Ulrich Tadajeu

Démocrat(ismes) africaines!

Le collègue mondoblogueur Agbadje Adébayo Babatoundé  Charles  a fait une belle analyse au sujet des révisions constitutionnelles actuellement en cours sur le continent africain dans un de ses billets. Il a  indiqué à ce propos que la démocratie « est en perte de vitesse en Afrique ».  Cela suppose qu’elle avait pris une certaine vitesse. C’est peut-être vrai. Depuis 1990 et les fortes revendications populaires en Afrique, la démocratie se cherche encore. Malgré les revendications du peuple, le chemin parcouru n’a pas été si considérable. A la place de la démocratie, certains dirigeants ont servi le démocratisme. Une forme biaisée de la démocratie, une démocratie de façade à l’intérieur de laquelle persiste un autoritarisme, des dictatures subtiles et sévères. Celles-ci ont fait des inégalités, du manque de liberté leur marque de fabrique. Au début de la décennie 1990, un président français disait que la « démocratie est un luxe pour l’Afrique ». 24 ans plus tard, on est sur le point de se demander s’il n’avait pas raison ? La démocratie n’est-elle pas un luxe pour l’Afrique ? Il ne s’agit pas des peuples africains qui, d’une certaine manière, veulent cette démocratie. Mais de l’élite gouvernante. Est-elle prête pour la démocratie ?

crédit image: camer.be
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L’actualité récente au sujet de la révision constitutionnelle, de la toute-puissance du pouvoir exécutif sur les deux autres pouvoirs  (Judiciaire et législatif) confirment que les élites africaines ne sont pas encore prêtes pour la démocratie, si oui le démocratisme. Elles ont toujours à cœur les plans dictatoriaux de privation de liberté, de modification de la loi fondamentale qu’est la constitution. Peut-être que, comme Platon, elles se disent que le bas peuple n’est pas apte pour la démocratie. Puisque la démocratie comme la Politique selon platon serait l’affaire des philosophes, donc des élites. Car lorsque les constitutions sont adoptées, elles sont censées être souveraines. Elles peuvent être amendées en cas de besoin. Le besoin ici n’est pas celui d’un « individu éclairé », « président fondateur », mais pour l’intérêt général, l’intérêt du peuple. Qu’est-ce qu’on observe ? Les constitutions sont modifiées pour qu’un vieillard, un papi, un monsieur qui a fait plus de 20 ans au pouvoir se présente à nouveau aux élections afin de continuer sa mission. Elles sont taillées sur mesure pour servir les intérêts d’un groupe de personnes.

Dans certains pays, les dispositions constitutionnelles relatives à la limitation du mandat présidentiel sont modifiées alors que dans le même temps, les dispositions relatives à la déclaration des biens des élus et des ministres ne sont pas respectées. Si ce n’est la démocratie de façade, ce que Mathurin Hougnikpo appelait le démocratisme, qu’est-ce que c’est ? Depuis plus de 20 ans, les Etats africains si on peut parler d’Etat ont fait semblant d’être des démocraties en présentant des éléments de forme de la démocratie (multipartisme, multi-presse, constitution, séparation des pouvoirs) mais dans le fond, elle reste un mythe. Les populations africaines n’ont pas le sentiment d’être souveraine. Malgré les différentes souffrances qu’elles endurent, comment comprendre qu’elles continuent de renouveler leur confiance à des satrapies ?

Ce qui se passe en Afrique depuis plus de deux décennies est une trahison du peuple par les élites. Celles-ci veulent rester indéfiniment au pouvoir même quand la mort frappe à leur porte. La décennie 1990 qui augurait des lendemains meilleurs s’est transformée en cauchemar avec des dirigeants qui ne lâchent pas prise. Dans cette logique, à défaut des formes constitutionnelles d’accession au pouvoir, la violence sera encore un mode d’accès au pouvoir. Comme on dit souvent, « à défaut du cheval, on prend l’âne. » Si ceux qui sont au pouvoir ne respectent pas la constitution, qui d’autre le fera ? Si la démocratie n’est pas une réalité en Afrique, on observera toujours une forme de démocratie qualifiée par certains de « démocratie au bazooka ». Nous ne le souhaitons pas. Les dirigeants africains doivent poser des actes politiques afin de les anticiper. Ils doivent respecter la loi fondamentale qu’est la constitution, cesser de se prendre pour des « élus de Dieu » ou des « Messi » qui auraient une mission sacrée pour le peuple. Et tant que cette mission n’a pas été accomplie, ils ne quittent pas le pouvoir. Ils doivent s’interesser davantage aux souffrances du peuple.

S’ils ne le font pas, le peuple prendra ses responsabilités. François Mitterrand déclarait à ce sujet qu’un « dictateur n’a pas de concurrent à sa taille tant que le peuple ne relève pas le défi ». Comme je l’ai toujours pensé, le peuple a le dernier mot. Il doit, quand cela est nécessaire, sanctionner les élus. Et si ça ne suffit pas, il peut utiliser tous les moyens nécessaires pour avoir sa liberté, pour sortir des chaines de ces satrapies. Car, la liberté est inhérente à l’homme. Il ne faut pas être d’une couleur de peau précise pour avoir droit à la liberté. L’égalité doit régner dans les sociétés d’hommes. Il ne s’agit pas de la propriété des sociétés occidentales comme veulent nous faire croire certains pseudo-panafricanistes.

De toutes les façons, comme le martelait Achille Mbembe en 2010, « si les Africains veulent la démocratie, c’est à eux d’en imaginer les formes et d’en payer le prix ». Parce que, poursuit-il, « personne ne le paiera à leur place, ils ne l’obtiendront pas non plus à crédit ». Si les Africains, entendus ici comme les peuples et les élites, ne le font pas, le continent continuera de sombrer dans une démocratie de façade avec toutes les conséquences politiques, économiques et sociales que ça implique.


