Ulrich Tadajeu

Alain Foka, un journaliste au service de la promotion de l’histoire africaine

Alain Foka, journaliste camerounais producteur de plusieurs émissions sur la  Radio France Internationale (RFI) était l’invité jeudi 27 février de l’émission Entretien avec… de Thierry Ngogang sur la chaîne camerounaise Spectrum Television (STV). Tout au long de cet échange, Alain Foka est revenu sur un projet qui lui tient à coeur, sa priorité : la promotion de l’histoire africaine.

Alain Foka, lors de la séance dédicace du coffret Archives d'Afrique au Bénin. Crédit image: alainfoka.com
Alain Foka, lors de la séance dédicace du coffret Archives d’Afrique au Bénin. Crédit image: alainfoka.com

Avec Alain Foka, Thierry Ngogang a abordé plusieurs thèmes, des questions d’actualité liées au Cameroun, notamment la célébration du cinquantenaire de la réunification du Cameroun, un moment historique, clé. Il a également salué la mémoire de Charles Ateba Eyene, homme politique et journaliste camerounais très populaire, décédé il y a une semaine. Ce qui m’a le plus marqué dans cet entretien, ce sont les raisons qui l’ont amené à produire et présenter des émissions qui gravitent autour d’un projet : raconter l’Afrique par elle même.

En effet, Alain Foka est né au Cameroun, dans la ville de Douala en 1964. Il y a fait ses études au jusqu’à l’obtention du baccalauréat. Tout au long de son cursus , il a été marqué par la mise sous silence de l’histoire du Cameroun au bénéfice de l’enseignement de l’histoire et la géographie de la France. Mais, c’est en Europe, au contact des autres personnes qu’il a pris conscience de cette lacune. Après des études à Sciences Po, au Centre de formation des journalistes (CFJ) et à l’Ecole supérieure de réalisation audiovisuelle (ESRA), il  travaille à Europe 1 et France Inter au début de la décennie 1990. Mais, : « Travailler pour une radio où on a des clichés sur l’Afrique »  le rendait malade dit-il. Il avait donc besoin de trouver un cadre adéquat où il pouvait parler de l’histoire de l’Afrique. Dès que l’opportunité s’est présentée en 1993, il n’a pas hésité à rejoindre Radio France Internationale.

Alain Foka, à Niamey, Décembre 2011. © Delphine Michaud
Alain Foka, à Niamey, décembre 2011. © Delphine Michaud

A Radio France Internationale, il lui est demandé de réaliser un magazine. Il se souvient alors qu’il ne connaît pas l’histoire de l’Afrique et que c’est également le cas pour de nombreux jeunes Africains. Il se souvient donc du magazine mémoire d’un continent qu’il a beaucoup aimé et écouté pendant son enfance. L’heure est venue pour lui de raconter l’histoire de l’Afrique avec un regard africain. Parce que selon Alain Foka, :  » L’histoire africaine était jusque-là mal racontée « . C’est ainsi qu’il lance en septembre 1993 le magazine Archives d’Afrique. Il est question pour lui de raconter l’histoire du continent à travers les grands hommes. Il se sert des archives sonores et autres archives disponibles. Ces archives n’étaient pas très souvent disponibles parce que dans les pays africains, lorsque le colon partait, soit il  » détruisait les archives, soit il les emportait « . Il était donc urgent, pour lui, de raconter cette histoire-là en laissant parler les acteurs. Dans cette perspective, il a produit plusieurs émissions sur des personnalités politiques africaines, d’abord les pères fondateurs c’est-à-dire les premiers dirigeants africains après la décolonisation, ensuite les leaders africains du XXe siècle. L’émission ne s’est pas limitée ou enfermée sur ces personnalités. Elle a été ouverte aux icônes noires américaines, aux intellectuels et hommes de culture. C’est ainsi qu’il a consacré des émissions à Martin Luther King, Pelé, Salif Keita, Cheikh Anta Diop, Camara Laye, Sembène Ousmane, Malcolm X, Marcus Garvez. Cette appropriation du passé à laquelle le célèbre journaliste invite les Africains est la première étape d’un projet qui consiste à laisser les Africains raconter et écrire leur histoire pour que le continent ne soit plus présenté comme la capitale du malheur, mais également comme un lieu d’espoir.

C’est fort de cela qu’il a lancé Médias d’Afrique qui consistait à donner la voix aux journalistes africains pour qu’ils partagent leurs points de vue sur les questions africaines et mondiales. Mais par la suite, cette émission a été remplacée par le débat africain qui est toujours diffusé. Le débat africain est une « tribune donnée aux Africains » afin qu’ils échangent sur tous les sujets d’actualité.

Alain Foka sur le plateau de STV. Crédit image: thierry Ngogang.
Alain Foka sur le plateau de STV. Crédit image : Thierry Ngogang.

L’émission Afrique plus qui n’est plus diffusée reviendra prochainement selon Alain Foka. L’objectif de ce programme est de « promouvoir et faire connaitre les réussites africaines». C’est la raison pour laquelle, il présente essentiellement les portraits des créateurs de richesse du continent, ceux qui entretiennent l’espoir et inscrivent l’Afrique dans le futur. La finalité étant de déconstruire le cliché qui présente l’Afrique comme la capitale mondiale des malheurs pour susciter l’espoir chez les jeunes.

