Ulrich Tadajeu

Grand Bassam 1949 : les femmes ont marché pour la libération des hommes

Monument des femmes battantes de Grand Bassam. Crédit image: Ulrich Tadajeu
Monument des femmes battantes de Grand Bassam. Crédit image: Ulrich Tadajeu

La commune de Grand-Bassam, située à 40 km à l’est d’Abidjan, me berce depuis six jours. C’est la formation Mondoblog qui m’y amène. Avant d’arriver, je me suis renseigné sur la spécificité de cette ville. C’est une ville historique. Sa proximité avec l’océan Atlantique, mais surtout son importance historique lui ont permis d’abriter un important patrimoine culturel et artistique. J’ai fait un petit tour dans la ville pour découvrir ce patrimoine. A ma grande surprise, ce que j’étais curieux de voir a connu quelques modifications. J’ai été marqué par la place centrale « place de la paix » où les femmes ont joué un rôle important dans l’histoire de la ville.

Un monument est dédié à la marche des femmes du 24 décembre 1949. A la suite de l’incarcération de leurs époux la même année, elles décidèrent de marcher sur Grand Bassam pour obtenir leur libération et pour se soulever contre le colonialisme. Le 24 décembre 1949, elles se sont dirigées sur Grand Bassam en empruntant l’actuel pont de la victoire. Elles avaient pour objectif de rallier la prison civile située à quelques mètres à l’est de ce pont. Malheureusement, elles ont été arrêtées par les autorités coloniales, puis brutalisées avant d’être tuées. Leurs époux n’ont pas été libérés, certes, mais le courage de ces femmes est à saluer. En mémoire de cet événement tragique, le pont de la victoire a été construit pour saluer leur soulèvement.

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Pont de la victoire sur lequel ont marché, les femmes battantes en 1949 pour demander la libération de leurs époux. Crédit image: Ulrich Tadajeu
Plaque indiquant la présence du pont de la victoire. Crédit image: Ulrich Tadajeu
Plaque indiquant la présence du pont de la victoire. Crédit image: Ulrich Tadajeu

A la différence de ce que l’on pense souvent, les femmes ont joué un rôle important dans le processus de libération des peuples africains. Ces actions que nous avons découvertes ici à Grand Bassam ne sont pas éloignées de celles des femmes militantes de l’Union des populations du Cameroun (UPC) au Cameroun.

Certes la femme ne sera jamais l’homme, l’homme ne sera jamais la femme. Mais pour participer de manière efficiente et efficace à l’évolution des sociétés africaines actuelles, les femmes africaines doivent s’inspirer de ces modèles.

A bientôt, depuis Abidjan!


L’air m’a baptisé

Le monde vu de la fenêtre d'avion. Crédit image: Ulrich Tadajeu
Le monde vu de la fenêtre d’avion. Crédit image: Ulrich Tadajeu

Je suis à Abidjan depuis hier. Bien sûr, je n’y suis pas arrivé par route. J’ai pris le vol. Ouf ! Enfin, je prends le vol. Enfin, j’entre dans l’avion après toutes les procédures qu’on fait à l’aéroport, on monte, on descend…Je suis sorti de mon Cameroun natal pour un ailleurs, un autre pays situé en Afrique de l’Ouest : « Le pays des éléphants ». Malgré les ressemblances avec Douala, Yaoundé ou encore Kribi, j’y décèle déjà quelques différences. J’y reviendrai. J’ai pu contempler le monde vu de l’air, vu de l’infini. C’est la chose marquante de mon baptême de l’air. Découvrir le monde, les villes à partir du haut. Voir la totalité, la globalité à l’infini. Jusque-là, je l’avais fait à partir de la terre. C’est-à-dire de façon rapprochée et particulière. J’ai pu me rendre compte à quel point le monde est non seulement infini, intéressant, mais que l’homme est une mouche dans cet infini. 

En fait, tout ce que l’homme invente pour dompter la nature et le monde, c’est par complexe. Il veut juste montrer qu’il peut faire quelque chose. Généralement, je me dis qu’après les nuages, il n’y a plus rien. Parfois, je confonds les nuages et le ciel. C’est vrai que la géographie aurait dû résoudre le problème. Mais faire l’expérience de cette différence a mieux résolu l’équation que la géographie. Je me suis dit que, mais il ne faut pas qu’à des milliers de kilomètres de la terre, quelque chose se passe. Bref, parfois on est inquiet. Parfois, on est ébahi. On se demande, mais comment l’homme a pu imaginer ça ? Comment a-t-il imaginé qu’il pouvait dompter les airs à travers cet appareil qu’est l’avion ? Comment ? Comment… Comment ces hommes et femmes quittent de chez elles (eux) et viennent travailler à des lieux inconnus ? Je parle des hôtesses et des hôtes. Elles (ils) font un travail courageux et énorme.

