre eux sur les médias camerounais. Grande a été ma désolation. Deux cas de figure se sont présentés. Les candidats sortants issus du parti au pouvoir peinaient à défendre leur bilan. Ils passaient le temps à chanter les louanges du président de la République, leur « seigneur ». Les autres, ceux de l’opposition, qui voulaient obtenir les suffrages du peuple peinaient à développer des idées au sujet de leur projet. Ceux-ci passaient tout leur temps à dire que le parti au pouvoir n’a jamais rien fait. Ils se présentaient indirectement comme des messies venus sauver les mairies et les circonscriptions de l’apocalypse. . Et que retient l’électeur ? Rien. Après avoir été obnubilé par la nourriture et la boisson, on ne lui présente aucun projet politique. Ainsi, c’est de mal en pis qu’ira sa situation : pas de route, pas d’eau et encore moins d’électricité. Des nuits noires à répétition, une eau sale quand bien même elle réussit à couler.

Le jeu électoral étant mal arbitré du fait de tous ces problèmes, le parti au pouvoir en tant que mastodonte politique n’a devant lui que des filets vides. De son côté, l’opposition n’arrive pas à faire bloc pour proposer des idées neuves aux Camerounais. Elle n’a qu’un programme politique (qui n’est pas exhaustif) : Biya Must go !

C’est toute cette cacophonie qui vaut au RDPC, ex-Union nationale camerounaise (UNC),  de rester maître du jeu politique au Cameroun.