En mémoire de l’esclavage, rompre avec les privations de liberté

L’humanité entière célébrait hier, 25 mars, la journée internationale de commémoration des victimes de l’esclavage et de la traite transatlantique des esclaves. Ce système odieux, fruit du capitalisme occidental, consistait à acheter, déporter les Noirs de leurs terres africaines pour en faire des machines de travail et de rentabilité économique dans les plantations du continent américain. C’est ainsi que près de 15 millions d’hommes, femmes et enfants ont été victimes de cette traite. Pendant des années, leur destin se conjuguait avec souffrance, chaînes, haines…Mais cet esclavage des temps antérieurs a eu comme conséquence des stéréotypes à l’égard des populations de couleur noire. A ces victimes de l’esclavage, se succèdent progressivement d’autres styles de victimes de privation de liberté notamment le racisme, le tribalisme et les conséquences des dictatures.

 

Crédit image: un.org
Crédit image: un.org

Car, il faut rappeler que cette journée est célébrée alors que le néolibéralisme est devenu la marque de fabrique de notre monde reléguant l’homme au second plan, au profit des accessoires, des machines, des objets qui sont « humanisés ». On ne se soucie plus des valeurs de l’homme, mais de sa rentabilité économique et matérielle. Comme c’était le cas à l »époque de l’esclavage, ce n’était pas l’esclave qui comptait, mais sa rentabilité, la force de travail et donc de production qu’il représentait.

Cette journée est célébrée alors que des images fusent de partout montrant une résurgence du racisme, du tribalisme et des discriminations liées aux préjugés. L’affaire Taubira en France, Cécile Kyenge en Italie, Yaya Touré en Angleterre, toutes ces affaires en disent long. On est rentré dans une phase de l’esclavage héritière de la première. Les individus sont rejetés par la société, ils sont marginalisés du seul fait de leur race, de leur ethnie, de leur obédience religieuse. Ces individus privés de liberté pour des choix qui ne dépendaient aucunement d’eux sont les esclaves du XXIe siècle.

D’autres victimes de l’esclavage sont ces milliers de personnes victimes des guerres dans leurs pays respectifs et qui sont obligés d’être privés de liberté. Soit en périssant sous le coup des balles, soit en fuyant leur terre-patrie pour se réfugier sur un territoire étranger. Ce sont ces enfants qui ne mangent pas, ces jeunes enfants obligés de devenir des enfants soldats pour servir les intérêts des satrapies au pouvoir et des seigneurs de guerre. Ces victimes sont également les multiples femmes violées lors des conflits, ces personnes terrorisées par la barbarie humaine manifestée par les frustrations et les violences atroces.  Voilà les victimes de l’esclavage de notre siècle. Ces individus sont enchaînés par la barbarie de certains, le côté animal des Hommes.

Enfin, les victimes de dictatures. Dans certains pays africains et même dans le monde, les populations n’ont plus la liberté de mettre aux fonctions qui ils veulent. Les dirigeants, élus du peuple pour servir la République, se transforment en président fondateur pour desservir le peuple. Ce dernier n’a plus la liberté de changer de dirigeant si celui-ci s’avère inefficace. Parce que la Constitution est modifiée, les élections sont truquées, la corruption est élevée. Le peuple cesse d’être le maître du jeu pour donner cette place à un président éclairé qui se croit tout permis, qui se dit être au début et à la fin de tout, créant de surcroît des individus. En 2008, le président camerounais avait levé le verrou sur la Constitution avec l’aide de l’Assemblée nationale soumise à lui pour se présenter une énième fois à l’élection présidentielle. Nous apprenons que le Burundi, la République démocratique du Congo (RDC) sont dans cette lancée depuis quelques semaines. Lequel acte leur permet de s’éterniser au pouvoir malgré les résultats peu encourageants.

L’impact social et économique est considérable. Un malaise social, un niveau de vie délétère et une économie qui continue de stagner malgré les prévisions encourageantes. Qui sont les victimes? Ce sont les étudiants, les subalternes qui ne peuvent pas obtenir les bourses pour étudier, qui ne peuvent plus rêver, qui ne peuvent pas se payer une évacuation sanitaire parce que le plateau technique des hôpitaux est indigent. Ces étudiants obligés après leurs études par manque d’emploi de rentrer au village pour travailler dans l’agriculture, une agriculture archaïque. Alors que dans le même temps, ceux qui gouvernent réussissent à payer les meilleures écoles à l’étranger pour leurs enfants et leurs proches.

Mais les peuples du monde doivent prendre conscience des dérives de ces satrapies en s’appropriant ces mots de François Mitterrand :

Un dictateur n’a pas de concurrent à sa taille tant que le peuple ne relève pas le défi.

Il est important qu’en cette commémoration des victimes de l’esclavage, les organismes, institutions et personnalités ainsi que les individus luttent pour que les dominations, les inégalités, les violences symboliques et physiques, le racisme, le tribalisme, les discriminations cessent définitivement pour que notre monde devienne enfin une humanité au sens noble du terme. C’est-à-dire un monde peuplé par des hommes, mais aussi bâti sur des valeurs de respect, d’égalité, de fraternité et de liberté. En mémoire de l’esclavage, rompons avec les inégalités, les privations de liberté, les dominations du XXIe siècle.


Cameroun: en route pour l’émergence sans volonté d’émerger?