De toutes les façons, l’avion c’est l’avion. Comme je le disais en quittant le pays, il reste un moyen de locomotion de prestige parce qu’il transporte les gens sur des distances très longues, parce qu’il coûte cher. Mais surtout, c’est mon point de vue, parce qu’il est différent. Que ce soit côté propreté, côté service des hôtes et hôtesses et côté ponctualité. L’avion est propre, pas de saleté. Les hôtes et les hôtesses sont accueillants, serviables, disponibles et toujours souriants. L’avion quitte à l’heure qui est prévue sur le billet peu importe s’il est plein ou pas. Dans notre itinéraire par exemple, arrivés à Lagos au Nigeria, plusieurs passagers sont descendus et nous avons continué le vol à destination d’Abidjan moins de la moitié de l’avion. Ce sont des indices de grandeur. C’est dans cette grandeur-là qu’on appelle avion, cet engin capable de me propulser tellement haut et de me faire redescendre tellement bas que j’ai été baptisé en venant à Abidjan. L’avion m’a baptisé et c’était très intéressant.

NB: #MondoblogAbidjan c’est le hashtag sur Twitter qui permet de me traquer toute la semaine qui arrive.

 


#MondoblogAbidjan : impatient d’y être

Photo de classe Dakar 2013 par Elliot Lepers
Photo de classe Dakar 2013 par Elliot Lepers

Ce n’est plus un secret de polychinelle. Le lieu est connu ainsi que les 67 blogueurs qui prendront part à la formation Mondoblog 2014. Cette année, les blogueurs de la plateforme ainsi que l’équipe de l’Atelier des Médias ainsi que ses partenaires prendront leurs quartiers dans la capitale ivoirienne Abidjan, plus précisément à Grand Bassam. En plus des blogueurs de la saison 2014, des ainés des deux premières saisons seront également présents. Il sera question de la formation des recrues aux outils du web et de l’écriture en ligne. Après plus d’un mois d’intenses discussions avec les coachs sur les modalités et les formalités de déplacement, le Jour-J se rapproche de plus en plus. 

Me déplacer en avion pour la première fois

Je suis impatient de me déplacer en avion pour la toute première fois. Ce moyen de transport souvent considéré comme élitiste dans mon pays est sujet à de nombreuses convoitises. C’est une ascension normale. Après le vélo, la moto, la voiture, le train, je m’apprête à faire mon baptême de feu dans les airs. Depuis, je n’ai vu que des gens se déplacer à travers ce moyens de transport. Lorsque vous dites à quelqu’un dans la rue que vous allez emprunter l’avion ou alors que vous avez voyagé en avion, vous êtes considéré comme un « Blanc » parce qu’ici, malheureusement, une partie de l’opinion se dit encore que Blanc et figure de la réussite ne font qu’un : un leg colonial sans doute. Le voyageur est sujet à multiples sollicitations et voire convoitise, parfois il se fait même appelé « grand » par des plus grands. Grâce à l’avion, j’observerai l’espace vu de haut, via les airs. Ceci à la différence des observations vues de terre comme c’est le cas jusqu’à présent. Je suis impatient de l’emprunter parce que grâce à lui, j’atteindrai  un autre objectif : découvrir un pays africain autre que le mien.

Faire l’expérience du dehors

Depuis que je suis né au début de la décennie 1990 en effet, j’ai vécu, grandi et fréquenté au Cameroun. Je continue d’ailleurs mes études post-licence dans ce pays. Je connais quelques lieux de ce pays dont le nom est le fruit de l’exclamation des portugais. Mais, je n’en suis jamais sorti. Je n’ai jamais fait l’expérience du dehors si ce n’est à travers internet et les réseaux sociaux. Ce sera à ce niveau un baptême de feu également. Découvrir un pays africain, et pas des moindre, la Cote d’Ivoire. Le pays des éléphants, le pays de Felix Houphouet Boigny, Laurent Gbagbo, le pays de Didier Drogba, de Yaya Touré mais aussi de Pierre Kipré, de Francis Ankidès et du grand Venance Konan, le pays du Cacao. C’est aussi le pays de Cyriac Gbogou, de Jean Patrick Ehouman ; de Douk Saga, de DJ Arafat, de DJ Kaloudji. C’est un des pays leaders de la CEDEAO. Mais, c’est aussi le pays qui a sombré dans un conflit sanglant après l’élection présidentielle de 2010. C’est dans ce pays tantôt joyeux, tantôt triste, situé en Afrique de l’ouest que je suis appelé à déposer mes valises pour quelques jours. Plus besoin de dire que c’est grâce à Mondoblog. C’est d’ailleurs de cette communauté de jeunes blogueurs que découle ma troisième raison d’être impatient.

Une expérience magique

Pendant 10 jours, plus de 67 personnes de plus de 7 nationalités vivant sur 4 continents et ayant une passion pour le web vont partager la vie ensemble autour de ce qui leurs est commun mais aussi de leurs différences respectives. C’est en ceci que #MondoblogAbidjan s’annonce magique pour moi. Jamais je n’ai eu à rencontrer autant de jeunes de différentes nationalités, de différentes cultures et habitudes mais ayant en commun d’autres choses parmi lesquelles la passion pour le web. J’ai eu à discuter, à collaborer avec plusieurs de ces blogueurs. Nous nous lisons, commentons les contenus. Mais la rencontre sera davantage magique et lèvera le voile sur les préjugés.