C’est ce projet qui a pour objectif de promouvoir l’histoire de l’Afrique en la racontant et en l’écrivant, de faire parler l’Afrique par elle-même, à travers les médias qui me semble intéressant. Et les jeunes Africains gagneraient à écouter ces émissions pour comprendre le continent, apporter des solutions endogènes, adaptées aux problèmes du continent, et surtout, ce projet permet aux jeunes de connaître leur histoire, l’histoire de l’Afrique, l’âme de ce continent. Car, comme il a coutume de le dire à l’entame de son magazine Archives d’Afrique,

 » Nul n’a le droit d’effacer une page de l’histoire d’un peuple, car un peuple sans histoire est un monde sans âme « 

Ce travail permet aux jeunes de savoir qu’il y a en Afrique, en plus de la famine, des créateurs de richesse, ceux qui entretiennent l’espoir et inscrivent le continent dans le futur.


Cameroun : célébration de la Réunification ou louange au président Biya?

J’ai rédigé jusqu’à présent plusieurs billets pour m’insurger contre ce que les Camerounais ont célébré sous le nom de cinquantenaire de la Réunification à Buéa le 20 Février dernier. J’ai notamment fustigé le révisionnisme, le folklore, le silence autour des noms des différents acteurs de cette réunification. Dans cet autre billet, je présente quelques analyses qui me permettent de conclure que ce cinquantenaire visait tout, sauf la célébration de la réunification du Cameroun.

Le monument de la Réunification à Yaoundé, Cameroun. Crédit image: french.china.org.cn
Le monument de la Réunification à Yaoundé, Cameroun. Crédit image: french.china.org.cn

Quand le RDPC célèbre Paul Biya

Le premier constat est que cette fête était une célébration de Paul Biya par son parti le Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC). Les images que nous avons observées sur les chaines de télévision mais également sur le site internet de la présidence de la République du Cameroun sont là pour le prouver. Le RDPC a pris d’assaut bongo square, le lieu du défilé à Buéa, à travers ses effigies. A côté de ces effigies, les images du président de la République, Paul Biya,  occupaient également tous les espaces à Buéa. On peut donc affirmer que ce parti avait pour intention de célébrer son champion, son leader naturel, le président Paul Biya. Cet état des choses est allé jusqu’à la mise à l’écart des héros, des véritables acteurs de la réunification.

Les militants du RDPC lors du défilé à Bongo Square à Buéa. On peut y noter les effigies du président Paul Biya. Crédit image: prc.cm
Les militants du RDPC lors du défilé à Bongo Square à Buéa. On peut y noter les effigies du président Paul Biya. Crédit image: prc.cm

Quand le régime efface les héros et propulse Biya au rang de « père de la réunification »

Le régime a effacé les héros, les vrais pères de la réunification pour propulser Paul Biya au piédestal de « père de la vraie réunification. » La banderole ci-dessous est là pour en témoigner.

Une banderole à Buéa lors de la célébration du cinquantenaire de la Réunification.  crédit image: Armand ougock
Une banderole à Buéa lors de la célébration du cinquantenaire de la Réunification. crédit image: Armand ougock

On peut se demander ; quel rôle Paul Biya a joué dans le processus de Réunification du Cameroun ? Comment certains Camerounais peuvent aller tellement bas, au point de commettre de tels actes de révisionnisme ? Comment peut-on parler de Paul Biya comme père de la Réunification alors qu’en 1961, année de cette réunification, il venait d’être diplômé de l’institut d’études politiques de Paris?

 Cet effacement s’est fait sentir également par l’absence d’effigies en la mémoire des acteurs de cette réunification, que ce soient les nationalistes upécistes à l’instar de Ruben Um Nyobe, Felix Roland Moumié ou alors ceux-là même qui ont parachevé le processus. Il s’agit du président Ahidjo et de son vice-président John Ngu Foncha. Où étaient ces héros si tant est qu’on célébrait la réunification ? Peut-on célébrer un événement aussi marquant d’un point de vue symbolique en ostracisant ceux-là même qui ont combattu pour que ce rêve devienne réalité ?

Au lieu de donner à César ce qui lui appartient et à Dieu, ce qui est à Dieu, le régime a donné à César ce qui est à Dieu. Dans les différentes réactions de certains Camerounais, il est apparu que le « véritable artisan et père de l’unité du Cameroun c’est Paul Biya. » C’est ainsi que certaines personnes disaient par exemple sur les médias Camerounais que « Cinquante années que notre pays est uni et c’est grâce à notre président Paul Biya », « Paul Biya nous a réconcilié avec notre histoire »… Toute chose qui donne à ce personnage de notre histoire récente une place qui n’est pas la sienne. Qu’on soit clair, le président Biya a certainement eu, selon « ses créatures », des apports dans l’histoire du Cameroun. Mais, il n’a pas joué un rôle dans le processus ayant abouti à la Réunification du Cameroun. Et même si certains pensent qu’il faille « soutenir » Paul Biya dans cette « oeuvre salutaire » qui est prompte à raviver le « patriotisme » des Camerounais, nous leurs répondons que « Biyaisme n’est pas synonyme de patriotisme ».

C’est ce révisionnisme, cette inversion des rôles, cette dénaturation d’une fête aussi grandiose ajoutés au déni de date qui me font penser que ce ne fut pas une célébration de l’unité, du vivre ensemble des Camerounais, mais un folklore organisé et piloté par le régime en place pour louer une fois de plus le président de la République. La finalité étant de lui attirer la gloire, l’honneur et une place dans l’histoire qui n’est pas sienne.