Depuis plus de quatre années que le document « Vision Cameroun émergent à l’horizon 2035 » a été adopté par les gouvernants du pays, le mot « émergence » est devenu un mot passe-partout qui sert à justifier tout, erreurs, mensonges, laxismes…Il est aussi présent dans les discours des jeunes, des hommes de la rue. Bref, il est devenu une banalité populaire, un échappatoire quand des difficultés se posent.

Crédit image: https://tchadinfos.com
Crédit image: https://tchadinfos.com

Le document en lui même de 76 pages rédigé par le Ministère de l’Economie, de la Planification et de l’Aménagement du Territoire (MINEPAT) vise à faire du Cameroun un  «UN PAYS EMERGENT, DEMOCRATIQUE ET UNI DANS SA DIVERSITE» à l’horizon 2035.  Si l’objectif global est de faire du Cameroun, un pays émergent, des objectifs intermédiaires sont clairement présentés.  Il est question de réduire  la pauvreté ;  atteindre le stade de pays à revenus intermédiaires et ensuite le  stade de Nouveau Pays Industrialisé et enfin la consolidation du processus démocratique et de l’unité nationale dans le respect de la diversité qui caractérise le pays. C’est ce projet davantage détaillé qui se retrouve dans ce document. Il comprend une première étape qui va de 2010 à 2020 présenté dans le Document de Stratégie pour la Croissance et l’Emploi (DSCE).

Depuis que ce document existe, les enfants, les jeunes, les vieux; les femmes, les hommes; les élèves, les étudiants, les benskinneurs, les débrouillards, les fonctionnaires… ont fait de ce mot un mot passe-partout, une sorte de carte d’identité du Camerounais. Il ne se passe plus un jour sans que vous n’entendez quelqu’un vous dire « nous serons émergent en 2035 », « Paul Biya a fixé le cap pour l’émergence en 2035 », on le suit. Tous les thèmes des différentes manifestations culturelles ou scientifiques sont désormais faciles à trouver. Pour les jeunes ressortissants de Foto (un groupement situé à Dschang), ils n’ont qu’à à avoir pour thème « Jeunes Foto et émergence du Cameroun ». Pour les étudiants de la Filière Sciences Biomédicales, ils disent juste « Sciences Biomédicales et émergence du Cameroun. » Bref, le terme Émergence est devenu la solution à tous les problèmes, une sorte d’échappatoire pour qui se trouve dans les difficultés. En fin de compte, ça joue les jeux du régime en place qui est fier de savoir que la population utilise ce concept même si elle ne sait pas toujours à quoi ça renvoie; même si elle n’est pas au courant de la philosophie qui la sous-tend. Pour un régime qui a tant besoin d’être aimé comme le nôtre, ce n’est qu’une bonne nouvelle.  Pour les populations et les jeunes, le mot « émergence » est une sorte de mot clé qui ouvre les portes à tout, qui flatte les potentiels bailleurs de fonds dans le cadre des événements organisés. Dans l’imaginaire des uns et des autres, les gouvernants ont l’impression que le message politique passe, les populations sentent qu’utiliser ce terme à tous les coups peut leur attirer des financements possibles.

De l’autre côté, l’inflation de ce concept sur la scène publique Camerounaise est aussi l’excuse au laxisme et à l’inertie chère à l’élite gouvernante. Toutes les raisons avancées désormais pas ceux qui gouvernent les Camerounais sont « nous sommes en route vers l’émergence », « Rendez-vous en 2035 », « les choses avancent progressivement », « en 2035, le Cameroun sera émergent »… Certaines personnes ont fini par croire que 2035 n’arriverait jamais ou que les Camerounais vont se coucher et se réveiller en 2035, les choses auront changé. Peut-être que ceux qui nous gouvernent chantent cette date parce qu’ils ont de faibles chances d’être encore des nôtres à cette date vu qu’ils ont tous dépassé 70 ans?  Puisque partout, c’est ce concept qui est à la mode, sans réflexion, sans volonté de travail, on se demande bien s’il suffit seulement de laver le cerveau des Camerounais avec le terme émergence pour que la « Vision Cameroun Émergent à l’horizon 2035 » soit une réalité? N’est-il pas question d’éduquer les Camerounais à cette philosophie, à cette vision si ceux qui sont au pouvoir veulent effectivement qu’elle prospère? Comment comprendre que des Camerounais chantent les louanges d’une vision politique qu’ils ne connaissent pas?

5 ans après la rédaction de la Vision Cameroun émergent à l’horizon 2035, 4 ans après celui du Document de Stratégie pour la Croissance et l’Emploi (DSCE), malgré l’omniprésence et l’inflation du termes Émergence sur la scène publique et dans les discours politiques, les résultats restent peu reluisants. Parce que les dirigeants sont plus préoccupés par la figuration, le contenant et non le contenu. Ce qui les intéresse, ce n’est pas tant que les conditions de vie des populations s’améliorent, ce n’est pas l’émergence au sens réel du terme des Camerounais mais que les pays étrangers aient l’impression que ces derniers vivent dans la paix, la prospérité et l’unité.  L’émergence en soi, à partir du document cité plus haut, se présentait comme un projet de vie ambitieux, optimiste et intéressant pour les Camerounais. Son malheur a été de voir le jour au Cameroun. Les dirigeants comme ils le font depuis plus de 30 ans ont davantage mis en avant le contenant, le folklore politique qui l’entoure au détriment du projet en lui même, de la philosophie qui est à la base.  Conclusion: nous sommes en route pour l’émergence sans volonté d’émerger.