Je suis impatient de faire communauté avec cette diversité créatrice, avec ces jeunes talentueux. Même s’ils sont nombreux, des noms se détachent du lot. D’abord, les grands frères Cyriac Gbohou de la Cote D’Ivoire et David Kpelly du Togo mais vivant au Mali. J’entendais parler de Cyriac Gbohou depuis bien longtemps mais c’est le message qu’il nous a adressé après les résultats de sélection de la promotion 2014 des mondoblogueurs qui m’a beaucoup marqué et a suscité un intérêt pour lui. Il y’a eu par la suite #MapauseDigitale en Fevrier dernier à Douala. Il intervenait en direct de l’Afrique du Sud et n’a pas hésité à donner des conseils aux blogueurs camerounais. David Kpelly sera avec nous. Ce grand frère m’a beaucoup encouragé à participer aux concours mondoblog. Malgré un premier échec et, avec ses encouragements toujours renouvelés, la seconde fois a été la bonne. Et je suis impatient de le rencontrer pour lui dire « grand frère, tes encouragements m’ont aidé et je suis ici avec toi ». Je suis également impatient de rencontrer Aph Tahl Cissé, l’ami togolais qui fait raisonner le bruit du silence et Babeth, la femme aux humeurs nègres avec qui j’ai collaboré dans le cadre de billets collectifs. Je reste convaincu que nos échanges avec Serge Katembera, l’homme derrière carioca Plus seront fructueux parce qu’au-delà de bloguer, nous semblons avoir un goût commun pour la recherche, pour les sciences sociales. Enfin, bien sûr les coachs, nos « Mourinho » qui sont chaque jour disponibles pour nos soucis techniques. Ziad maalouf, Simon Decreuze, Manon Mella et Raphaelle Constant.  Je suis impatient de conjuguer ma vie avec cette pluralité d’individus pendant quelques jours et pour le restant de la vie.

Mais en attendant qu’on y soit, je dois boucler mes exercices. Seuls les connaisseurs suivent mon regard !


Venez un peu au pays !

La diaspora camerounaise en compagnie du président Paul Biya. Crédit image: https://journal.rdpcpdm.cm/
La diaspora camerounaise en compagnie du président Paul Biya. Crédit image: https://journal.rdpcpdm.cm/

Depuis quelques temps, j’entends des Camerounais de la diaspora se plaindre et dire que les Camerounais ne parlent de leur pays qu’en mal. Ils passent le temps à dénigrer ce pays alors qu’il n’est pas si mauvais. Ainsi, en regardant des vidéos d’une jeune dame vivant aux Etats-Unis on a pu entendre un « ça suffit ! ». D’autres en France, aux Etats-Unis, bref en Occident estiment que si le Cameroun est ce qu’il est, c’est à cause de la France. Le comble est qu’ils disent qu’il faut se battre pour changer les choses, leur fond de commerce est ce discours, mais ils ne rentrent pas pour mener le combat et tourner le dos à cet Occident machiavélique. 

J’invite ces Camerounais au pays pour quelques mois afin qu’ils découvrent la réalité du pays. Déjà qu’ils ne pourront pas vivre pendant plus d’une semaine dans la mesure où il n’y aura pas d’électricité, pas d’eau. Tout ce qu’ils écouteront à la télévision tournera autour du président Biya, de sa beauté, de sa bonté, de sa toute-puissance. Bref, du griotisme. Tandis que les populations souffrent, les vassaux du chef central, papi président, n’auront de distractions que de célébrer leur « créateur ineffable ». Quand ils arriveront, ils seront surpris que pour une petite maladie, ils peuvent perdre la vie à cause d’un plateau technique sanitaire défaillant. Ils découvriront le Cameroun dans son quotidien et n’auront plus de voix pour dire que les Camerounais se plaignent trop. Ils constateront même qu’ils sont très patients. C’est pourquoi je les invite à tourner le dos à l’Occident dont ils disent qu’il est le bourreau éternel de l’Afrique et à découvrir le pays natal, à vivre les réalités quotidiennes sur un temps long.

C’est incompréhensible que des individus intelligents passent leur existence à dénoncer le néocolonialisme de l’Occident et dans le même temps, vivent en/de l’Occident. C’est même paradoxal! Venez chers compatriotes, venez combattre ici. Sinon, vous vous tromperez toujours sur l’origine du problème. Ce sont nos responsables qui ont pris en otage nos destins collectifs et nous rendent la vie difficile par manque de vision politique. Déplacer votre zone géographique vous aidera à déplacer votre grille de lecture. Venez au pays, même pour deux mois et vous comprendrez. Vous comprendrez que les Camerounais ne se plaignent pas de gaieté de cœur. C’est juste parce que les conditions de vie sont rudes. Et c’est cette rudesse qui a certainement motivé votre départ vers d’autres horizons.

Venez un peu au Cameroun et vous comprendrez !


Achille Mbembe déconstruit le principe de la race

Première de couverture.
Première de couverture.