S’il est important de faire naître et d’entretenir un véritable esprit civique camerounais doublé d’une réelle intégration nationale, il est urgent que ces valeurs s’appuient sur un fond existant depuis des années et porté par des hommes et femmes qui nous ont précédés. Il revient au pouvoir public de les faire connaitre aux Camerounais, de les élever au rang de héros nationaux, de respecter les dates et les symboles qu’ils ont laissés au soir de leur lutte. C’est ainsi que, comme partout ailleurs, la nation camerounaise se construira autour des symboles, des images des vrais pères fondateurs et surtout des valeurs qu’ils ont défendues.


Charles Ateba Eyene, dors en paix !

Charles Ateba Eyene, homme politique et homme des médias très connu au Cameroun pour ses prises de parole, a quitté ce monde hier, 21 Février 2014 soit 49 ans jour pour jour après Malcolm X. A 42 ans, le fils de Bikoka a tiré sa révérence. Dans le texte qui suit, je lui rends un hommage, lui que j’ai vu pour la dernière fois le 31 octobre dernier lors de la conférence dédicace qu’il animait à l’Alliance Franco-Camerounaise (AFC) de Dschang.

Charles Ateba Eyene lors de l'un de ses passages sur STV. Crédit image: blogs.mediapart.fr
Charles Ateba Eyene lors de l’un de ses passages sur STV. Crédit image: blogs.mediapart.fr

Le fils de Bikoka (village de Charles Ateba Eyene, situé dans la région du Sud- Cameroun) a tiré sa révérence. Je ne partageais pas forcément ses points de vue, ni sa méthode. Mais il était adulé, il était courageux et n’avait peur de rien. Je ne le connaissais pas personnellement, mais comme tous les Camerounais, je le voyais chaque fois sur les plateaux de télévision, je l’écoutais sur les radios comme sa dernière grande apparition sur amplitude FM. J’assistais aux conférences et aux rencontres scientifiques qu’il animait. ça a été le salon du livre de Yaoundé en octobre 2012 puis les conférences dédicaces auxquelles il était invité à Dschang dont la dernière en date est la conférence dédicace de ses ouvrages sur les loges, le mouvement sportif et le Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC), parti au pouvoir, parti auquel il appartenait avant sa mort. Il était d’ailleurs membre suppléant du comité central de ce parti. Comme à l’accoutumée, Charles Ateba Eyene qui ne foulera plus jamais la salle de l’Alliance Franco-Camerounaise de Dschang, a harangué les foules par son discours mais aussi par son énergie débordante. En parfaite communion avec le public de Dschang, il s’est défini comme il aimait le faire comme un « industriel des idées » pour qui le « savoir est un pouvoir ».

Charles Ateba Eyene et le modéraeur Alain Cyr Pangop Kameni lors de la conférence-dédicace à Dschang en octobre dernier. Crédit photo: ulrich Tadajeu.
Charles Ateba Eyene et le modéraeur Alain Cyr Pangop Kameni lors de la conférence-dédicace à Dschang en octobre dernier. Crédit photo: ulrich Tadajeu.
Une foule nombreuse à l'extérieur pour écouter Charles Ateba Eyene lors de sa conférence-dédicace en octobre dernier à Dschang. Crédit photo: Ulrich Tadajeu.
Une foule nombreuse à l’extérieur pour écouter Charles Ateba Eyene lors de sa conférence-dédicace en octobre dernier à Dschang. Crédit photo: Ulrich Tadajeu.

Charles Ateba Eyene n’était peut-être pas mon modèle à moi, mais je dois dire que son courage, son énergie, sa vitalité et son gout pour la lecture ont fait de lui l’un des personnages les plus aimés des Camerounais. Il était pour plusieurs jeunes un modèle. Mais il s’en est allé, alors qu’il était encore jeune. Il a laissé derrière lui une œuvre, il a laissé derrière lui des ouvrages, un combat, le désir d’un idéal qui le rendra atemporel. Mais il a également laissé derrière lui une jeunesse en manque d’espoir, une jeunesse qui le prenait déjà comme le futur président de ce pays, bref, une jeunesse qui reposait tout son espoir en lui. C’est à cette jeunesse là de continuer le travail qu’il a si bien commencé en se souvenant de l’énergie qu’il a déployée dans son combat. Elle doit continuer son combat mais en l’actualisant. Il a également laissé derrière lui une famille biologique, des enfants orphelins de mère depuis quelques années (l’épouse de Charles Ateba Eyene est décédée il y a quelques années maintenant) et maintenant de père, Charles lui-même a tiré sa révérence.

Qui va encore « chuter » avec éloquence sur les plateaux de télévision et de radio?

Que dire d’autres si ce n’est R.I.P! Charles Ateba Eyene, le fils du Cameroun, le fils de Bikoka, dors en paix!


Histoire du Cameroun, le règne du révisionnisme .

C’est désormais officiel. La célébration du « cinquantenaire de la Réunification du Cameroun » aura lieu le 20 Février prochain. C’est ce qui ressort d’un communiqué du cabinet civil de la présidence de la République rendu public hier au journal de 13h sur le poste National de la CRTV.

Le monument de la Réunification à Yaoundé, Cameroun. Crédit image: french.china.org.cn
Le monument de la Réunification à Yaoundé, Cameroun. Crédit image: french.china.org.cn

A peine le communiqué rendu public, comme d’habitude des pluies de remerciements sont déjà tombées pour saluer la « grandeur », la « bonté » de papi Paul Biya « pour tout ce qu’il fait ». Donc, il fait un tas de choses hein!!! Je ne savais pas. Il fait beaucoup de choses comme on le prétend et il prononce un discours comme celui du 31 Décembre dernier pour affirmer à tous ses thuriféraires, de manière officieuse, qu’il ne fait rien. En tout cas, là n’est pas le problème. Buéa a déjà refait sa toilette. S’il n’y avait pas d’électricité avant, désormais il y a des panneaux électriques, si la ville était sale, désormais elle est propre. Si l’eau avait déserté les robinets et les domiciles, désormais l’eau est de retour.