Le Rapport Brazza dans les librairies

Le Rapport Brazza du nom de l’explorateur Français Sarvognan de Brazza qui effectua sa dernière mission au Congo Français en 1905 est sorti des archives pour prendre sa place dans les librairies. Publié par les éditions Le passager Clandestin dans la collection « les Transparents » le 15 mars 2014, c’est un document fondamental pour appréhender l’histoire coloniale européenne au tournant du XXe siècle ainsi que ses enjeux, ses pratiques et ses effets. Il est publié sur le titre de Le Rapport Brazza. Mission d’enquête du Congo : rapport et documents (1905-1907).

Pierre Savorgnan de Brazza. Crédit image: brazza.culture.fr
Pierre Savorgnan de Brazza. Crédit image: brazza.culture.fr

Ce rapport est le fruit des données recueillies par l’explorateur français au cours de sa dernière mission au Congo français entre juin et septembre 1905. Malheureusement à son retour, il trouva la mort lors d’une escale à Dakar. Le rapport, jugé explosif pendant plusieurs décennies, fut conservé jusqu’à sa récente publication. 

Première de couverture du livre. Crédit image: https://lepassagerclandestin.fr/
Première de couverture du livre. Crédit image: https://lepassagerclandestin.fr/

Présenté par l’historienne Cathérine Coquery Vidrovitch, spécialiste de l’Afrique pour avoir consacré la majorité de ses travaux de recherche à ce continent, ce rapport met en lumière, selon les éditions Le passager clandestin

un système inefficace, coûteux pour l’État et surtout à l’origine d’abus massifs et intolérables. Il montre le poids exercé par les intérêts privés sur la politique coloniale. Il prouve que l’administration française ne pouvait ignorer ces dérives, qu’elle les tolérait et que, dans une certaine mesure, elle les couvrait.

Pour en savoir plus sur les raisons d’être d’un tel ouvrage, voici ce que dit l’historienne française dans la préface ;

 » La raison d’être de la présente édition est, sur des faits précis, d’établir aussi fidèlement que possible le savoir tel que nous l’ont transmis des documents originaux, inédits, abondants et librement consultables, seule façon de prendre sereinement connaissance de la totalité de notre passé. « 

Il s’agit donc de faire connaitre l’histoire coloniale, les pratiques coloniales françaises afin de les inventorier. Un ouvrage qui rassemble les sources de première main pour l’historien. Il s’agit principalement des archives écrites coloniales qu’il conviendrait de lire pour comprendre les pratiques et les dynamiques en cours durant cette époque. Un livre que nous recommandons à nos lecteurs pour connaître l’histoire coloniale. 

 

 


Où sont passés les passagers du vol MH370?

Depuis 5 jours, la planète entière retient son souffle. En effet, dans la nuit de vendredi à samedi dernier, le Boeing 777 du vol MH370 de la compagnie Malaysian Airlines a disparu quelques heures après le décollage.

Un avion de Malaysian Airlines. Crédit image: lemde.fr
Un avion de Malaysian Airlines. Crédit image: lemde.fr

Ayant à son bord 239 personnes constituées des passagers et des membres de l’équipage, l’avion faisait la liaison entre Kuala Lumpur (la capitale de la Malaisie) et Pékin. Plusieurs hypothèses ont été évoquées pour expliquer cette disparition; d’abord celle d’un crash aérien. Selon les enquêteurs qui auraient découvert des débris et traînées de carburants, l’avion se serait désintégré en mer. Mais, cette hypothèse a été démentie par la suite puisque le porte parole de la police maritime malaisienne indiquait qu’il s’agit plutôt des traînées de carburant. L’autre hypothèse qui a été avancée est celle de l’attentat terroriste. Après avoir découvert des faux passeports qui ont été volés, les enquêteurs ont évoqué la thèse d’un attentat. Mais selon Interpol, il s’agissait juste des passeports des jeunes individus qui voulaient émigrer clandestinement. Cette thèse a donc été balayée.

Où sont donc ces 239 personnes ainsi que l’avion qui les transportaient? D’autres thèses ont également été évoquées. Mais certains mystères persistent notamment le mystère des téléphones qui continuent de sonner. En effet, plusieurs familles disent avoir essayé de contacter leurs proches présents dans ce vol, les téléphones de ces derniers sonnaient. Ces passagers apparaissent également connectés sur les réseaux sociaux.  Est-il possible qu’ils soient joignables, qu’ils apparaissent connectés sur les réseaux sociaux et que leur avion ait été détruit? Qu’est devenu cet avion de la malaysian Airlines? A-t-il été détourné vers une autre destination ou a-t-il eu un crash? S’est-il désintégré en plein air comme certains l’affirment? Bref, où sont passés ces passagers de la Malaysian Airlines?

Même si ce style de disparation d’avion n’est pas récurrent, il a existé.  On se souvient encore de la disparition en 2009 de l’A330 d’Air France. Cet avion qui assurait la liaison entre Rio et Paris avait disparu au dessus de l’Atlantique. Ses épaves n’avaient été retrouvés que deux ans plus tard, en 2011. Quand retrouveront-ils cet avion ou à défaut ses épaves?

Courage aux familles!


Contestations 2.0 : les nouvelles formes de contestations populaires

Les réseaux sociaux sont depuis 2010 un puissant lieu de mobilisation collective aboutissant aux contestations populaires. On l’a observé en Egypte et en Tunisie au début de cette décennie. On l’observe de plus en plus ces jours ci. En Ukraine comme au Venezuela, les manifestants ou les leaders qui mènent le mouvement se servent des réseaux sociaux, soit pour communiquer, soit pour inciter les gens aux manifestations ou encore pour se mobiliser. Notre intention dans ce billet est de montrer que les réseaux sociaux (Facebook, Twitter…) sont devenus de réels catalyseurs et accélérateurs de contestations populaires. Et qu’ainsi, nous sommes rentrés dans de nouvelles formes de  contestations qu’on pourrait appeler contestations 2.0. Mais avant d’y arriver, il est important de revenir sur quelques explications d’ordre théorique.