Dans ce billet, je fais une note de lecture de l’essai critique de la Raison nègre publié par l’intellectuel Achille Mbembe en octobre 2013. Achille Mbembe propose dans son dernier ouvrage Critique de la raison nègre  un texte critique sur notre temps. Il remet en cause la loi de la race c’est-à-dire le paradigme de l’assujettissement, de la mise à mort d’autrui qui a, jusqu’ici, orienté les prises de décision dans le monde. Malgré le néolibéralisme annonciateur d’un devenir nègre du monde, il scrute un avenir commun pour victimes et bourreaux d’hier, dépouillé enfin, c’est son souhait, du fardeau de la race.

C’est l’idéologie de l’exclusion et de la domination de l’autre qui est appelée dans cet ouvrage « raison nègre » (p.24). Dictée par la loi de la race, c’est-à-dire l’exclusion de l’autre pour sa différence, son assujettissement et sa mise à mort, « la raison nègre » s’est répandue avec le capitalisme industriel du XVIIIe siècle. La finalité de cette idéologie étant de légitimer la puissance de l’Europe, son capitanat sur le monde. Les événements majeurs au cours desquels cette idéologie raciale s’est développée sont la traite négrière, la colonisation et l’apartheid. Se considérant comme le pays natal de la raison, l’Europe a inventé le Nègre comme sujet de race c’est-à-dire un objet de son maître, dominé, asservi et humilié parce qu’étant différent. C’est dans ce sens qu’il dit du Nègre qu’il est une « fabrication, une assignation, le sobriquet dont l’autre m’a habillé et dont il cherche à m’enfermer parce que je suis différent » (P.76). Le terme « Nègre » ainsi que le nom « Nègre » sont utilisés pour désigner une « humanité à part » qui est « sans part » parce que n’étant pas comme nous. Des individus qui ne servent à rien, si ce n’est à produire une plus-value. Ce sont des marchandises au service du capital. Le Nègre est par ailleurs un être mauvais, un idiot, une race inférieure qui n’aurait rien à apporter au travail de l’esprit et au projet de l’Universel. Et c’est pour ramener cet idiot à la raison que les colons ont justifié la mission coloniale. Une mission qui partait du principe selon lequel, étant une civilisation supérieure, l’Europe devait apporter la civilisation aux civilisations inférieures. C’est alors que naît l’ordre colonial. Un ordre axé sur une double violence, la violence symbolique d’une part ; la violence physique d’autre part. La violence symbolique consistait à assimiler le Nègre à l’Occidental, nier son existence propre afin qu’il n’existe que pour son maître. Le potentat colonial avait un miroir à travers lequel il regardait le Nègre. Et pour être vu, ce dernier devait cesser d’être lui-même pour s’habiller, se costumer et devenir non pas le maître mais « comme » le maître. Cette violence à l’égard du passé et du futur du Nègre avait pour finalité de le dresser et de le convertir. Elle finissait par désubstantialiser la différence. C’était également un potentat violent physiquement. Achille Mbembe parle de sa « part maudite ». P 154

Mais au fond, tout n’a pas été enlevé au Nègre. Peut-être que la violence abîme et endommage son corps, ce pouvoir nocturne l’humilie, mais il ne lui enlève pas la parole encore moins la faculté de produire la vie et la civilisation. C’est parce que face à cette mise à mort, cette proximité avec les ténèbres, le Nègre n’est pas mort, mais a su se transformer qu’il mérite bien un « requiem ». Au-delà du sens connu de requiem qui est fait à la mémoire d’un disparu pour le pleurer, Achille Mbembe célèbre le Nègre comme un revenant de la modernité. C’est-à-dire, celui qui a réussi à se transformer par la destruction : un transfiguré.

Pour le penseur africain, même si l’Europe a cessé d’être le « centre de gravité du monde », on se dirige de plus en plus vers un « racisme sans races ». Il s’agit désormais des exclus du simple fait de la différence de leurs cultures et de leurs religions. C’est le cas de l’islamophobie ambiant. C’est ainsi qu’on va vers un « devenir-nègre » de l’humanité. Le Nègre n’est de ce fait plus la condition exclusive des Noirs d’origine africaine mais de tous les opprimés, les exclus du capitalisme animiste. Le capitalisme animiste est la mutation du capitalisme industriel ancien à l’époque néolibérale actuelle. C’est un capitalisme numérisé qui réduit le sujet humain en un code numérique. Le Nègre prend désormais une autre forme qui n’est plus seulement raciale mais plutôt la forme dominée, exclue. C’est le subalterne, celui dont le capital n’a pas besoin (P 254).

Comme sortir de la grande nuit, Critique de la raison nègre essaye d’imaginer un futur possible pour le monde, un monde débarrassé de ses maux les plus criards que sont l’exclusion et la domination. Et comme une prophétie, l’intellectuel camerounais affirme qu’il « n’y a qu’un seul monde » constitué de plusieurs parts. Ce monde est ce que tous les humains ont en commun et en partage. Mais, pour que tous les habitants de ce monde se reconnaissent comme des ayants droit égaux, il propose une éthique de la réparation et de la restitution. Plus exactement, il s’agit de « restituer à ceux et celles qui ont subi un processus d’abstraction et de chosification dans l’histoire la part d’humanité qui leur a été volée » (P. 261). Achille Mbembe précise par la suite la forme que pourrait prendre de telles réparations. Il est question, dit-il, des réparations symboliques pour nettoyer les « lésions » laissées par l’histoire. Ces réparations permettront une « montée collective en humanité » c’est-à-dire atteindre un monde débarrassé du « fardeau de la race » (P.242) Ce monde où l’on partage les différences. Une sorte de « tout-monde » Glissantien, bref la citadelle afropolitaine.