Des jeunes qui remercient le président Paul Biya. Crédit image:dania.mondoblog.org
Des jeunes qui remercient le président Paul Biya. Crédit image:dania.mondoblog.org

Pourquoi? Parce que papa Paul Biya arrive.

Pour faire quoi? Célébrer avec les Camerounais la Réunification des deux Cameroun.

Qui a eu lieu quand? Le 01er Octobre 1961 c’est-à-dire exactement 52 années 4 mois 2 semaines 6 jours. ça veut dire que le cinquantenaire de la « Réunification du Cameroun » sera célébré 2 années 4 mois 2 semaines 6 jours. Je me demande bien ce qu’ils partent célébrer là bas.

En tout cas, ils (les thuriféraires du Régime Biya) vous diront que ce que le « Roi Lion » fait est toujours bien. D’ailleurs Roger Betala, journaliste à la CRTV, a donné le ton ce matin en déclarant au journal de 06h sur le même poste national que « Le président de la République réconcilie le Cameroun, les Camerounais avec leur Histoire. » Vous voyez jusqu’où  peut aller la  bêtise. Un président de la République qui ne prononce jamais les noms des nationalistes camerounais réconcilie les Camerounais avec leur histoire, un président qui fait célébrer le cinquantenaire de la Réunification plus de deux ans après la date effective dudit cinquantenaire « réconcilie le Cameroun et les Camerounais avec leur histoire » hein! Je n’en savais pas.

Un folklore de plus sera célébré. Les Camerounais comme à l’accoutumée diront une fois de plus merci au papi pour ses bienfaits immenses. Mais c’est une célébration qui n’a pas de sens à notre avis. Elle rentre dans l’esprit révisionniste du régime en place qui a tout intérêt à effacer ce passé de la mémoire. Effacer par la mise à l’écart des nationalistes. On parle d’eux sans prononcer leurs noms.

Lors du dernier message adressé à la jeunesse le 11 Février 2014, le chef de l’Etat est allé dans ce sens lorsqu’à la fin de son discours, annonçant la célébration du cinquantenaire de la Réunification du Cameroun, il a parlé des nationalistes en utilisant, non pas leurs noms, mais les termes suivants: « ceux », « Beaucoup » et « ceux ». On pourrait se demander s’ils n’avaient pas de noms. Une telle mise sous anonymat est-elle gratuite? Est-elle le reflet d’un homme qui a, à cœur, de « réconcilier le Cameroun avec son histoire? »

Vivement que papi Paul Biya réussisse enfin à sortir le nom des nationalistes camerounais de sa bouche! Et même s’il le fait, ça n’enlèvera rien sur l’esprit révisionniste, le silence complice qui entoure le nom et la mémoire des héros nationalistes camerounais. Il s’agit, entre autres, des grandes figures comme Ruben Um Nyobe, Felix Roland Moumié, Ernest Ouandié, qui ont versé leur sang pour poser les fondements de notre nation.


Papi Paul Biya, reste!

Quelques jours après son message à la jeunesse, Paul Biya, le président du Cameroun a célébré ses 81 ans donc 31 années passées au pouvoir. Je rédige ce texte pour m’insurger contre certaines pratiques courantes au Cameroun.

Papi Paul Biya a célébré ses 81 ans hier donc près de 50 ans aux hautes fonctions. C’est clair que pour ses griots et ses créatures, il est toujours lucide et jeune, d’ailleurs certains estiment que c’est lui le premier jeune, mais un jeune sage qui a pris la « condition camerounaise excepté le vol ».  Il est sur cette photo avec son épouse, qui est née en 1971 et a 43 ans c’est-à-dire 38 ans de moins que son cher et tendre époux. C’est juste un constat pour parvenir à la conclusion selon laquelle, notre président nous apprend au moins que « l’amour n’a pas d’âge ».

Paul Biya et son épouse Chantal Biya lors de la célébration hier de son 81ème anniversaire. Crédit image: prc.cm
Paul Biya et son épouse Chantal Biya lors de la célébration hier de son 81e anniversaire. Crédit image: prc.cm

En tout cas, le papi, laisse les « kankan camerounais » que tu as qualifiés d »‘apprentis sorciers » dire ce qu’ils veulent. Fais quoi fais quoi, le Cameroun sera émergent et tu seras devant. Même sans lumière, ni électricité, toi, le « grand inspirateur », le « grand timonier », le « plus sage », le « seul Camerounais qui sort du lot », du haut de ton trône, on se souviendra éternellement de toi comme de celui qui a tout apporté au Cameroun sauf le vol. Parce qu’en fait, tu es à l’origine de tous nos biens, mais ce sont ceux qui t’entourent qui sont à l’origine des maux du Cameroun.
« Grand sage », « grand timonier », « chef des chefs », « créateur des créatures comme Jacques Fame N’dongo », continue et finis, ne t’arrête pas si tu n’as pas fini ton œuvre « salutaire », celle d’offrir la prospérité aux Camerounais qui te la quémandent au quotidien. Je suis sûr que dans quelques jours, tu diras encore que les choses bougent, nous sommes sur le chemin, le train de l’émergence est en route.