Les manifestants Venezueliens

Les manifestants venezueliens lors d'un meeting avec Leopoldo Lopez. Crédit image: Léopoldo Lopez via Facebook.
Les manifestants vénézueliens lors d’un meeting avec Leopoldo Lopez. Crédit image: Léopoldo Lopez via Facebook.

L’utilisation des réseaux sociaux par les jeunes et les adolescents répond à une exigence, celle de se mettre ensemble et de faire entendre leurs voix. En effet, les jeunes se disent qu’ils ne sont pas assez écoutés comme ils devraient l’être ou alors ils sont embastillés. Pour la blogueuse, chercheuse et enseignante à l’université de New York Danah Boyd qui vient de publier l’ouvrage It’s complicated : the social lives of networked teensil s’agit de lieux de retrouvailles, mais également de lieux où ils parlent avec des amis en privé c’est-à-dire en dehors du contrôle parental.

En Ukraine, par exemple, certains ont fait remarquer que « grâce à internet, ils ont arrêté d’avoir peur ». Cette situation est aussi due au fait que les réseaux sociaux sont de plus en plus courus par les citoyens des différents pays, mais surtout les habitants du monde. Lorsque les contestations sont déclenchées dans un pays, utiliser Facebook ou Twitter permet non seulement de mobiliser une bonne partie de la population nationale, mais aussi d’informer le monde entier de la situation. La finalité pourrait être le soutien diplomatique et financier des forces extérieures. Comprenant tout ceci ainsi que d’autres avantages, les populations dans ces pays ont modifié leur « répertoire d’action collective ». Si avant, les individus se limitaient aux actions précises dans la rue, aux revendications, désormais ils se servent des réseaux sociaux pour mobiliser et surtout pour revendiquer.

Au Venezuela, depuis le début des manifestations, Léopoldo Lopez, économiste et ancien maire de Chaco, âgé de 42 ans a pris d’assaut le site de microblogging Twitter pour organiser les manifestations. Avec ses partisans, il appelle à des nouvelles manifestations, s’en prend à son adversaire. Partisan du parti « Volontad Popular », il a également créé le mouvement #lasalida (la sortie). Il tweete régulièrement. C’est le cas du tweet du 24 février alors qu’il était emprisonné :

 A mon pays, nous ne devons pas quitter les rues, continuons à protester de manière pacifique et non violente, c’est le peuple qui décide qui commande.

En plus des simples tweets, il se sert aussi des  lettres tweetées c’est-à-dire des lettres écrites qui sont filmées, tweetées et ensuite retweetées par ses fans.

Cette situation émerge dans un pays qui a une renommée dans le domaine des réseaux sociaux. En plus d’être le 5e pays le plus présent sur le site de microblogging, avec un taux de pénétration de 21 %, on constate aussi que les leaders politiques vénézuéliens depuis Chavez accordent une grande importance à ce réseau social. C’est d’ailleurs sur Twitter que Nicolas Maduro répond aux manifestants en dénonçant par exemple ce qu’il appelle le « coup d’Etat » ou en postant des photos sur lesquelles il pose avec des personnalités qui le soutiennent à l’instar de Maradonna. Un hashtag a par exemple été créé avec pour nom #MaduroProtectorDeVenezuela .

En Ukraine, le mouvement est un peu différent. Il y a une dimension strictement populaire conduite par des leaders sur les réseaux sociaux et de l’autre côté, il y a ce déballage des journalistes et activistes ukrainiens à travers ce qu’ils ont appelé yanukovychleaks. Depuis la place Maidan ou place de l’indépendance, lieu de rencontre des manifestants, les populations contestent principalement la décision de Victor Ianoukovicth. Le journaliste Mustapha Nayyem utilise Facebook pour lancer les appels. C’est le cas de ce message posté sur son mur Facebook le 22 novembre 2013 :

Après avoir discuté tous ensemble nous avons décidé qu’à partir de demain nous allions nous réunir à 18 heures !!! Pendant la journée ceux qui pourront vont faire la garde. Faites suivre aux autres. Merci

 Il a été posté alors que Victor Ianoukovitch, président du pays, venait de signer un accord pour rejoindre l’Union douanière avec la Russie au détriment d’un accord d’association négocié avec l’Union européenne depuis 2009. Il se sert  de la télé sociale Hromadske TV  pour diffuser les informations liées aux manifestations. Les manifestants ukrainiens se servent enfin de Youtube pour mettre les vidéos en ligne et de Instagram pour poster les photos.

D’un autre côté, certains journalistes et activistes ukrainiens ont lancé un site internet appelé Yanukovychleaks. C’est un site de « grand déballage » dans lequel, ces journalistes présentent les documents trouvés dans la résidence de Victor Ianoukovitch à Kiev. Ils veulent ainsi « mettre à la disposition de tous » la gabegie du président ukrainien. C’est la raison pour laquelle, il s’agit surtout des factures astronomiques pour l’aménagement et la décoration de sa résidence. On peut y voir un reçu de 12 millions d’euros cash. Il est clair que ces journalistes veulent présenter les actes crapuleux de leur président pour inciter davantage la population à se mobiliser à travers les mots d’ordre des leaders de manifestations.

La révolution virtuelle qui est en cours n’a pas qu’un impact sur la vie des individus. Elle influence également la vie des sociétés. A la différence des mobilisations stricto sensu comme on avait l’habitude de le voir, Internet et les réseaux sociaux ont modifié les répertoires d’action collective. Désormais, avec le taux de pénétration de ces réseaux qui ne cessent de croître et le débit Internet qui est élevé, ils deviennent sans nul doute un lieu important de communication, de mobilisation des masses. Nous sommes entrés dans l’ère des contestations 2.0, c’est-à-dire des contestations qui se font par le biais de l’interaction des acteurs sur les réseaux sociaux.