A la suite d’Edward Said et de Valentin Y. Mudimbe, Achille Mbembe critique les savoirs produits par l’Occident pour dominer les autres. Il s’insurge contre les divisions, l’exclusion, la différence et toutes les pratiques actuellement en cours visant à diviser le monde en deux races : celle des dominés et celle des dominants. Que ce soit l’immigration, la différence, le capitalisme, le racisme, l’intolérance religieuse et culturelle, le révisionnisme. Comme Edward Said, il critique l’invention du « Nègre » par l’Occident. Rappelons à ce sujet que dans L’Orientalisme. L’Orient créé par l’Occident, l’universitaire américain d’origine palestinienne s’insurge également contre la création de l’Oorient par l’Occident. Il déclare : « L’Orient est un fantasme produit par les Occidentaux qui affichent ainsi une certitude, leur supériorité et répond à leurs intérêts, la domination. Il faut mettre au jour l’histoire de ces préjugés anti-arabes et anti-musulmans, les déconstruire et les dénoncer. » Et cette invention, comme ce fut le cas en Afrique, répondait à une mission précise : nier l’Oriental, le désubstantialiser, le diaboliser pour justifier et légitimer la mission coloniale. La raison nègre comme l’orientalisme étaient des savoirs, des discours produits par les scientifiques occidentaux, en l’occurrence les voyageurs, explorateurs et hommes de sciences pour légitimer la mission coloniale.

Le texte de Mbembe est à la fois un texte critique sur notre temps, un texte critique sur le passé de l’humanité, mais également une note d’espérance. Une espérance qui se conjugue avec justice, responsabilité et partage. C’est un ouvrage qui pourrait intéresser autant un historien, qu’un littéraire, un philosophe qu’un sociologue, un Africain qu’un Européen. Bref, c’est un texte-monde qui transcende les frontières géographiques, les frontières disciplinaires. C’est le texte d’un penseur indiscipliné à lire car à notre avis, il influencera de manière importante la pensée critique de notre temps et du temps qui vient. Mais peut-il réellement exister un monde débarrassé de la race ?

Achille Mbembe, Critique de la raison nègre, paris, La Découverte, 2013. 267 P.


Où sont les femmes ?

crédit image: jewanda-magazine.com
crédit image: jewanda-magazine.com

J’ai assisté il y a quelques jours à l’installation des délégués et représentants d’étudiants de mon université, l’université de Dschang. Plus de 70 personnes ont été installées. Présidents de club, délégués de niveau, délégués de filière, délégués des facultés. J’ai observé la cérémonie qui était présidée par le recteur de l’université, le professeur Anclet Fomethe. J’étais très attentif lorsque le responsable des activités culturelles lisait la décision constatant l’élection de ces délégués. A la faculté des lettres et sciences humaines (FLSH) par exemple, sur 41 délégués, l’on ne compte qu’une fille. Au bureau de l’Association des étudiants de la même faculté, sur 7 membres, il n’y a qu’une fille. Dans les autres facultés, il y a des bureaux où l’on ne trouve même pas une fille. Aucune fille n’est donc déléguée générale de faculté à l’université de Dschang. Du côté des clubs culturels, l’université de Dschang en compte 27. Sur 27 présidents élus, 2 sont des filles. Une dans un club de femmes, à savoir le club majorette, et l’autre dans le tout nouveau Club éducation civique et intégration nationale (CECIN).

Après des minutes d’écoute et ayant pris connaissance de ces faits, je me suis posé la question : mais où sont les femmes ? Parce que sur les 27 présidents de club, on comptait à 2 femmes. Je me suis demandé : mais que font-elles ? Comment est-ce possible que les femmes revendiquent leurs droits alors qu’elles refusent de prendre les responsabilités ? Je parle bien de « refuser » parce que j’ai assisté aux élections qui ont conduit à la désignation de ces représentants. Malgré la volonté de certains garçons d’accompagner des filles, elles étaient toujours réticentes. Mais si les femmes ne veulent pas se responsabiliser, si elles ne veulent pas prendre le pouvoir, personne ne viendra le faire à leur place. Personne ne leur donnera. Je côtoie les femmes au quotidien. C’est vrai qu’il y a plusieurs sur qui on doit et peut compter de par leur dynamisme. Mais elles sont encore minoritaires. Et à la différence de ce que certains pensent, beaucoup de jeunes filles sont encore victimes des préjugés de nos sociétés et se mettent en retrait en se servant des justifications sans tête ni queue. Je suis désolé d’être dur avec les femmes cette fois. Mais je me rends compte que c’est important et urgent. Nombreux sont ceux qui ont encore des grilles de lectures machistes. Ces derniers passent le temps à justifier cet état de choses par la domination de l’homme. Ce qui n’est pas toujours vérifié. Parfois ce sont les femmes elles-mêmes qui se marginalisent.