Le président Paul Biya devant son gâteau d'anniversaire. Crédit image: prc.cm
Le président Paul Biya devant son gâteau d’anniversaire. Crédit image: prc.cm

Bref, que les choses avancent et tant pis pour les « adeptes de la péroraison creuse », les « myopes », tous ces « apprentis sorciers » et tu concluras en nous donnant une fois de plus « rendez-vous dans 20 ans ». Papi Paul Biya, reste au pouvoir, tu y es destiné. Que feront tes créatures sans le créateur que tu es ?  S’il te plaît, reste encore au pouvoir au moins pour nous apprendre que l’Amour n’a pas d’âge.

Je te prie, cher papi-président ou président-papi, c’est comme tu voudras, de méditer ces quelques phrases du philosophe français Alain:

Tout pouvoir est méchant dès qu’on le laisse faire ; tout pouvoir est sage dès qu’il se sent jugé… Tous les maux viennent peut-être de ce que le citoyen, comparant l’épaisse et lourde force publique à l’impalpable jugement de l’opinion, dit et croit qu’on ne peut rien que par des mouvements catastrophiques… Ce pessimisme finit par avoir raison, car il engendre les maux qu’il craint.


Cameroun: le Cinquantenaire de la Réunification ne peut pas être célébré 53 ans après.

Depuis plus de trois ans, le Cameroun prépare la célébration d’un évènement. Il s’agit du cinquantenaire de la Réunification de ce pays. En effet, le pays de Samuel Eto’o a connu une triple administration « coloniale ». Le protectorat Allemand qui est allé de 1884 à 1916, le mandat puis la tutelle Franco-Britannique qui sont allés de la fin de la première guerre mondiale à 1960 et 1961, dates successives de l’indépendance du Cameroun sous administration française et de la séparation du southern Cameroon d’avec le Nigeria. Cette séparation est aussi l’occasion pour les deux Cameroun de se réunir comme à la période allemande pour envisager leur destin communément.

Le monument de la Réunification à Yaoundé, Cameroun. Crédit image: french.china.org.cn
Le monument de la Réunification à Yaoundé, Cameroun. Crédit image: french.china.org.cn

A la suite d’un long processus (discussions, plaidoiries aux Nations Unies, conférences juridiques…), le Cameroun obtient finalement son indépendance le 1er Janvier 1960 et la Réunification le 1er Octobre 1961. Même si ceux qui proclament l’indépendance et la Réunification ne sont pas les réels combattants pour ces idéaux, nous devons affirmer que plus de 50 ans après, c’est un révisionnisme qui plane sur l’histoire du Cameroun. Célébrer le cinquantenaire de la réunification plus de trois ans après la date effective rend cette célébration plus folklorique que symbolique et intéressante. Plusieurs fois annoncées et reportées, on ne sait plus s’il aura lieu un jour. Et même s’il est célébré, ce sera tout sauf le cinquantenaire de la Réunification des deux Cameroun.

Logo du Cinquantenaire de l'Indépendance et de la Réunification du Cameroun. Crédit image: rjcpatriote.centerblog.net
Logo du Cinquantenaire de l’Indépendance et de la Réunification du Cameroun. Crédit image: rjcpatriote.centerblog.net

C’est tout de même curieux que dans un pays comme le nôtre, on badine avec la symbolique des dates et que dans le même temps, il est demandé aux Camerounais d’être patriotiques. Quoiqu’on fasse et même si on vous offre des cadeaux au centuple, lorsque la date de votre anniversaire est passée, elle est passée. Ce qu’on célèbrera après sera tout sauf votre anniversaire. Pourquoi parler des cinquantenaires de l’indépendance et de la Réunification alors que ce n’est que le cinquantenaire de l’indépendance qui est célébré? Concernant cette indépendance, sa célébration pose d’ailleurs un problème fondamental au Cameroun. Il a été célébré officiellement et en grandes pompes le 20 Mai 2010. A cette occasion, une conférence panafricaine dénommée Africa 21 avait été organisée au mois de mai pour réfléchir sur les cinquantenaires de l’Afrique sur le thème: « L’Afrique, une chance pour le monde : réalités et défis ».

Mais comme certains Camerounais et Africains le savent, le Cameroun n’a pas été indépendant le 20 Mai mais plutôt le 01er Janvier 1960. Au lieu de rendre cette date plus mythique, nos dirigeants ont célébré autre chose que le cinquantenaire de l’indépendance. Dans ce sens, il est à noter que les 01er Janvier sont des dates ordinaires au Cameroun. Rien n’est fait de manière symbolique pour manifester l’anniversaire de l’indépendance de ce pays. Il passe la plupart du temps inaperçu. Pourquoi ce révisionnisme dans la gestion publique de l’histoire de notre pays? Pourquoi ne pas respecter les dates telles qu’elles sont?  De toutes les façons, attendons de voir le jour où sera célébré ce folklore. A la sortie du bureau de vote de l’école publique de Bastos lors des élections législatives et Municipales de septembre 2013, le président de la République avait dit, au sujet de la célébration du cinquantenaire de la Réunification, que:

je pense que avant la fin de l’année nous serons là pour célébrer le cinquantenaire de notre Réunification.

La fin d’année 2013 est passée, le cinquantenaire de la Réunification n’a pas encore été célébrée. Sérieusement, qu’est-ce qu’ils iront célébrer à Buéa? Le Folklore en guise de cinquantenaire de la Réunification certainement. Car le cinquantenaire ne peut pas être célébré 53 ans après.