Achille Mbembe: «la pensée n’a pas de frontières»

Achille Mbembe est un intellectuel africain. Il se définit désormais comme un théoricien de la « pensée-monde ».  Il s’est installé il y a quelques années à Johannesburg en Afrique du Sud où il est membre de l’équipe du Wits Institute for Social & Economic Research (WISER) de l’Université du Witwatersrand.  Il a publié aux éditions La Découverte en Octobre 2013 un essai intitulé Critique de la Raison Nègre. En 2000, il avait déjà publié De La Postcolonie. En 2010, il a publié Sortir de la Grande Nuit. Essai sur l’Afrique décolonisée. Dans cette interview, il réagit aux « regards croisés des Historiens Camerounais à son égard« . Il dit en substance qu’il n’est pas un adepte des pensées villageoises. Car pour lui, la pensée n’a pas de frontières. Lisez ceci.

Achille Mbembe.   © François Van Zon via flickr.com
Achille Mbembe. © François Van Zon via flickr.com

TamaAfrika: Au cours du récent congrès de l’Association des historiens camerounais devenu « Société Camerounaise d’Histoire », à la question de savoir : « Devons- nous considérer Achille Mbembe comme étant un historien contestataire ? », trois historiens ont donné leur réponse. Avant d’en venir à ces réponses, pour vous, « historien contestataire » a-t-il un sens ? 

Achille Mbembe: Je ne veux pas être méchant. Mais je trouve tout de même surprenant qu’un congrès de professionnels perde son temps et ses énergies dans d’aussi faux problèmes. N’y a-t-il vraiment rien d’autre à faire ou des questions autrement plus urgentes pour la discipline, d’autres agendas de recherche à proposer ?

Daniel Abwa dit en substance que vous n’écrivez plus l’histoire parce que vous n’allez plus dans les archives pour récolter des données. Qu’en dites-vous ?

La définition traditionnelle des « archives » par les historiens de la vieille école a fait long feu. Il faut désormais passer à autre chose, élargir ses horizons et intégrer dans notre réflexion et dans notre pratique les discours sur la notion d’archive qui nous viennent des autres disciplines et courants de pensées.

Aujourd’hui, il est impossible de parler des intellectuels africains sans parler d’Achille Mbembe. Mais au Cameroun, dans la sphère de l’histoire, les « maîtres » en la matière refusent de reconnaître en vous un historien. Est-ce qu’il ne s’agit pas là d’un ostracisme comme vous le décrivez au sujet de Ruben Um Nyobè ? Ou alors, diriez-vous simplement, qu’on n’est pas prophète chez soi ?

Si de telles querelles existent véritablement, alors elles sont byzantines. Que je sois tenu pour un historien ou pas est le dernier de mes soucis. Je ne prends même pas cela pour un fait d’ostracisme. C’est lorsque l’on a rien à dire que l’on suscite ce genre de distraction. Ce qui importe, c’est de contribuer à éclairer, avec les outils critiques mis à notre disposition par les développements de la connaissance, notre condition actuelle.

Pour vous dire la vérité, la querelle concernant les frontières disciplinaires est, à mes yeux, d’un intérêt absolument nul. J’ai défendu une thèse d’histoire à propos d’un sujet qui, à l’époque, était tabou. Pour cela, j’ai payé un prix somme toute relatif. Je voudrais penser que ce n’est plus le cas pour les jeunes camerounais qui, aujourd’hui, se lancent dans une aventure intellectuelle similaire.

Mais au-delà de la discipline historique proprement dite, j’ai toujours manifesté une insatiable curiosité pour d’autres démarches de la pensée, d’autres modes d’argumentation ou, si vous voulez, d’autres épistémologies. Il y a, bien entendu, certaines méthodes plus ou moins propres à l’opération historiographique tout comme il y en a, s’agissant de l’anthropologie par exemple. Encore faudrait-il voir que, dans les champs contemporains de la connaissance, il n’existe plus de frontières étanches entre ces méthodes. L’enquête narrative par exemple a cessé d’être le pré carré des seuls historiens, à supposer qu’elle l’ait jamais été.

Les archives qui nous permettent de construire nos objets d’étude ou de privilégier certaines matières de problématisation plus que d’autres sont innombrables. Pour moi, la pensée n’a pas de frontières. Pour qu’elle se transforme en véritable voyage planétaire, elle a parfois besoin d’être dénationalisée et déterritorialisée.  Ni la dénationalisation, ni la déterritorialisation ne la rendent moins contextuelle. Dans tous les cas, je ne suis pas, comme vous devez sans doute le deviner, un adepte des pensées villageoises.

Saibou Issa estime que vous êtes un « agitateur d’idées » et que vous puisez beaucoup dans la philosophie de Heidegger et la transdisciplinarité pour diffuser vos idées. Alors, quel doit être l’apport des disciplines connexes dans la construction de l’histoire ?

Il est toujours utile d’éviter les raccourcis et les généralités lorsqu’on veut porter un jugement sur une pensée en mouvement. Citer Heidegger ou Fanon n’a de sens que dans le contexte de l’argument dans lequel l’un ou l’autre sont convoqués.

Enfin, l’actualité au Cameroun est marquée par la célébration du «cinquantenaire de la Réunification » à Buéa le 20 Février dernier, soit plus de 52 ans après la réelle réunification. Une célébration marquée par une inflation de l’image du président Biya. Certaines banderoles l’ont d’ailleurs présenté comme le « père de la vraie réunification ». Quelle est votre analyse de cette situation ?