Je les invite à s’auto-questionner. Où sommes-nous ? Que faisons-nous par rapport à nos droits ? Que faisons-nous pour nous mettre en avant et participer à la vie universelle, à la prise des décisions ? Que faisons-nous de l’héritage de nos mères qui se sont battues pour que les droits de la femme soient admis ? Bref, qu’avons-nous fait de ce que nous avons reçu en héritage ? De ce questionnement jaillira une réponse révolutionnaire qui permettra aux femmes de participer à la vie collective. Sinon, peut-être qu’elles veulent toujours être le « sexe faible » ? Du moins, c’est ce que les faits observés cette semaine peuvent laisser croire. En fin de compte, la question demeure : où sont les femmes ? Au lieu de fêter le 8 mars, elles doivent peut-être conquérir les postes de leadership.

NB : La réalité que je décris est spécifique à l’environnement qui est présenté dans ce texte. Il n’est pas général. J’ai juste fait une observation sur les leaders estudiantins de mon université.

 


Le Cameroun éligible aux ressources de la BIRD

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C’est la teneur du communiqué du le Ministre de l’Economie de la Planification et de l’Aménagement du Territoire (MINEPAT) Camerounais rendu public le 10 Avril 2014 depuis Washington. En effet, depuis plus d’un an, l’Etat camerounais est en négociation avec les institutions de la Banque mondiale pour évaluer les capacités du pays à accéder à ce programme de financement. La décision prise est selon le communiqué du ministre le fruit d’un processus qui a débuté en Octobre 2013. C’est à cette période que le gouvernement camerounais sollicite son éligibilité au guichet de la Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement (BIRD) à l’occasion des assemblées annuelles du FMI et de la BM à Washington. Cette éligibilité  est sollicitée pour bénéficier des financements d’un « montant plus élevé que ceux obtenus jusque-là des guichets de l’ l’International Development Association (IDA) ».

Communiqué du MINEPAT 1
Communiqué du MINEPAT 1

Après la visite d’une mission indépendante de la BIRD au Cameroun en novembre 2013 dans l’optique d’évaluer les capacités du Cameroun à bénéficier d’un tel financement, des résultats satisfaisants ont été produits. Le Cameroun est désormais éligible à ce financement mais continuera de bénéficier des ressources concessionnelles de l’IDA. Pour le gouvernement, cette éligibilité vient confirmer la solidité des fondamentaux macro-économiques du pays et consacrent la coopération entre le Cameroun et les institutions financières internationales dans l’atteinte des objectifs de développement de ce pays.

Communiqué du MINEPAT 2
Communiqué du MINEPAT 2

Dans son communiqué, MINEPAT Emmanuel Nganou Djoumessi précise enfin que les ressources additionnelles à cette éligibilité serviront à « densifier les infrastructures structurantes ainsi que celles rencontrant les attentes immédiates des populations. » Une orientation dans un secteur prioritaire pour le développement de notre pays.


Le passé est un motif d’inspiration

Crédit image: https://blogue.chantalbinet.com/
Crédit image: https://blogue.chantalbinet.com/

Un débat a récemment été lancé sur la question de savoir « qu’est-ce qu’être historien ? » Il avait pour objet principal des phrases deDaniel Abwa sur Achille Mbembe lors du congrès des Historiens camerounais qui s’est tenu à Maroua en Février dernier. Le premier indiquait que le second n’est plus intéressé par  le fait historique parce qu’il ne va plus dans les archives pour récolter les données. Au fond, la question était davantage épistémologique : qu’est-ce que l’histoire ? Quelle est la finalité de l’histoire ? L’histoire doit-elle nous limiter au passé ? Le passé en tant que matière essentielle de l’historien est-il une fin en soi ?  La matière essentielle de ce texte est extraite d’une phrase et d’une image utilisées par Achille Mbembe dans son dernier essai Critique de la Raison Nègre. Parce que ce texte, publié en octobre dernier ainsi que les deux autres ouvrages qui rentrent dans ce que Mbembe appelle la pensée de la traversée et publiés en 2000 et 2010, rendent effectivement compte de cette question.

A la page 140, traitant de « tradition, mémoire et création », l’intellectuel camerounais cite dans un premier temps Alex Crummel. Ce dernier « reproche aux Nègres de modeler excessivement leur conduite sur les enfants d’Israël ». Plus spécifiquement, dans l’épisode biblique, « longtemps après leur exode et leur libération de la servitude, ils auraient dû fixer leurs yeux sur la terre promise et aspirer à la liberté. Ils n’arrêtèrent pas d’avoir les yeux en arrière, tournés vers l’Egypte ».  Faut-il modeler l’histoire dans ce sens ? Créer un passé triomphaliste et mythique que l’on va présenter pour se donner bonne conscience et dire que « nous aussi, on a été glorieux » ? Ou alors, chercher dans le passé des voix inspirantes qui peuvent nous permettre de réfléchir sur notre présent et de mettre en perspective l’avenir ? Finalement, les livres d’Histoire doivent-ils répondre aux défis de nos sociétés ou alors doivent-ils être tout simplement des livres d’Histoire ? Dans le même livre, un peu plus haut que le texte précédent, Achille Mbembe se référant toujours à Crummel estime que pour une réelle espérance dans le futur, « l’on ne peut pas vivre éternellement dans le passé. Il peut servir de motif d’inspiration. L’on peut apprendre du passé. Le présent est le temps du devoir. Le temps du futur est celui de l’espérance ».