Paul Biya brillera encore par son absence au sommet de l’Union africaine

J’ai écouté le journal de 06h ce matin sur la Radio nationale du Cameroun, la CRTV. Le journaliste, Blaise Testelin Nana, a donné une information qui est devenue traditionnelle dans notre pays:

le chef de l’Etat Paul Biya sera représenté à ces travaux (sommet de l’Union Africaine (UA) à Addis-Abeba les 30 et 31 Janvier prochain) par le ministre des relations extérieures Pierre Moukoko Mbonjo.

Eh oui! L’Union Africaine tient son 22ème sommet du jeudi 30 au vendredi 31 Janvier prochain c’est à dire à partir de demain. Et comme d’habitude, le président du Cameroun, Paul Biya, se fait remarquer par son absence. Or ce n’est pas un moindre sommet. Le thème est assez éloquent et d’actualité lorsqu’on connait le chemin que l’Afrique a à faire. Il s’agit de « Agriculture et sécuritaire alimentaire ». C’est un sommet d’une importance capitale quant on sait que le Cameroun importe encore beaucoup de denrées alimentaires de l’extérieur. En plus, le contexte africain marqué par les crises aux portes du Cameroun (République centrafricaine) et au Mali devraient permettre au chef de l’État de briller par sa présence et de mettre en valeur son « leadership ».  Au lieu de ça, il envoie le ministre des relations extérieures.

Paul Biya, President of the Republic of Cameroon, addresses the general debate of the sixty-fourth session of the General Assembly.25/Sep/2009. United Nations, New York. UN Photo/Marco Castro. www.unmultimedia.org/photo/
Paul Biya, President of the Republic of Cameroon, addresses the general debate of the sixty-fourth session of the General Assembly.
25/Sep/2009. United Nations, New York. UN Photo/Marco Castro. www.unmultimedia.org/photo/

Comme il avait déjà fait lors des obsèques de Nelson Mandela. En effet, le ministre des relations extérieures Pierre Moukoko Mbonjo avait également représenté le chef de l’Etat le 10 Décembre dernier à Soweto lors des obsèques rendus par la planète entière à Nelson Mandela. Plus de 90 chefs d’Etat étaient présents. Celui du Cameroun a trouvé mieux d’envoyer un représentant. C’est vrai que c’était une présence symbolique sans enjeux particuliers. Quelques temps après, au plus fort de la crise en Centrafrique, le président du Cameroun a encore snobé ses pairs de la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale (CEEAC) le 09 Janvier dernier lors du sommet sur la crise en Centrafrique. Il y était question de:

réfléchir sur les voies de sortie de la crise qui ébranle la République centrafricaine depuis le coup d’Etat perpétré par les rebelles de la Séléka conduits par Michel Djotodia.

Quelques semaines plus tard, alors que la présidente de transition du même pays, Cathérine Samba Panza prêtait serment, le chef de l’Etat camerounais s’est une fois de plus fait représenté par le premier ministre, Philémon Yang. C’est une absence remarquée qu’on observe de plus en plus.

Certains diront peut-être que c’est le premier ministre, c’est le ministre de des relations extérieures et donc c’est toujours le Cameroun. Mais ils se trompent car la diplomatie personnelle compte en ces temps de mondialisation. Lorsque le chef de l’Etat est absent, on ne peut pas considérer les points de vue de ses représentants au même titre que les siens. Aussi, compte tenu des enjeux de telles rencontres, des objectifs du Cameroun de se positionner en tant que leader politique et économique de la sous-région Afrique Centrale, il est important pour notre président d’être souvent présent et de faire entendre la voix du Cameroun à ces sommets. D’autres personnes diront qu’il est fatigué (à cause de ses 81 ans donc 30 ans au pouvoir et plus de 50 ans dans la haute administration)  mais pourquoi dès que la France convoque un sommet, il court pour assister?  Dès qu’il est invité en Europe, il répond rapidement à l’invitation. Il y a dissonance.

Nous vivons une époque où il faut être rapide, compétitif mais également prendre les devant de la scène et les initiatives pour évoluer. Pendant que le président camerounais envoie des représentants, ses homologues du Gabon, du Tchad, du Congo… se déplacent pour faire entendre la voix de leur pays à cette rencontre. Pour être leader d’une sous-région, il ne faut pas seulement s’enorgueillir des atouts naturels que nous possédons. Mais il faut surtout poser des actions, prendre des initiatives, être au devant de scène. Dans l’optique de traduire ces atouts naturels (populations, position, superficie…) en réels facteurs de leadership dans la sous-région, il est nécessaire que Paul Biya soit  plus absent et concerné par les questions africaines.


Eric Mathias Owona Nguini a pris la bonne décision

Eric Mathias Owona Nguini est un politologue camerounais très médiatisé et qualifié par certains d’anti-système. Il se fait remarquer chaque fois sur les plateaux par ses critiques acerbes et ses analyses pertinentes sur le régime camerounais.

Eric Mathias Owona Nguini.  © CIN Archives
Eric Mathias Owona Nguini. © CIN Archives

Né en 1969, cet universitaire a encore frappé fort en refusant de faire partie du comité de normalisation. L’enseignant a envoyé une lettre à la ministre de la Culture camerounaise, Ama Tutu Mun, pour lui faire part de sa décision.