Une distraction de plus, dans un pays dominé par une pseudo-élite sans idée, sans imagination ni véritable conscience historique.

Merci Achille Mbembe.


Regards croisés des historiens camerounais sur Achille Mbembe

Le congrès de  l’Association des Historiens Camerounais devenu « Société Camerounaise d’Histoire » s’est tenu du 27 Février au 01er Mars 2014 à Maroua. Plusieurs débats ont émergé de ce congrès. L’un des plus interessants aura certainement été celui relatif aux « regards croisés des historiens camerounais » sur l’historien et politologue Achille Mbembe. Ce dernier vit depuis plusieurs décennies hors du Cameroun. Il s’est installé il y a quelques années à Johannesburg en Afrique du Sud où il est membre de l’équipe du Wits Institute for Social & Economic Research (WISER) de l’Université du Witwatersrand.  Il a publié aux éditions La Découverte en Octobre 2013 un essai intitulé Critique de la Raison Nègre.

Achille Mbembe.   © François Van Zon via flickr.com
Achille Mbembe. © François Van Zon via flickr.com

Je reprends fidèlement les propos de Christian Fouellefack sur son mur facebook au sujet des propos de ces historiens. Christian Fouellefack est doctorant en Histoire à l’Université de Yaoundé 1 et enseignant au département d’Histoire de l’Université de Dschang. Il a participé au congrès des Historiens de Maroua. Au cours du récent congrès de Maroua, à la question de savoir : Devons- nous considérer Achille Mbembe comme étant un historien contestataire ? Trois maîtres répondent en substance:

Pr Taguem Fah, Université de Ngaoundéré : Contestataire ou non, Mbembe est sans doute le meilleur chercheur camerounais de ce siècle. Il est suffisamment dense et ses travaux scientifiques sont largement répandus. De nombreux colloques et autres symposium sont organisés dans le monde autour de ses travaux. Il est vrai qu’il devient de plus en plus difficile de le situer clairement parce qu’il s’appuie sur d’autres sciences notamment la philosophie pour écrire certains ouvrages.

Pr Daniel Abwa, Université de Yaoundé I : Mbembe n’écrit plus l’histoire. Le fait historique n’intéresse plus Mbembe. La recherche de la réalité historique n’est plus sa préoccupation. Il ne va pas dans les archives pour récolter des données. Il utilise l’histoire pour ses réflexions.

Pr Saibou Issa, Université de Maroua : Mbembe est un agitateur d’idées, pas un historien contestataire. Il puise beaucoup dans la philosophie de Heidegger et utilise la transdisciplinarité pour diffuser ses idées.

Il est ainsi clair que pour Daniel Abwa, président de la Société Camerounaise d’Histoire, Achille Mbembe a cessé d’être Historien puisqu’il ne va plus au Archives pour récolter les données. Tandis que pour Saibou Issa qui est le secrétaire exécutif de la même société, Mbembe est plus un agitateur d’idées.


La société Camerounaise d’Histoire est née!

C’est la principale information qui ressort du 1er congrès des Historiens Camerounais. Il s’est tenu du 27 Février au 01er mars dernier à l’Université de Maroua, dans la région de l’extrême nord du Cameroun. En trois jours, les historiens Camerounais ont discuté, échangé et débattu sur « l’enseignement et la recherche de l’Histoire au Cameroun ».  Les travaux ont tourné autour des sources de l’histoire, de l’enseignement et de la recherche en histoire. L’Association des Historiens Camerounais qui existe depuis plusieurs années s’est réuni pour la première fois à Maroua sous la conduite de son président, le professeur Daniel Abwa.

Les congressistes lors de la photo de famille devant le cercle municipal de Maroua. Crédit image: Alvine Henry Assembe Ndi.
Les congressistes lors de la photo de famille devant le cercle municipal de Maroua. Crédit image: Alvine Henry Assembe Ndi.

Au sortir de ce congrès, plusieurs résolutions ont été prises. D’abord le changement du nom de la corporation d’Historiens camerounais. Elle s’appellera désormais Société Camerounaise d’Histoire et non plus Association des Historiens Camerounais. La nouvelle société sera dirigée par Daniel Abwa, professeur titulaire des universités, nommé tout récemment au poste de vice-recteur à l’Université de Yaoundé 1. Il est secondé par le professeur Saibou Issa qui occupera le poste de secrétaire exécutif. Ce dernier est directeur de l’Ecole Normale supérieure (ENS) de Maroua depuis 2009 et docteur en histoire de l’Université de Yaoundé 1.

Selon les résolutions publiées sur facebook par un des participants, la Société Camerounaise d’Histoire  « ouvre ses portes à tous les historiens camerounais et les historiens qui s’intéressent au Cameroun comme champs de recherche ». Elle « encourage davantage la professionnalisation du métier d’historien ». Il  est également possible pour les étudiants d’être membre de cette société après avoir rempli les conditions qui s’imposent. Une des participantes au congrès que nous avons réussi à avoir, nous a indiqué que les missions de la société sont  de donner la place qui est la sienne à l’histoire dans notre pays et d’écrire une histoire vraie et objective. L’objectif est par ailleurs, selon le Docteur Mahamat Abba Ousman, chargé de cours au au département des beaux arts et des sciences du patrimoine de l’Institut du Supérieur du Sahel à l’Université de Maroua, de créer un réseau d’échanges entre les Historiens Camerounais pour partager les informations sur les colloques, les appels à contribution et les bourses.