Dans cette perspective, enseigner l’histoire, enseigner le passé doit permettre aux apprenants d’apprendre du passé, de s’inspirer de ce passé. Avec comme finalité, le devoir présent et l’espérance future. En dehors de cette ligne, l’histoire sera comme l’agriculture telle qu’elle est pratiquée dans certains pays africains. La pratique de l’agriculture est faite, non pas pour la transformation et la commercialisation. Mais juste pour l’agriculture. Ce qui est une grande perte.

Le mérite de ce penseur In-Discipliné dans ses trois livres du projet afropolitain ou de ce qu’il appelle la pensée de la traversée c’est de mobiliser effectivement le passé pour appeler les hommes d’aujourd’hui au devoir afin de s’inscrire positivement dans le temps qui vient, bref d’espérer. En ce sens, il fait l’histoire utile. Il part chercher dans l’histoire les éléments qui peuvent aider à comprendre le monde actuel. A partir de là, il scrute un avenir pour tous, il donne des moyens d’espérance pour tous. Car, en fin de compte, l’historien tout comme le penseur est un homme, un homme suivi dans une société et qui attend de lui des propositions pour l’avenir.

NB: le titre de ce billet est inspiré en partie d’un extrait de l’ouvrage Critique de la Raison Nègre de Achille Mbembe.


Je ne suis pas libre

Ce texte n’aurait jamais du sortir de mon disque dur. Mais, actualité oblige, je dois le sortir. Je veux être violent. Il s’agit essentiellement de dire que je ne suis pas libre, je ne suis pas libre de faire ce que je veux lorsque je suis chez moi. Je n’ai plus le droit de me distraire paisiblement, de regarder mes matchs en paix parce que la Sonel (l’entreprise concessionnaire  du service public de l’électricité au Cameroun) a échoué dans son boulot. Une fois de plus, je n’ai pas pu regarder le match hier 10 avril 2014, qui opposait l’Atletico Madrid au FC Barcelone en quarts de finale de la Ligue des champions parce que notre société nationale d’électricité, pardon de coupure d’électricité, nous a une fois de plus sevrés de lumière. De 15 heures à je ne sais quelle heure puisque je me suis endormi. Pour un fan de football et supporter du FC Barcelone, ce n’était qu’une répétition de ce qui s’était déjà passé le 21 mars lorsque le même FC Barcelone affrontait le Real Madrid lors du Classico espagnol. Une coupure d’électricité autour de 14 heures qui m’a empêché d’écouter Samuel Eto’o ce dimanche.  Pour certains, ça paraît bizarre.

crédit image: worldsalvation.info
Crédit image: worldsalvation.info

Mais pour ma part, c’est très significatif et ces coupures, à mon avis, empêchent le sujet d’être libre, de vivre dans la quiétude. Etre libre serait par exemple pouvoir faire ce que tu veux, quand tu veux, surtout lorsque ça ne nuit pas à la liberté d’autrui et du groupe. C’est également se distraire quand tu veux sans que personne ne t’en empêche. Car, de même que les façons d’habiter le monde sont diverses, de même que la société est essentiellement plurielle, les distractions également sont plurielles et varient en fonction des individus. Si certains aiment faire du tourisme, jouer au football ou aller à la discothèque. D’autres aiment regarder le football et ont des clubs qu’ils aiment particulièrement regarder.  Et ces distractions ne sont pas inutiles à la différence de ce que l’on pourrait pensait. Elles sont importantes, voire nécessaires pour permettre au sujet de changer d’idées, de se recréer parfois afin de se remettre à ses activités proprement dites. Or dans un contexte où, à cause des coupures récurrentes de lumière, l’individu ne peut plus rien faire parce que tout est incertain, l’avenir se conjugue avec incertitude. Il n’est plus libre de se distraire en regardant un film ou en regardant un match, parfois il ne peut même plus cuisiner parce qu’il lui faut écraser les condiments et que dame lumière a pris la poudre d’escampette. Désormais, le destin des individus ne dépend plus d’eux-mêmes. Leur agenda n’est plus fixé par eux, mais par la volonté de celui qui coupe la lumière.

Si avenir et incertitude se mélangent, l’individu est-il libre ? S’il est impossible pour lui de rentrer chez lui et de se distraire,de se recréer en toute quiétude et dans le respect de la liberté d’autrui, est-il libre ? Non, il est au degré zéro de la liberté. Il est enchaîné. C’est d’autant plus grave que l’individu, dans ce cas de figure, paie son enchaînement. A la fin du mois, les factures de l’électricité sont toujours plus élevées. On pourrait croire qu’il se réjouit de cette servitude, se sent à l’aise puisqu’il ne manifeste aucun ras-le-bol. Au fond, nombreux en ont marre. Mais ils préfèrent être asservis que mieux. Bien sûr, si mieux ne peut être obtenu que sous certaines conditions extrêmes. On va faire comment ? Mieux, on continue de manger indéfiniment nos beignets. Mais comme disait quelqu’un, il arrive des moments où on ne peut plus mentir le peuple, car il a marre des mensonges éternels. Il décide, peu importe les coûts, de reconquérir sa liberté, la vraie.