« Je viens auprès de vous solliciter votre compréhension au sujet de ma nomination au sein du Comité de normalisation dont vous avez désigné les membres en date du 21 janvier 2014. Je vous écris pour décliner ma nomination. »
Il faut dire que depuis l’invalidation de l’élection de Ndedi Eyango au poste de président du conseil d’administration de la Socam (Société civile camerounaise de l’art musical),  la ministre a certainement vu en Eric Mathias Owona Nguini une figure apte pour redresser cette structure très controversée.
 Eric Mathias Owona Nguini a décliné l’offre comme il l’avait déjà fait en 2011 lorsqu’il avait été courtisé pour être nommé à Elections Cameroons (ELECAM), l’organe chargé de l’organisation des élections au Cameroun. Il avait cette fois décliné la nomination avant qu’elle ne soit officielle et rendue publique.
Lorsqu’on écoute Owona Nguini dans les émissions et conférences, il ressort que sa réticence à l’endroit de ces postes s’explique par une analyse profonde de la situation politique du Cameroun. De cette analyse, il estime que le système est pourri. L’état avancé de dégradation de ce système fait qu’il est impossible pour un individu de flirter avec lui sans se faire détruire. Et si ça arrive, les mêmes qui vous ont nommé ainsi que les thuriféraires du pouvoir ne cesseront de vous dire que « tu parles aujourd’hui, tu étais là hier qu’est ce que tu as fait ? »,  « toi aussi tu mangeais, n’est-ce pas? »… Ce style de nomination s’apparente plus à un piège pour fermer la bouche de ceux qui, selon le régime, parlent un peu trop.
Je salue ces gestes de Eric Mathias Owona Nguini parce qu’ils montrent qu’il sera difficile pour un individu de changer ce pays. Car le système est vraiment pourri, et si tu y participes il t’avale avant que tu ne réalises. Ce refus du politologue  peut servir d’exemple et inspirer une jeunesse s qui parfois renie ses principes au profit d’avantages matériels et financiers. En ce sens, Eric Mathias Owona Nguini a pris une bonne décision en déclinant la nomination de la ministre de la Culture.


Boire pour noyer les soucis ou pour se noyer?

Un collègue mondoblogueur a rédigé un billet hier pour présenter la situation des jeunes à Haïti. Parmi les tares qu’il a citées, j’ai remarqué un « ‘excès d’alcool ». J’ai commenté son billet en lui disant qu’il y a une  grande similitude entre les faits décrits et les réalités de la jeunesse camerounaise. Quelques heures après avoir lu son texte, je me promène à l’entrée du campus de l’Université de Dschang. Qu’est ce que je vois? Une table de bière. C’est chaque fois la même chose. Des jeunes pour la plupart étudiants qui ont choisi d’avoir pour compagnon de route, jour comme nuit, l’alcool. Ils se brossent les dents, déjeunent, dinent avec l’alcool. Toutes leurs ressources financières s’en vont.

Dans le même temps, ces jeunes déclarent partout qu’ils n’ont pas l’argent pour faire les photocopies, pour acheter un livre. Bref pour s’offrir le savoir. Je me demande bien si c’est de cette manière que nos Etats avanceront. Ils en veulent au monde entier de ne pas les aimer. Ils disent que la France les a pillés, ils envient la Chine et autres pays. Alors que, pendant qu’ils sont entrain de « couper une », les jeunes de ces pays respectifs développent des stratégies d’invention et de création.

Des bouteilles de bière sur une table que nous avons filmées en fin de soirée ce jour à l'entrée du campus de l'Université de Dschang. Crédit image: ulrich Tadajeu
Des bouteilles de bière sur une table que nous avons filmées en fin de soirée ce jour à l’entrée du campus de l’Université de Dschang. Crédit image: ulrich Tadajeu

Cette triste réalité est devenue tellement récurrente dans les villes camerounaises. Le pire est que dans le même temps, toutes les bibliothèques et maisons de culture sont transformées en débit de boisson, snack-bar…pour permettre aux jeunes de se noyer et non de  noyer leur souci comme ils le disent souvent

La même table complétée par d'autres gouts de bière. Crédit image: Ulrich Tadajeu
La même table complétée par d’autres gouts de bière. Crédit image: Ulrich Tadajeu

Le développement de l’Afrique se fera avec des jeunes lucides, des jeunes dynamiques, des jeunes compétents, des « Prométhée ». Or, ils ne peuvent être des créateurs et inventeurs de civilisation que s’ils vont comme Prométhée chercher la science et le savoir . Ce savoir peut se trouver partout sauf dans l’alcool. Que les jeunes cessent de dire qu’ils noient les soucis. Car ils se disent qu’il noient les soucis alors qu’ils se noient eux-mêmes. Et par la suite, ils noient le Cameroun entier qui a besoin de leur dynamisme, de leur lucidité et de leur santé.

 


L’identité africaine post-coloniale est une construction faite de retour sur soi et de rencontre avec l’étranger.

Je présente dans ce billet le compte rendu de la conférence qui s’est tenue jeudi 16 Janvier 2014 à l’Alliance Franco-Camerounaise (AFC) de Dschang sur le thèmes: « l’identité africaine post-coloniale ».

La conférence sur le thème “l’identité africaine post-coloniale” s’est tenue hier à la sale Manu Dibango de l’Alliance Franco-Camerounaise (AFC) de Dschang. Le panel était constitué ainsi qu’il suit : d’un côté, l’historien de formation et doctorant en science politique à l’Université de Paris 1 Panthéon Sorbonne, Yves Mintoogue ; de l’autre côté Moïse Nkohgue Balog, Kamitologue, étudiant en Master en Anthropologie et Histoire à l’Université de Douala au Cameroun. Les échanges étaient coordonnés par Ulrich Tadajeu Kenfack, étudiant en Histoire et Blogueur. Après le propos introductif de ce denier qui a consisté à présenter les motivations du choix d’un tel sujet (l’histoire africaine faite de rencontre avec l’occident, crises identitaires en Afrique, le phénomène de la mondialisation…), il a présenté le parcours et les activités des deux intervenants ainsi que les critères qui ont prévalu à les choisir comme intervenants. Et a fini en définissant les concepts clé.