Un des panels pendant le congrès. Crédit image: Alvine Henry Assembe.
Un des panels pendant le congrès. Crédit image: Alvine Henry Assembe Ndi.

C’est dans ce sens que des actions précises ont été programmées. Ces actions doivent être exécutées dans les meilleurs délais. Il s’agit notamment de la création d’un site internet dans un meilleur délai ; création d’une revue et enfin la création des antennes dans toutes les universités d’Etat pour la vulgarisation de ce projet et l’adhésion des membres. Le prochain congrès se tiendra dans deux ans dans une ville non déterminée pour le moment.


Livre: l’université de Dschang dresse le bilan des cinquante années d’indépendance et de réunification du Cameroun

Depuis quelques semaines, le nouveau bébé de la littérature camerounaise est disponible. Les actes du colloque de Dschang tenu du 10 au 12 Mai 2010 sur le thème : « cinquantenaires de l’indépendance et de la Réunification du Cameroun. Bilan, enjeux et perspectives ». Le contexte de publication de ces actes est marqué par la célébration à Buéa du cinquantenaire de la Réunification des deux Cameroun (Francophone et Anglophone) le 01er octobre 1961. En 2010, les travaux de ce colloque se sont déroulés en commémoration des cinquantenaires de l’indépendance et de la réunification du Cameroun.

En plusieurs moments et à travers diverses thématiques (politique, économique, social), les chercheurs, sous la direction du Pr Anclet Fomethe, par ailleurs recteur de l’Université de Dschang, dressent le bilan des cinquante années d’indépendance et de Réunification du Cameroun. La préface porte la signature du Ministre de l’enseignement supérieur et chancelier des ordres académiques Jacques Fame Ndongo.

Première de couverture de l'ouvrage. ©Ulrich Tadajeu
Première de couverture de l’ouvrage. ©Ulrich Tadajeu

Il en ressort que l’indépendance ainsi que la réunification sont le résultat du combat des acteurs de l’époque qui avaient à cœur de restaurer l’identité Cameroun mise à mal par les différentes influences coloniales et néocoloniales. Plusieurs figures sont présentées à savoir entre autres Kamdem Nyiyim, Abel Kingue ou encore Djoumessi Mathias qui ont participé à partir de leurs positions respectives à la libération du Cameroun. John Ngu Foncha est présenté par Suh Hilary Sama comme un grand artisan de la Réunification des deux Cameroun. Il a contribué à la mise en œuvre de cette réunification à travers le parti politique qu’il créa, le Kamerun National Democratic Party (KNDP). Sa participation aux différentes conférences qui ont précédé la Réunification notamment celle de Foumban de juillet 1961 est également relevée par l’historien. L’identité Cameroun évoquée plus haut se traduit par un statut juridique colonial particulier. N’ayant jamais été une colonie, le Cameroun a tout de même été administré comme tel. Cette identité s’est construite selon Norodom Jean Bedel en trois temps que sont la gestation, la parturition et la maturation. Malgré cette construction, des freins sont récurrents et empêchent à l’unité nationale de se mouvoir effectivement. Parmi ces freins, Nodem Jean Emet analyse l’émiettement du territoire. Un émiettement qui se manifeste par une vision parcellaire du territoire et une orientation des activités  vers « son village ». Cette situation conduit, selon le sociologue, au mal développement.

Une des contributions dans l'ouvrage. © Ulrich Tadajeu
Une des contributions dans l’ouvrage. © Ulrich Tadajeu

D’un autre côté, les chercheurs réunis autour de ce livre dressent également le bilan économique du Cameroun cinquante années après l’indépendance à travers deux axes importants et complémentaires : l’agriculture et l’industrialisation. Les politiques agricoles ont évolué, des plans quinquennaux aux sortir des indépendances avec une forte implication de l’Etat à la politique agricole en passant par la Nouvelle Politique agricole. A l’implication de l’Etat, s’est substituée l’implication de l’extérieur. En plus de cette implication, la conjoncture économique internationale ainsi que les défaillances du gouvernement ont produit des ralentissements importants sur le plan agricole. Et c’est pour pallier à ces manquements, qu’une formation des cadres supérieurs en Agriculture est faite au Cameroun et dans la ville de Dschang depuis plusieurs décennies.  Depuis 1960, cette formation agronomique connait plusieurs moments mais c’est en 1977 avec la création du centre Universitaire puis en 1993 suite au décret du 19 Janvier 1993 portant création de l’Université de Dschang et donc, naissance de la FASA, que cette formation agronomique prit une autre envergure à partir de la ville de Dschang. Pour que l’agriculture donne des résultats satisfaisants, il faut qu’à côté de la formation, se greffe une industrialisation avancée.

Les communications de Nemb Pierre Samuel et Noula Armand d’une part et de Williams Pokam Kamdem d’autre part essaient de diagnostiquer ce secteur cinquante ans après. Il est clair que l’évolution industrielle durant les cinquante années précédentes a été marquée par des erreurs et des échecs mais également des avancées. L’un des grands freins au décollage industriel du Cameroun c’est l’extraversion de ce secteur caractérisé par des importations élevées. Pour un redéploiement effectif du secteur industriel, il faut, selon l’historien William Pokam que, la « somme des erreurs soit concrétisée en nouveaux essais ».

Dans un article en guise de conclusion, le Professeur Charles Robert Dimi propose un plan en trois axes qui permettrait au Cameroun de prendre avantage de la mondialisation : une mise en cause critique de nous-mêmes, des investissements dans les domaines économique, financier, matériel et la solidarité avec les autres pays du sud. Il est urgent, plus de 50 ans après l’indépendance et la Réunification, de se remettre en cause pour mieux avancer. C’est, en tout cas, le message porté par cet ouvrage.