NB : ce billet aurait dû être mis en ligne hier, le 10 avril. Mais à cause des coupures de lumière, ça n’a pas été possible.


« Touche pas à mon anus ! Il est sacré! »

L’homosexualité est de plus en plus légalisé dans les pays occidentaux. Les dernier pays en date sont l’Angleterre et le pays de Galles en Europe. Cette actualité succède à une autre en Afrique: la pénalisation de l’homosexualité dans certains pays notamment l’Ouganda. Une loi a été en effet promulgué dans ce pays contre l’homosexualité. Face à cette loi, les pays occidentaux ont exercé des pressions économiques sur le pays de Yoweri Museveni comme ils le font d’ailleurs avec les pays africains qui s’écartent de leur vision du monde. C’est à croire qu’il n’y avait qu’une seule façon de penser la modernité. Et c’est pour réagir à ces pressions que le Pr Claude Abe, enseignant de sociologie politique à l’Université catholique d’Afrique centrale (UCAC) située dans la capitale politique du Cameroun, Yaoundé, a lancé le mouvement avec pour slogan «Touche pas à mon anus ! Il est sacré ! » 

Le pied de une de l'hebdomadaire "Integration" du 24 mars 2014.  ©  journalducameroun.com
Le pied de une de l’hebdomadaire « Integration » du 24 mars 2014. © journalducameroun.com

Dans un entretien qu’il a accordé à l’Hebdomadaire camerounais Intégration, n°133 du Lundi 24 mars 2014 et repris par le journalducameroun.com , il présente son mouvement comme une réaction au discours impérialiste occidentale qui veut, avec l’aide des médias, ériger l’homosexualité en droit de l’homme. Le mouvement vise donc à protéger cet organe sacré qu’est l’anus et qui entouré des « égards » et « interdits » comme il le déclare:

Il s’agit de défendre le droit à la différence de la société camerounaise contre le pseudo droit à la profanation et à la putréfaction humaine de quelques individus culturellement égarés car dans le contexte camerounais cet organe est sacré et, à ce titre, entouré d’un certain nombre d’égards et d’interdits de même que son utilisation est l’objet d’un contrôle de la part de la communauté car dangereux pour l’ordre social dont‐il contribue à la stabilité. Il est le médium de la communion entre l’individu, les forces de la nature, le cosmos, l’ordre de la création et la vie.

Claude Abé. © journalducameroun.com
Claude Abé. © journalducameroun.com

Ces pays aidés par les institutions internationales brandissent l’arme économique pour persuader les Etats africains de dépénaliser l’homosexualité. Le sociologue utilise les arguments sociologiques et démographiques pour justifier son mouvement. A ce sujet, il dit par exemple que « il ne faut surtout pas céder à ce chantage pour accepter de démocratiser l’usage d’un organe humain connu dans notre société uniquement pour ses aptitudes à expurger les déchets du corps plutôt qu’à recevoir une quelconque semence improductive », il poursuit « Aucun pays au monde n’a émergé sans une démographie forte ».

Il propose aux gouvernants camerounais de copier l’exemple chinois dans ses rapports diplomatiques. C’est-à-dire « parler de tout avec les partenaires étrangers sauf des sujets tel que la dépénalisation de l’homosexualité ». Le mouvement compte utiliser essentiellement la sensibilisation à travers les médias de masse pour atteindre ses objectifs. Après le passage sur les médias conventionnels, le Pr Abé compte imprimer des Tee-Shirts avec au dos le slogan  » Touche pas à mon anus ! Il est sacré ! ». Lesquels tee-shirts seront arborés uniquement les vendredi. Car, la journée de vendredi est, selon le professeur, une journée où les gens ont moins de préoccupations professionnelles. Aussi, ce jour, les gens fréquentent les coins chauds et les tee-shirts peuvent attirer l’attention et produire l’effet escompté.

L’enseignant de sociologie invite enfin les pouvoirs publics et la société civile à prendre leurs responsabilités. Il s’agit pour les pouvoirs publics d’assumer  » l’homophobie de la société camerounaise beaucoup plus clairement et ostensiblement afin que nul n’en ignore ». Ils doivent régulièrement citer la loi notamment la pénalisation de cet acte par le législateur. La société civile doit s’organiser pour protéger cette loi qui est l’émanation de la volonté générale de la société camerounaise exprimée par le législateur. Les jeunes doivent de leur côté travailler et ne pas céder à la facilité.

Claude Abé se distingue ainsi des autres intellectuels en choisissant son camp dans ce débat qui est de plus en plus d’actualité au Cameroun en particulier et en Afrique en général. Malgré la bonne volonté qu’on observe dans ses propos, le mouvement peut-il faire long feu? Aura-t-il le soutien nécessaire? Réussira-t-il à faire la part des choses entre les idées qu’ils défendent et la violence comme on l’a observé au Nigéria récemment? Finalement, le Cameroun en particulier et l’Afrique en général ont-ils les moyens de faire face aux pressions occidentales?