De gauche à droite Yves Mintogue, Ulrich Tadajeu et Nkohgue Balog. Crédit image: Marius Fonkou.
De gauche à droite Yves Mintogue, Ulrich Tadajeu et Nkohgue Balog. Crédit image: Marius Fonkou.

Le premier intervenant Yves Mintoogue a organisé son propos liminaire autour de deux axes majeurs. Dans un premier temps, il a tenu à évoquer le contexte dans lequel se déploie cette question pour qu’on puisse saisir ses enjeux ainsi que les raisons pour lesquelles cette question crée autant la polémique. Selon Yves Mintoogue, c’est l’expérience de la rencontre qui s’est suivie de la négation  de l’Africain par les autres qui rend cette question intéressante et parfois même polémique. Mais il faudrait apporter des réponses puissent être efficaces pour la marche des Africains vers le développement. Il y a donc une exigence éthique à cette question qui est celle de savoir comment reprendre notre destin en main, comment reprendre le contrôle de notre histoire et de notre destin.

Il a, dans un second temps, parlé du caractère dynamique de l’identité africaine post-coloniale. Un dynamisme qui ne date pas d’aujourd’hui mais des siècles avant nous. A travers une approche pluridisciplinaire, il a parlé de l’identité africaine comme un phénomène dynamique et ambivalent qui s’est construit au cours du temps. Car l’histoire africaine et surtout l’histoire pré-coloniale africaine est faite de mobilités, d’itinérances, de migrations, de rencontres, de chocs et même de mariage. En ce sens, le doctorant en science politique estime qu’il est impossible d’enfermer, de figer l’identité africaine dans un carcan sous le prétexte d’une certaine authenticité africaine.

L'assistance très attentive aux propos des conférenciers. Crédit image: Marius Fonkou.
L’assistance très attentive aux propos des conférenciers. Crédit image: Marius Fonkou.

Le deuxième intervenant, Kohngue Balog a lui aussi organisé son propos autour de deux axes. Le thème de sa communication a été « mécanismes de construction de l’identité africaine et plaidoyer pour un retour aux sources ». A travers une approche linguistique et anthropo-sociologique, il a démontré que la construction de l’identité africaine jusqu’ici est un leurre, une aliénation. Il a dans un premier temps analysé les noms qui désignent ou qualifient l’Afrique. C’est le cas de « Africain » qui est pour sa part un terme utilisé pour la première fois par Cicéron  dans De republica liber primus . Ce terme est celui utilisé pour qualifier un général romain. Dire qu’on est africain, selon Moise Balog, signifie accepter qu’on est descendant de ce général romain. C’était également un nom utilisé pour humilier les cathaginois vaincus lors des guerres puniques. Ensuite, les termes désignant l’Africain à savoir « Noir », « Nègre » sont des termes péjoratifs qui sont utilisés pour désigner quelque chose de « mauvais », de « malheureux », de « sombre »…Bref, ce sont des constructions étrangères qui marquent bien, selon le Kamitologue, que l’identité africaine est le fruit des fantasmes de l’autre à l’égard du sujet africain. Cette réalité s’observe également au niveau des noms des pays africains. « Cameroun » qui vient de « Camaroes » c’est-à-dire crevette pour le Cameroun. Un nom qui est le fruit de l’émerveillement des portugais. Il a dans ce sens cité d’autres pays Africains comme la Côte d’Ivoire en référence à l’ivoire d’éléphant. Mais il a fait remarquer que certains pays africains sous la houlette de leurs leaders ont donné un autre nom à leur pays. C’est le cas de la haute-Volta qui a été rebaptisée en Burkina-Faso c’est-à-dire Pays des Hommes intègres par Thomas Sankara.

Dans un second temps, il a montré comment certaines institutions de socialisation avaient et continuent de participer à l’aliénation de cette identité. Il s’agit de l’école et de la religion. A travers l’école, les occidentaux ont, selon Balog, formé, conformé et déformé les Africains en faisant d’eux de simples collaborateurs. Ces Africains sont devenus une élite dont la pensée est désormais contrôlée et l’identité embrigadée. Ce contrôle de la pensée se fait également à travers la religion chrétienne qui, depuis la malédiction de Cham dans la bible, fait référence au noir comme un être maudit.

Il est urgent de repenser l’identité africaine loin des schémas qu’il a déroulés et qui sont construits depuis bien longtemps. Les Africains doivent revenir à leur source et non pas se replier sur eux. Car, l’identité africaine n’est pas une identité figée encore moins fermée. C’est une identité qui s’est construite au cours d’une histoire marqué par des rencontres, des itinérances et des chocs. Elle est comme Achille Mbembe le dit le fruit d’un double processus de dispersion et d’immersion. Il poursuit dans son article sur l’Afropolitanisme en disant:

Au demeurant, notre manière d’être au monde, notre façon « d’être-monde », d’habiter le monde – tout cela s’est toujours effectué sous le signe sinon du métissage culturel, du moins de l’imbrication des mondes, dans une lente et parfois incohérente danse avec des signes que nous n’avons guère eu le loisir de choisir librement, mais que nous sommes parvenus, tant bien que mal, à domestiquer et à mettre à notre service.
Les questions qu’il convient désormais de se poser sont celles de savoir: comment s’approprier ce double héritage constitué de l’ici et de l’ailleurs afin d’en faire quelque chose de particulièrement neuf? Comment s’approprier ce métissage culturel?